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Pour tenter d’y voir plus clair

19 avril 2020, 07:26

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Nous avons reçu de l’Inde, par avion affrété d’Air India, s’il vous plaît, 13 tonnes de médicaments cette semaine. Parmi ce lot reçu gratuitement à la demande des autorités locales ; 500 000 cachets d’hydroxychloroquine, ce qui m’a immédiatement fait penser qu’après la dengue et le Covid-19, nous avions, par quelque forte malchance, aussi été menés à confronter la malaria en ce début de 2020 ?

Que nenni !

L’hydroxychloroquine c’est, apparemment, pour soigner le Covid-19 ! Enfin, c’est, du moins, l’espoir, puisque cette molécule n’a, pour l’heure, pas encore été homologuée pour occire le coronavirus, d’autant que ses effets collatéraux non désirés sont aussi plutôt inquiétants. 

Ainsi, le journal «Le Monde» raconte que depuis le 27 mars, 54 patients prenant ce médicament en France ont connu des troubles cardiaques selon le Centre de Pharmacovigilance de Nice. Dans sept cas, il y eut même arrêt du coeur soudain et inexpliqué, cependant que trois patients ont pu néanmoins être réanimés in extremis par choc électrique !

L’hydroxychloroquine est une molécule connue depuis un bout de temps déjà qui, outre de contrôler la malaria, a été utilisé contre l’arthrite, le lupus et le porphyria cutanea tarda. Quand les essais du professeur Raoult à Marseille, pourtant sans le groupe de contrôle vital*, furent relayés par «Fox News», il n’en fallut pas plus pour que Trump s’y mette et en fasse les louanges. La demande pour l’hydroxychloroquine explosait grâce au palabre de l’Internet, menant l’Inde, le plus gros producteur mondial a en bannir l’exportation pour protéger ses patients (pas du Covid-19 semble-t-il) à ne pas en manquer. Cet embargo a depuis été partiellement débloqué pour 13 pays amis particulièrement affectés, dont la Malaisie qui voulait acheter 1 million de cachets et qui en recevra finalement… 89 100 en tout et pour tout. Qu’elle paiera. Une source citée par «Reuters» indiquait que l’Inde ne pouvait en faire plus parce qu’elle donnait aussi cette molécule devenue «miraculeuse» à «…some less developed countries in Africa» (https://www.thestar.com.my/) 

Une étude datée du 14 avril dernier du «Center for Evidence Based Medecine» en association avec l’université d’Oxford (https://www.cebm.net/) exprime de sérieuses réserves sur les cinq essais entamés jusqu’ici et va jusqu’à dire que «These studies do not support the contention that hydroxychloroquine (and by implication chloroquine) is effective in the management of even mild cases of Covid-19». Healthline.com rappelle que tout médicament a des contre-indications et/ou des «side effects» non négligeables. Pour la plupart des médicaments, il y a effectivement un «trade off» entre la guérison d’un mal et les «side effects» engendrés. Dans le cas de l’hydroxychloroquine, deux conséquences majeures possibles sont des troubles de vision pouvant devenir permanents et des troubles cardiaques menant parfois à la fatalité.

Il serait intéressant de savoir, face aux seules neuf mortalités de Covid-19 jusqu’ici au pays, qui a l’autorité d’avoir quémandé et qui va prendre le risque maintenant de prescrire cette molécule aux patients du coronavirus ! L’Inde généreuse doit être remerciée de sa tendresse gratuite pour Maurice. Ceux qui, ici, abusent de cette bonté paraissent moins méritants… 

