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Épreuve de force

18 mars 2020, 07:40

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Sans doute, personne n’a été aussi dupe pour croire à la communication officielle du Premier ministre selon laquelle l’abandon des célébrations autour de l’Indépendance, tant au niveau de l’État qu’à celui des établissements scolaires, était dû aux mauvaises conditions climatiques ou encore au spectre du Covid-19.

Pour cause, il est maintenant clair que les coupures de 10 % des budgets des ministères, les restrictions imposées aux voyages ministériels ou encore la réduction au minimum du budget destiné au financement des célébrations de l’anniversaire de l’Indépendance, allant jusqu’à la non-distribution de gâteaux et de jus dans les écoles, relèvent d’un constat qui donne froid dans le dos. La réalité est que les caisses du gouvernement sont visiblement vides, subissant aujourd’hui les pressions des promesses électorales souvent déraisonnées des dernières élections alors même que les conséquences économiques désastreuses de la pandémie du Covid-19 n’ont fait que commencer...

Aujourd’hui, les réalités économiques rattrapent le pays malheureusement et mettent en évidence l’absence d’une stratégie où les dirigeants qui se sont succédé à la tête de ce pays ces dix dernières années se sont beaucoup plus préoccupés de leur maintien au pouvoir plutôt que de la création des valeurs économiques du pays. Résultat des courses : il suffit qu’une épidémie éclate à l’échelle planétaire, à l’instar du Covid-19, pour qu’on découvre la fragilité des fondamentaux économiques avec une croissance anémique de moins de 4 % que le pays traîne depuis presque une décennie alors même que les principaux piliers, générateurs de croissance et d’emplois, comme le tourisme, la manufacture ou le sucre, sont essoufflés et malades bien avant l’éclatement du coronavirus.

L’annonce de l’interdiction des touristes de l’Union européenne de fouler l’aéroport pendant deux semaines entraînera forcément des dommages collatéraux à l’industrie touristique. Et ce ne sont malheureusement pas des mesurettes comme une remise de 15 % sur l’achat de trois litres de spiritueux ou la suspension du Passenger Fee sur le billet d’avion qui permettront d’éviter l’effondrement de cette industrie. Renganaden Padayachy a surpris tout le monde avec cette mesure qui est loin des attentes des opérateurs face au naufrage d’un secteur déjà en décomposition avant cette crise sanitaire.

Du coup, l’attitude de nonchalance et du «business as usual» du gouvernement a laissé la place ces derniers jours à l’inquiétude d’une guerre sanitaire qui va très vite se transformer en guerre économique. Malgré l’assurance affichée par les dirigeants du gouvernement, plus particulièrement par le tandem Jugnauth-Padayachy face à cette crise, le gouvernement n’a manifestement pas une grande marge de manœuvre financière pour lutter contre les conséquences économiques de cette pandémie et soutenir l’économie du pays.

Certes, il y a le plan de soutien qui ne peut évidemment être comparé au «Stimulus Package» de l’Australie qui a mobilisé l’équivalent du PIB de Maurice pour soulager les secteurs touchés par l’effet du Covid-19 et par ricochet les opérateurs économiques. Mais là où le bât blesse, c’est qu’à un moment où le pays doit rechercher l’intelligence collective des experts de tout bord pour aider le pays à sortir de cette crise ou, à défaut, de limiter au moins les dégâts économiques, les nominations qui se poursuivent au sommet des institutions clés du pays, celles-là mêmes qui sont nécessaires pour absorber les chocs d’une récession économique à l’avenir, sont noyautées par des proches du gouvernement. Leur seule consigne : être fidèles à leur maître.

On ne cessera de le répéter : des sociétés cotées comme la SBM et Air Mauritius, ou encore des institutions comme la DBM et l’Economic Development Board, ne sont pas des boutiques du coin qui peuvent abriter les nominés de tout poil – réputés pour leurs coups de langue – dont les seules compétences se résument à leur proximité avec le pouvoir ou ceux qui le détiennent. Ils doivent savoir qu’ils sont payés des deniers publics et ont des comptes à rendre à leurs actionnaires dans le cas d’Air Mauritius ou encore de SBM Holdings dont les séquelles de scandales financiers à coups de milliards hantent encore les esprits d’ex-directeurs. Être conseillers en communication et autres «matters» ne vous érige pas forcément en experts de bonne gouvernance des sociétés d’État... !

Il est toutefois malheureux que d’un régime à l’autre, certains activistes se croient tout permis, se bousculant au portillon de l’hôtel du gouvernement au lendemain des résultats pour se faire embaucher par des ministres avec qui ils partagent certaines affinités. Car à la clé il y a le «per diem», package attrayant, voiture hors taxes et jeton de présence sur les boards... qui dit mieux ?

À un moment où les risques de récession pèsent lourdement sur le pays qui pourrait se retrouver dans un pire scénario à une décroissance de 3 %, – la dernière contraction remonte à 1980 quand la croissance était négative à 10,1% suivant les deux dévaluations de la roupie sous le mandat de feu sir Veerasamy Ringadoo – l’heure est à la réflexion, avec les compétences qui restent de ce régime, pour sortir le pays de la crise et permettre à l’économie de rebondir...