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Et s’il n’y a plus de billet-retour…

22 avril 2020, 07:00

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Et s’il n’y a plus de billet-retour…

Essayer de savoir ce qui se passe dehors, autour de nous, alors que nous sommes dans un tunnel «très sombre». Chercher la lumière au bout de ce tunnel pour donner du sens aux événements qui s’enchaînent depuis le grand Lockdown – qui a commencé le 20 mars. Tenter d’entrevoir les changements profonds actuels et à venir alors qu’aucun expert n’avait prédit que le monde entier allait arrêter de tourner, à cause d’un minus de virus, comme ça. Tout d’un coup. Que nos vies allaient changer. Peut-être pour toujours.

On a beau discuter et interroger les économistes (et pseudo-économistes) d’ici et d’ailleurs, les médecins et infirmiers, les chercheurs de l’industrie pharmaceutique, les financiers des institutions tant internationales que locales, les dirigeants des secteurs public et privé mauriciens, les entrepreneurs, les politiciens de tous bords, les syndicats, les employés (à tous les niveaux), les futurologues, les stratèges, des confrères des agences de presse internationale : le constat s’avère le même. Si le monde a connu bien d’autres crises avant le Covid-19, celle-ci est totalement différente, donc incomparable. Les crises se suivent et ne se ressemblent donc pas. D’où l’anxiété galopante face à cette rupture forcée.

Aujourd’hui, tout le monde est impacté, tous les pays, tous les secteurs, au même moment et personne n’y était préparé. Chez nous, le tourisme – l’un de nos piliers économiques – est déjà sous respiration artificielle. Gilbert Espitalier-Noël estime que le meilleur scénario, pour le groupe Beachcomber, serait de retrouver les recettes d’avant la crise sanitaire… en octobre 2021. Il y a, néanmoins, un gros SI… Si le secteur de l’aviation arrive à se redresser, si les personnes recommencent à voyager, si Maurice, malgré la longue distance, demeure une destination idéale pour les touristes confinés en avion, si le prix du billet demeure attractif en dépit de la distanciation sociale sur les vols et les procédures d’embarcation et de douane qui s’annoncent fastidieuses pour dire le moins…

Deux autres gros pourvoyeurs de devises, soit le secteur manufacturier et la construction, sont aussi en arrêt total, avec les risques de licenciements massifs qui se profilent. Certes, le gouvernement aide de son mieux avec le Wage Support Scheme. Mais plus d’un vous diront que ce n’est qu’un pourcentage de l’ensemble des coûts. Comment faire alors pour sauver les emplois ?

«The economic tea leaves are forming a pattern worldwide; its not pretty (…) There is nothing in economic theory or any economic literature that teaches us how to tackle, without fail and without unintended consequences, the current pandemic fallouts», reconnaît l’ancien gouverneur de la Banque centrale, Ramesh Basant Roi, dans une lettre ouverte au Premier ministre , dans laquelle il propose quelques pistes pour sortir de l’impasse, tout en admettant qu’elles sont loin d’être suffisantes.

Si après chaque crise, l’on parle de retour à la normale, cette fois-ci, ce billet-retour risque d’être bien plus compliqué à obtenir. Le retour à la case départ n’est pas possible. Les dégâts économiques, et peut-être sociaux, sont déjà trop conséquents. Et pour l’heure, il faut parer au plus pressé et éviter le «collapse».

Un retour à l’avant-Covid-19 signifierait qu’on n’a pas compris les causes mêmes de cet état comateux des choses : le manque de préparation à plusieurs niveaux (institutionnel, budgétaire, médical/ hospitalier), l’endettement-record de l’État, la multidépendance sur l’importation – nous produisons uniquement quelques légumes et boîtes de conserve –, l’irresponsabilité alimentaire et écologique collective, un multilatéralisme qui n’a pas su créer une communauté internationale, et qu’il faut refonder.

Depuis le début, l’express prône une Whole-of-Society Approach afin de sortir du trou dans lequel nous a poussés le virus. Pour sortir, il faut se réinventer un avenir et reprendre une place dans ce monde qui se décompose. Plus d’un des acteurs que nous avons interrogés et la plupart de nos collaborateurs externes estiment qu’il faut opérer, dès maintenant, un changement de mentalité. On ne pourra pas surmonter cette épreuve, en commençant par le déconfinement lui-même, «without the unflinching support of all of our citizens (…) a successful resolution of the current crisis is a near-impossibility».

Le journaliste-économiste Paul Krugman va encore plus loin :«The key thing to realize is that we aren’t facing a conventional recession. For now, most job losses are inevitable, indeed necessary: They’re a result of social distancing to limit the spread of the coronavirus. That is, we’re going into the economic equivalent of a medically induced coma, in which some brain functions are temporarily shut down to give the patient a chance to heal. This means that the principal job of economic policy right now isn’t to provide stimulus, that is, to sustain employment and G.D.P. It is, instead, to provide life support – to limit the hardship of people who have temporarily lost their incomes…» Qu’on soit, aujourd’hui, à Maurice, aux ÉtatsUnis, à Singapour, quelle que soit la force de frappe des dirigeants, nous sommes tous touchés par la même crise à trois têtes (sanitaire, économique et social). Partout pratiquement toutes les mesures publiques veulent protéger l’activité et les salariés. Mais cette stratégie économique est-elle tenable d’un point de vue comptable… Si oui, jusqu’à quand ?