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Je suis de plus en plus stupéfait par les conséquences inattendues de l’Internet, de ses réseaux dits «sociaux» et de la manipulation et des dérapages qui peuvent en résulter. Aujourd’hui, tout le monde a son opinion, chacun s’est découvert être un expert, sur quasiment toutes les questions, prêt à partager SA connaissance et SA science dans une phrase qui débute invariablement par un : «Je pense que…», alors qu’en général, aucune réflexion véritable de quelque sorte que ce soit n’a effectivement eu lieu. La médiocrité souvent affichée est affligeante. D’autre part, il n’y a aucun doute que, strictement, c’est un pas en avant pour la démocratie que chacun puisse ainsi donner son opinion, même s’il n’a pas réfléchi. La preuve ? La réaction des autorités chinoises par exemple qui surveillent tout ce qui s’écrit et interviennent lourdement quand cela ne leur convient pas ! Mais quand un «post» Raoult de 25 pages peut engendrer, en 18 minutes dit-on, plusieurs dizaines de milliers de «likes», sans que les 25 pages ne soient même lues, on est en passe de sombrer dans le délire. Quand on y ajoute des recommandations de Nobel de Médecine, on croit rêver. À quand le choix des posologies nouvelles sur «The Voice» ou «The Apprentice» ?

Ce sont des dangers à ne pas négliger…

C’est pour tout cela que l’interrogatoire intempestif de l’ex-secrétaire de l’ancienne présidente est inquiétant car révélateur d’une attitude plus parti communiste chinois que démocratie libérale ! En plus, elle a même passé une nuit en prison ! En théorie, on enferme quelqu’un pour protéger les intérêts des autres, n’est-ce pas ? Elle représentait quelle menace pour la société ce soirlà, en plein confinement ? Les autorités mauriciennes signalent-elles, par-là, leur sens de l’humour déficitaire, leur intolérance grandissante ou leur intention claire d’envoyer leurs enfants désormais étudier à Wuhan plutôt qu’à Bordeaux, Manchester ou Perth ? 

Je me trompe peut-être, mais mon diagnostic est différent et me fait tout aussi peur. On en est peut-être arrivé au point où les nominés politiques font du zèle pour «faire plaisir» à leurs souteneurs ? Ce serait alors une couche de plus à un fascisme de mauvais aloi. 

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Pas de nouveaux cas de Covid-19 pendant cinq jours de suite. Pas de mortalité non plus. Ce qui donne des sueurs froides au Dr Caussy, qui ne comprend pas que ce soit possible. Il faut cependant applaudir car, même s’il y a de nouveaux cas dans les jours à venir, alors que les tests se multiplieront, les signes sont que l’épidémie semble plutôt sous contrôle, malgré l’évidente indiscipline de nombreux Mauriciens qui semblent ardemment vouloir travailler à la propagation du virus.

Perdre la bataille contre le coronavirus maintenant serait vraiment trop bête après les efforts gigantesques qui y ont été consentis ! Des efforts et des sacrifices, présents et futurs, si importants qu’il faut se demander s’ils ont été justifiés, comme a tenté de le faire cette Kronik au tout début de la pandémie (2 février, 8 et 15 mars) en essayant de mettre la menace en perspective. Car, en vérité, il ne faut pas opposer l’économie à la vie. L’économie qui tourne, c’est aussi la vie ! Sinon, pourquoi s’inquiéterait-on pour les chômeurs ? 

Le philosophe André Comte-Sponville (https://www.lepoint.fr/) le souligne avec bien plus de force que le soussigné en se demandant si la volonté de protéger la santé des plus âgés justifie de mettre en danger l’avenir des plus jeunes, ajoutant avec beaucoup de réussite et de finesse : «La peur de la mort n’est-elle pas en train de condamner l’essor de la vie ?»

C’est d’ailleurs, rappelons-le, la même problématique que nous allons tous devoir confronter avec les pensions de retraites de nos populations vieillissantes, financées par proportionnellement de moins en moins de jeunes au travail ! 

C’est, là, un des dividendes redoutables et redoutés des espérances de vie prolongées. D’autant qu’en démocratie, pour y revenir, le lobby des vieux a déjà la haute main en grossissant plus rapidement et en votant plus et «mieux» que ceux qui travaillent !

L’auteur de ces lignes aura bientôt 70 ans. Il travaille.

 

* Il faut au moins un groupe de contrôle, pour s’assurer que les taux de survie des patients avec ou sans hydroxychloroquine soient statistiquement différents, au point de justifier les «side effects» de l’hydroxychloroquine !!