Publicité

Bien plus qu’une guerre !

11 avril 2020, 07:26

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Le prolongement du confinement jusqu’au 4 mai – et son impact encore méconnu sur l’économie – prouve, s’il le fallait, que nous sommes dans une situation dangereuse, qui pourrait vite dégénérer, en termes de victimes du Covid-19, si l’on ne redouble pas d’efforts et de sacrifices afin de freiner, collectivement, la propagation du virus. En l’absence d’une Whole-of-Society Approach coordonnée, non seulement le virus risque de tuer encore plus, mais il peut potentiellement nous asphyxier aussi sur le plan économique et financier, en accentuant le double choc.

Le choc sur l’offre, d’abord, en raison d’une productivité en baisse continue et d’éventuelles pertes d’emplois (près de 10 millions d’Américains se retrouvent au chômage en l’espace de deux semaines de lockdown !), et sur la demande, ensuite – consommation des produits de première nécessité, baisse importante de revenus de ceux qui sont dans le secteur informel, etc. Le triptyque est classique : crise sanitaire, crise économique et puis, crise sociale.

Une émotion particulière a ponctué la journée d’hier, avec l’annonce de deux nouveaux décès. L’ironie du destin a voulu que deux personnes – l’une de condition fort modeste et l’autre immensément riche – soient emportées à quelques heures d’intervalle du même centre de santé publique, pour être conduites au même cimetière, sans que leurs proches ne puissent les saluer une dernière fois. Une situation pénible, inédite, à laquelle les Mauriciens ne sont pas du tout habitués, nous qui avons grandi loin de la guerre, qui déchire tant d’autres pays. Tout est remis en cause, surtout sur le plan psychologique.

Si les modalités de sortie de crise ne sont pas encore fixées, le pays a aussi eu chaud en apprenant que le ministre de la Santé aurait pu avoir contaminé, à son insu, la moitié du Conseil des ministres. Mais heureusement que le Dr Kailesh Jagutpal ainsi que le Dr Vasantrao Gujadhur, sont, jusqu’ici, négatifs.

Alors que le confinement devient partie intégrante de notre quotidien, il importe de réfléchir sur notre capacité de résilience comme petit pays insulaire, qui importe pratiquement tout – surtout de la Chine – et la place que nous aspirons à occuper dans une économie mondialement intégrée, avec ses avantages, ses désavantages et/ou ses risques, comme le Covid-19. Lequel a voyagé jusqu’à chez nous – encore heureux que Rodrigues et Agalega soient épargnés jusqu’ici (avec leurs systèmes de santé assez précaires, l’on aurait pu craindre le pire, comme c’est un peu le cas ici).

Dans L’être, l’avoir et le pouvoir dans la crise, une analyse pointue publiée dans la revue Politique Internationale, l’ancien patron du FMI, Dominique Strauss-Kahn, reprend ceux qui tentaient de relativiser le coronavirus, il y a deux ou trois mois de cela, en comparant le nombre de morts du nouveau virus aux chiffres de la grippe saisonnière, aux épidémies de VIH et d’Ebola, voire à ceux qui seraient victimes de l’alcool et du tabac : «Ce type d’argument revient à faire fi du caractère global et absolu de cette pandémie. Global, dans la mesure où aucune aire géographique n’est plus épargnée et parce que la pandémie vient croiser une démographie mondiale qui est sans comparaison avec celle de 1919. Le simple nombre d’individus appelés à rester à domicile est aujourd’hui deux fois plus important que la population mondiale totale lors de l’épisode de la grippe espagnole. Absolu, car il est évident qu’aucun individu ne peut se considérer comme étant à l’abri du risque de contamination…»

Les mots qu’utilise Strauss-Kahn pour décrire les conséquences du coronavirus dépassent le vocabulaire martial adopté par des dirigeants politiques comme Emmanuel Macron et Pravind Jugnauth, par exemple. Il parle ni plus ni moins de «destruction de capital, évaporation des savoirs, éducation sacrifiée, coma organisé et délitement subi mais sans doute durable des chaînes d’approvisionnement». On est bien loin des discours rassurants d’un Jagutpal au Parlement, d’un Padayachy face à la presse, ou encore d’un Sawmynaden montrant les greniers remplis des commerçants, qui ont failli nous anesthésier malgré les sirènes réalistes du Dr Deoraj Caussy et de l’OMS…

Mais l’heure n’est pas au règlement de comptes politiciens, mais à la stabilisation de la machine économique, qui a été mise en arrêt brutal. Même en temps de guerre, il y a une autre économie qui prend le relais, comme un respirateur artificiel. C’est l’économie de la guerre, comme le plan Marshall pour reconstruire l’Europe. Contre le Covid-19, aucun plan global n’existe encore vraiment, en raison de la faillite des organisations internationales. C’est tout dire.