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Peut-on parler (un peu) de démondialisation…
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Peut-on parler (un peu) de démondialisation…
C’est visible : le coronavirus s’attaque davantage à l’économie mondialisée qu’à l’humain. Le système économique, cette nébuleuse mondialisation, dans lequel nous baignons de manière inexorable, depuis les années 90, s’avère plus vulnérable aux effets néfastes du Covid-19 que vous et moi. Si la décroissance peut être un ralentissement de l’activité économique choisie ou imposée (dépendant des choix politiques ou du contexte international), la démondialisation – l’effet contraire de la mondialisation – est, elle, subie. Elle résulte d’un dysfonctionnement du commerce mondial, une diminution des importations et des exportations – en raison de la fermeture des frontières et des dessertes (aériennes et maritimes). La démondialisation se manifeste aussi par une baisse des flux d’investissement ou des prêts internationaux. À lire la presse économique de cette semaine, et les dernières prédictions du FMI et de l’OCDE, il est évident que le coronavirus vient chambouler le mouvement, jusqu’ici continu/voulu/encouragé, d’intégration des marchés. Déjà la crise (financière puis économique) de 2008 nous avait donné une demonstration du «raccourcissement des chaînes de valeur».
«Pandemics are not just passing tragedies of sickness and death. The omnipresence of such mass-scale threats, and the uncertainty and fear that accompany them, lead to new behaviors and beliefs. People become both more suspicious and more credulous. Above all, they become less willing to engage with anything that seems foreign or strange. Nobody knows how long the COVID-19 epidemic will last. If it does not become less contagious with the arrival of spring weather in the northern hemisphere, nervous populations around the world may have to wait until a vaccine is developed and rolled out. Another major variable is the effectiveness of public-health authorities, which are significantly less competent in many countries than they are in China», analyse Harold James, Professor of History and International Affairs at Princeton University et Senior Fellow at the Center for International Governance Innovation.
Les fermetures d’usines en Chine et les arrêts de production massive bouleversent de plus en plus les chaînes de production et de consommation sur le plan mondial. Du reste, les cours pétroliers plongent ces jours-ci de manière spectaculaire (ce qui amplifie les risques d’une crise économique généralisée); le timide rebond (observé lundi 2 mars) est fini : le baril de Brent a perdu hier au moins 20 % de sa valeur (depuis le début de l’année). Il descend sous la barre des 50 dollars ! Derrière les chiffres, il y a un complexe rapport de forces géopolitiques, soit un désaccord entre producteurs pétroliers – qui vivent la démondialisation en cour de manière différente, chacun selon son modèle économique. Ainsi l’Arabie saoudite n’a pas pu convaincre la Russie d’opérer une ambitieuse coupe de 1,5 million de barils par jour jusqu’à fin 2020. D’ailleurs, les experts réalisent qu’il n’est guère certain que les 23 pays de l’Opep+ puissent enrayer la chute des cours si les États-Unis de Donald Trump (monsieur anti-mondialisation par excellence – et par choix !) ne réduisent pas leur production. «In thinking through the long-term consequences of the COVID-19 crisis, individuals, companies, and perhaps even governments will try to shield themselves through complex contingent contracts. It is easy to imagine new financial products being structured to pay out to automobile producers in the event that the virus reaches a certain level of lethality. The demand for novel contracts may even fuel new bubbles, as the money-making possibilities multiply», souligne l’historien- économiste Harold James.
En 2020, le coronavirus vient surtout nous rappeler que «no man or country is an island». Nombre d’analystes soulignent le recul relatif des biens intermédiaires dans le commerce mondial et estiment que cela pourrait attester d’un moindre recours à la sous-traitance étrangère. Ce qui résulterait en une baisse du prix relatif des biens semi-transformés. Les effets prix viennent renforcer notre perception de démondialisation. Mais d’autres ne sont pas d’accord et voient dans le remue-ménage international qui s’opère sous nos yeux une mutation accélérée de la mondialisation, et pas une démondialisation per se. Déjà avec le digital, la Big Data est devenue le nouveau terrain où s’opère l’intégration du monde qui change. Comment alors évoquer la «démondialisation» quand l’ensemble des données que nous produisons à tout point du globe deviennent la ressource première de géants planétaires – notamment du GAFA. Dans cet espace, de nouvelles rivalités émergent. Kevin Rudd, l’ancien PM de l’Australie, est de ceux qui pensent que le multilatéralisme (qui sous-tend la mondialisation) est plus pertinent que jamais : «Are the US and the UK at the forefront of a push against the world of multilateralism – or managed globalization – that they created in the mid-twentieth century? How realistic is the prospect of deglobalization as a consequence of trade wars, and restrictions on movement of people and capital? Globalization depended on a complex system of regulating cross-border flows, and on the embedding of domestic rules in an international order. Is there a pendulum swing against globalization? The doctrine associated with the German interwar political and legal thinker, Carl Schmitt, and sometimes termed “decisionism” well describes the mentality of response to the long-term aftermath of the 2008 global financial crisis. The primary interest of the political process now lies in who can make decisions. Politics is measured and defined by decisions, and not processes»… Pour tout cela, le coronavirus est devenu un test de leadership pour les politiciens du monde entier qui avancent à tâtons face à l’inconnu.
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Il ne se passe pas un jour sans qu’on annonce sur Facebook un cas de coronavirus à Maurice, tantôt dans le Nord, tantôt dans le Sud. Le coronavirus vient aussi confirmer que dans ces temps de désinformation et de fake news, il ne faut surtout pas gober tout ce qui circule sur la Toile et que les journalistes qui font du fact-checking sont plus importants que jamais. À l’express, nous sommes plus que jamais déterminés à analyser de manière fine les grands phénomènes qui impactent notre pays. Notre objectif affiché est de vous fournir des clefs de compréhension dans un monde en mutation continue et où les sources sont multiples, et pas toujours fiables. C’est pour cela que l’information, qui est un bien public, doit être libre de tout lobby ou pouvoir, économique ou politique, – et cette liberté pour exercer notre rôle de sentinelle et de contre-pouvoir, c’est vous qui nous la conférez, au quotidien…
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