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Comment financer le déficit ?

6 mai 2020, 06:58

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Et vlan ! On ajoute encore 15 jours de confinement total et encore 15 autres jours de confinement réduit. Le Wage Assistance Scheme se poursuivra donc et certains s’y plaisent déjà assez, au point que les quelques employés du service civil à qui le gouvernement a demandé de reprendre le travail le 4 mai (outre les ‘frontliners’ admirables) ont fait les difficiles ! Devront suivre des programmes de financement pour empêcher la faillite d’entreprises n’ayant pas démérité jusqu’au moment où le ‘fait du prince’ (selon la notion du Code civil), c.-à-d. la décision du gouvernement établissant le confinement, ne vienne tout faire basculer dans la douleur : pas de travail, pas de revenu !

Des voix autorisées estiment que ces divers plans pourraient requérir, sur deux ou trois ans, jusqu’à Rs 125 milliards s’il fallait y inclure la remise en route d’Air Mauritius, estimée à Rs 25 milliards. Heureusement qu’il ne faudra pas recapitaliser la SBM après Shetty ! Mais cela demeure une somme colossale ! À 25 % du PIB de 2019, cela pourrait promettre des déficits budgétaires insupportables, d’autant que les recettes fiscales sont et seront en baisse et que le PIB de Rs 500 milliards va s’affaisser de 10 % ? De plus ?

Comment financer tout cela ?

Ce gouvernement espère d’abord réduire, selon le ministre des Finances, ses propres dépenses de 17 %, soit au total par 5 % du PIB. C’est une somme énorme et quasi impossible sans licenciements ou sans réductions de traitements… Geler les recrutements, ne plus remplir les postes vacants et éviter les conférences internationales, comme décrété par le secrétaire au cabinet dans un communiqué, ne vont clairement pas suffire. Taxer plus paraît très problématique dans un environnement déjà rudement secoué, surtout si on cherche, par ailleurs, à stimuler de la reprise ! Il reste alors l’emprunt, la vente d’actifs et, comme proposé par Rama Sithanen, la monétisation d’une partie des déficits, même s’il faut pour cela ne pas utiliser de gros hélicoptères !

Il faudra définitivement emprunter, et il nous faudra surtout de l’emprunt étranger, principalement du FMI, peut-on supposer, car, comme expliqué la semaine dernière, la balance des paiements va se creuser encore plus et aura besoin de soutien en devises. 10 % du PIB ? La vente d’actifs, partielle ou totale, doit être envisagée aussi, même si le sujet est potentiellement explosif. Mais à circonstances exceptionnelles, solutions exceptionnelles, n’est-ce pas ? Air Mauritius ? La SBM ? Mauritius Duty Free ? Cargo Handling ? Ça m’étonnerait que l’on trouve preneur pour la MauBank, la NIC, la MBC, la CWA, les casinos…

La dernière source de financement se pointe déjà à l’horizon. Selon le Legal Supplement 273 de la Government Gazette No. 48 du 28 avril 2020, on a décidé de créer un COVID-19 Projects Development Fund. Selon l'article 3(2), ce fonds pourra recevoir des contributions du Consolidated Fund et de compagnies publiques, du secteur privé, ainsi que des donations, des ‘grants’ et d’autres types de fonds venant d’organisations nationales ou internationales ou de pays amis. Est également prévue la possibilité que la Banque centrale y souscrive, ce qui est une nouveauté et ne peut se passer qu’à partir de la planche à billets. L’idée d’un tel fonds, comme imaginé par Sithanen, est de lever quelque 250 millions de dollars de capitaux propres (seed capital) à partir desquels on pourrait ‘leverage’ trois ou quatre fois plus pour constituer un fonds de 1 milliard/1,25 milliard de dollars, mettons 50 milliards de roupies ou 10 % du PIB de 2019.

Que la BoM y souscrive sera controversé, probablement moins que lors du kidnapping de Rs 18 milliards en décembre 2019, mais c’est vrai que la situation exceptionnelle du moment demande sans doute des solutions hors de l’ordinaire ! Il faut espérer que ce plan de financement, qui devra d’abord chercher à requinquer nos secteurs productifs, surtout à l’exportation, marche et rétablisse la confiance économique assez rapidement ! Ce sera aussi l’occasion d’enclencher les grandes réformes, de stopper les gaspillages, de vivre selon nos moyens, de fédérer la nation (non, il n’est pas trop tard si on sait s’y prendre !), de panser les plaies de la productivité anémiée.

Sinon, nous allons tirer le diable par la queue. Pour longtemps. Et ce n’est jamais là une position bien confortable ! Car il a un trident et souffle véritablement les feux de l’enfer. Surtout par… opposition !