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Mauriciens, Indiens, Singapouriens : des comparaisons trompeuses…
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Mauriciens, Indiens, Singapouriens : des comparaisons trompeuses…
On assiste à un petit attroupement de désœuvrés qui ne respectent pas les consignes de confinement à place de l’Immigration, à Port-Louis. Subitement, des policiers armés de bâtons et de rotins en bambou débarquent sur le lieu et se mettent à corriger tout le monde à la ronde.
Ceux qui sont ainsi rappelés à l’ordre implorent les policiers, les deux mains jointes à l’indienne, de les laisser partir. Pas plus méchants que ça, les policiers acceptent de ne plus utiliser leurs bâtons. Mais ils ordonnent aux personnes présentes de tenir le lobe des deux oreilles, de s’accroupir, de se relever, de s’accroupir encore. Une fois satisfaits de la bonne volonté des personnes ainsi humiliées, les policiers mettent fin à l’exercice. Les corrigés refont le geste des deux mains jointes, se bougent la tête de gauche à droite à plusieurs reprises et repartent chez eux très contents d’avoir évité le pire.
Il s’agit-là d’une scène quotidienne, répertoriée partout en Inde. Presque tout le monde félicite la police indienne pour avoir bien fait son travail. Et si vraiment les Mauriciens subissaient le même sort ? Dans les faits, les Indiens et les Mauriciens constituent deux peuples totalement différents. C’est dire que certains perdent leur temps en dressant des similarités dans le comportement des deux peuples, surtout en ce moment de défis posés par le Covid-19. Il n’y a aucune comparaison dans l’encadrement de la population par le gouvernement de l’Inde et celui de Maurice.
Au fait, il n’y a rien de plus trompeur que d’appeler Maurice Little India. La Grande péninsule compte une population d’un milliard 330 millions, soit mille fois plus nombreuse que celle de Maurice. Par contre, le revenu par tête d’habitant en Inde est de 2 000 dollars contre 11 600 à Maurice, soit six fois de moins. Les Mauriciens sont six fois plus riches que les Indiens. Excluant Bollywood, la persistance de certaines langues et des traditions cultuelles, tout sépare Maurice de l’Inde.
On a tort aussi de comparer Maurice à Singapour. Deux systèmes de gouvernement, deux peuples, deux cultures politiques, totalement différents. Revivons une scène typiquement mauricienne à Singapour. C’est le confinement et des jeunes armés de leurs instruments de musique, des batteries surtout, grimpent sur le toit de leur maison et offrent un concert gratuit aux voisins. Qui en sont enchantés et boivent aussi à la santé de ces jeunes «méter nisa».
Or, à Singapour, les résidences individuelles sont rares, n’abritant que des multimillionnaires. L’écrasante majorité de la population vit dans des complexes d’appartements de 30 à 70 étages. Verra-t-on des jeunes monter sur un bâtiment de 60 étages pour offrir un concert gratuit à des voisins ?
Au fait, il n’y a pas de comparaison possible entre Maurice et Singapour. Un autre exemple. Si les Mauriciens étaient contraints de vivre dans des bâtiments de plus de 30 étages, il n’est nullement difficile d’imaginer ce qui se passerait si la police débarquait pour arrêter quelqu’un vivant au 25e. Que seraient devenus la voiture patrouilleuse et les policiers aux alentours si des extincteurs de 15 kg étaient lancés des étages supérieurs du building sur le véhicule ? Au fait, si la feuille de tôle semble à portée de main à Maurice, à Singapour, l’extincteur pourrait s’avérer plus tentant si tout le monde est mobilisé à chaque étage.
Maurice comme le Singapour de l’océan Indien ? Sir Anerood Jugnauth n’avait pas tort de viser bien haut dans l’œuvre de développement économique qu’il avait entreprise depuis 1983. Mais pour atteindre cet objectif, il fallait que les Mauriciens, les entrepreneurs comme les travailleurs, partagent les valeurs économiques, sociales et culturelles des Singapouriens. Or, le peuplement des deux îles a connu des expériences fondamentalement différentes.
Singapouriens et Mauriciens, deux peuples différents. Singapour compte une population de 5,6 millions contre 1,3 million à Maurice, soit 4 fois plus importante. Par contre, la superficie de Singapour est de 725 km2 contre 2 040 km2 pour Maurice, ce qui fait de notre île une entité trois fois plus grande que le pays portant un nom en sanscrit.
Au fait, Singapour et Maurice fonctionnent de deux façons totalement différentes. Singapour ne dispose pas de ressources naturelles. Les restaurants indiens de Serangoon Road, à Singapour, importent leurs feuilles de banane – servies comme assiette – de la Malaisie voisine. Il est vrai que Maurice importe des noix de coco à l’occasion du Cavadee et du Maha Shivaratree de l’étranger mais nous exportons quand même du sucre. Contrairement à Singapour, Maurice utilise des simulacres de feuilles de banane – en plastique – pour des plats végétariens. Osera-t-on utiliser des feuilles de banane en plastique pour le fish head curry tellement populaire à Serangoon Road ? Il faudrait aussi faire ressortir que la voie choisie par les Singapouriens leur permet d’avoir un revenu par tête d’habitant de 65 000 dollars contre 11 600 dollars à Maurice. Soit 5,6 fois plus que le nôtre.
En fonction de l’évolution du Covid-19, ceux qui s’intéressent à faire des comparaisons entre Maurice, l’Inde et Singapour pourraient bien analyser les statistiques. Ainsi, au vendredi 10 avril, l’Inde comptait 199 morts de Covid-19 contre 9 à Maurice. Si l’Inde avait le même taux de mortalité que Maurice, on aurait dénombré au moins 7 000 victimes dans ce pays. Le même exercice s’applique par rapport à Singapour. Pour une population de plus de 4 fois supérieure à Maurice, Singapour comptait six morts hier contre neuf au paradis de l’océan Indien.
Ce serait un exercice bien révélateur, dans les jours et semaines à venir, de voir comment Maurice gère la pandémie et comment les autorités en Inde et à Singapour défendent les intérêts de leurs populations. Ce serait l’occasion de démythifier bien de postulats intériorisés par les Mauriciens.
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