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Tu as dit ‘normal’ !
S’adressant à la nation la semaine dernière, Pravind Jugnauth appelait aux efforts de tout un chacun pour un prompt retour à la ‘normale’. En d’autres mots, pour que nous puissions reprendre notre vie, nos différentes activités comme nous les menions avant que le Covid-19 ne nous oblige au confinement.
Normal. Mais qu’est-ce qui est normal ? Est-ce cette course folle dans laquelle on est si nombreux à s’être alignés pour arriver à ce que certains appellent le succès ? Elle fait passer nos désirs au-dessus de nos besoins, incitant ainsi au surendettement, nous dépouille de notre énergie, nous prive d’une vie familiale et sociale saine, nous pousse à l’individualisme et à l’indifférence, nous aveugle et nous fait croire que l’avoir, le paraître ont plus d’importance que l’être.
Ou est-ce ces systèmes que l’on a érigés, basés sur… l’argent, le profit, les chiffres. Qui, au fil du temps, ont engendré d’énormes inégalités, creusant un écart de plus en plus profond entre les différentes classes sociales. Ils ont créé un espace d’échange entre les corrupteurs et les corrompus. Mais laissent une frustration au sein de ceux qu’ils abandonnent sur le côté.
Au nom d’une foutue modernisation, on mène toutes sortes de projets. On vend nos terres. Nos plages. Même notre passeport. On détruit des maisons. Des sites historiques. On abat des arbres, sans se soucier du tort que tout cela cause à notre environnement, et au futur de notre planète. Est-ce normal ?
Dans un contexte plus terre à terre, pour traverser une grande ville ou un point stratégique en voiture, il nous faut compter au moins trente minutes - parfois même en dehors des heures de pointe. L’augmentation significative des véhicules sur nos routes influe, directement ou indirectement, sur le nombre d’accidents. On a, aujourd’hui, un mort sur nos routes chaque trois jour. Ce qui fait une moyenne de 10 morts par mois. Pour une petite île comme la nôtre, c’est beaucoup. Beaucoup trop. C’est donc ça le prix à payer pour le développement.
Sur l’autel des sacrifices, on retrouve, également, ces jeunes qui se meurent, ou qui deviennent fous, victimes des drogues de synthèses, disponibles à tous les coins de rue dans les ghettos et de moins en moins chères. Qu’est-ce qu’il y a de normal de voir ces mères qui pleurent, tous les jours de leur vie, après avoir enterré leurs enfants ?
On pourrait aussi se demander si c’est normal qu’après plus de 50 ans d’indépendance, on ne se conduit toujours pas comme une vraie nation. L’unité est encore malheureusement, pour beaucoup de Mauriciens, un concept et non une expérience. Qu’il y ait jusqu’ici, à l’exception d’une parenthèse entre 2003 et 2005, que deux familles qui aient administré notre pays.
Est-ce normal que les dirigeants, politiques, sportifs ou de quelque autre domaine, continuent à faire primer leurs intérêts personnels avant ceux des gens dont ils sont supposés être au service ? Qu’ils se livrent à des guerres honteuses, malsaines pour s’assurer le pouvoir ?
Non, monsieur le Premier ministre, ce n’est nullement d’un retour à la normale qu’on a besoin. Mais d’un retour à l’essentiel.
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