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Notre droit essentiel à la liberté d’expression menacé !

19 avril 2020, 13:05

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Notre droit essentiel à la liberté d’expression menacé !

La liberté d’expression est un droit humain fondamental. Pilier de toutes les libertés civiques et le fondement même de toute démocratie, le droit à la liberté d’expression est caractérisé par la Cour européenne des droits de l’homme comme une des bases fondamentales d’une société égalitaire. 

À Maurice, chaque citoyen a droit à la liberté d’opinion et d’expression, un droit garanti par les articles 3(b) et 12(1) de la Constitution. Toutefois, il est vrai que la Constitution apporte certaines restrictions à ce droit qui doit être en harmonie avec les autres droits des citoyens dont la confidentialité ainsi que la sauvegarde des intérêts de toutes les composantes de la société. Cette « liberté » et ses « restrictions » qui maintiennent un certain concept de proportionnalité s’appliquent également pour la presse grâce à l’article 12 de notre Constitution afin de permettre la libre circulation des idées, même si celle-ci n’est pas mentionnée explicitement. Dans toute démocratie respectée, le journalisme prospère que lorsque les médias sont libres et indépendants afin que « les journalistes puissent exercer leur métier en toute sécurité évidemment lorsque l’impunité est l’exception » comme disait l’ancienne directrice générale de l’UNESCO, Irina Bokova. 

Sauf que ces droits essentiels et l’exercice même d’informer semblent être bafoués et menacés à Maurice depuis un moment. Alors que le rôle et la responsabilité de la presse est cruciale par ces temps de pandémie, les journalistes se retrouvent par exemple dans l’impossibilité, depuis un bon moment, d’adresser des questions d’ordre légitime et d’intérêt public au « National Communication Committee » comme il se doit ; c’est- - dire face à face et en direct comme le font d’autres pays démocratiques. Eh oui, en ces temps de crise, cet exercice a ses limites. Afin de faire face au rebond sur les questions sujettes à polémique qui pourraient à la fois clarifier mais aussi brouiller les messages que souhaite faire passer le gouvernement, le service de communication a choisi de mettre fin à l’interactivité physique avec les journalistes sur place durant les points de presse. Une astuce qui les permet de limiter et filtrer les questions envoyées à travers la plateforme ‘Be Safe Moris’, développée par Mauritius Telecom. 

Mais cela, semble-t-il, n’était pas suffisant pour museler les médias qui leur mettaient des bâtons dans les roues. La radio privée Top FM en a pris pour son sort avec la suspension inattendue et incompréhensible à un moment totalement inopportun de leur licence pour une durée de deux jours, soit du samedi 4 avril au lundi 6 avril, suite à la décision de l’Independent Broadcasting Authority (IBA)  le vendredi 3 avril. Une décision prise avec l’excuse d’une affaire qui remonte au 6 août de l’année dernière ; Une pré-censure qui doit certainement faire le père Henri Souchon se retourner dans sa tombe. Lui qui était sans compromis dans le combat pour la préservation de la liberté et de l’espace démocratique surtout durant la période des dispositions scélérates de la « Newspaper and Periodicals (Amendment) Act » par le gouvernement MSM dans les années 80. 

Malheureusement, l’acharnement de l’IBA s’est redoublé puisqu’elle est revenue à la charge le mardi 7 avril avec une seconde procédure disciplinaire contre Top FM, en reprochant à celle-ci de mettre en danger les relations entre les communautés à Maurice suite aux propos tenus par le syndicaliste Jack Bizlall, le 24 février dernier, dans leur émission ‘Tempo la so’. Mais, heureusement que le dernier rempart qu’est la justice, a ordonné le mercredi 15 avril 2020 à ce que la procédure soit gelée en attendant qu’une demande de révision judiciaire déposée par la radio privée soit prise sur le fond. Une première manche de gagné ! 

L’IBA qui est supposée opérer de façon indépendante, est, semble-t-il, devenu un appareil contrôlé et dirigé par ceux qui sont aux commandes du pays avec le soutien de toutes sortes d’idiots utiles du système qui sont à l’œuvre au temple du soleil. D’ailleurs la plainte d’un des membres du board de ce régulateur contre l’ex-assistante de l’ancienne présidente de la République mercredi dernier suite à un post humoristique sur Facebook a soulevé pas mal de critiques et de questions sur la Toile ainsi que dans l’opinion publique. Une plainte qui n’était même pas encore officiellement déposée que Rachna Seenauth fut entre-temps arrêtée chez elle vers midi le même jour. Une arrestation d’ailleurs vivement critiquée par Toby Mendel, le directeur du ‘Centre for Law and Democracy’ qui parle sans détour d’arrestation sans aucune légitimité. 

Comme quoi, la lâcheté intellectuelle au centre du pouvoir en place et la servilité avec laquelle certains pseudo-intello peuvent gober cette propagande dégueulasse des autorités est ahurissante mais pas pour le moins étonnante… Bref, à l’heure où l’espoir devrait être porteur face à cette pandémie sans précédent qui nous force à nous confiner, où l’humilité devrait être au centre de tout discours, où la transparence devrait être de mise afin de combattre le Covid-19, nous nous retrouvons finalement menacés de notre liberté d’expression et d’opinion en voulant des réponses d’un gouvernement qui parle tout seul, qui décide tout seul, sans nous dire comment il a décidé et sans nous donner les moyens de savoir si ce qu’il a décidé est juste ou non, prenant en considération surtout que le Parlement reste fermé pour une durée indéterminée. 

Comme l’a si bien dit Edwy Plenel dans un entretien accordé le 15 avril 2020 au média en ligne, Brut, « Un moment comme celui que nous vivons est un moment sidérant, à la fois énigmatique qui nous interpelle tous. C’est un moment où on a besoin d’une presse qui nous aide à comprendre. Il ne s’agit pas de révéler pour révéler [mais] il s’agit de donner du sens. Le savoir est une arme mais l’ignorance nous désarme… »

Une entrave à la liberté de s’exprimer, de s’informer, de comprendre et aussi de poser des questions, surtout dans une telle conjoncture, est impardonnable. A bon entendeur, salut !