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Libertés confinées – Jusqu’à quand ?
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Libertés confinées – Jusqu’à quand ?
Du jamais-vu ; sans précédent ; à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles ; contraction économique de 7 à 11 % ; plus de 100 000 chômeurs potentiels. Le pouvoir a peint un tableau sombre avant d’expliquer que la stratégie de relance de l’économie et de l’investissement ne sera dévoilée que dans le prochain Budget 2020- 2021. Entre-temps, il faut agir… oui, mais !
Face aux crises liées au Covid-19, le gouvernement et ses porte-parole tablent – quand ils ne tapent pas sur la table pour s’auto-congratuler sur leur gestion de la crise sanitaire – sur un solutionnisme juridique. Amender une cinquantaine de lois et de nombreux acquis des citoyens et des travailleurs, dans l’urgence, en plein confinement, à une vitesse qui donne le tournis. Ce qui restreint le débat public nécessaire dans une démocratie qui se respecte.
On l’a vu au Parlement hier. Il n’y pas d’échanges mais des monologues qui s’enchaînent dans une routine qui ne veut pas évoluer. Les débats restent manichéens. Le pouvoir justifie et l’opposition condamne les mesures législatives d’exception contenues dans le Covid-19 (Miscellaneous Provisions) Bill et le Quarantine Bill. On assiste à un match de ping-pong traditionnel, sans recherche de consensus sur l’actuel. Chacun veut scorer alors que le pays écope déjà… lourdement.
Derrière son masque noir de Zorro, Renganaden Padayachy a haussé le ton, lors de la PNQ d’hier portant sur l’impact économique du virus – et du lockdown –, pour faire comprendre qu’aucun autre ministre des Finances, avant lui dans notre histoire commune, ne s’était retrouvé face à une telle récession économique, à la fois sur le plan mondial que national. Le Grand confinement, insiste le grand argentier, s’avère la pire récession depuis la Grande dépression et est bien plus grave que la crise financière mondiale de 2008- 2009. Citant plus d’une fois Olivier Blanchard, ancien chef économiste du FMI, Padayachy a, d’un revers de la main, balayé toutes les critiques de la société civile faites par rapport aux amendements relatifs à la Banque centrale et aux milliards qui s’y trouvent en réserves ou aux droits des travailleurs. Il est bien plus important, selon sa logique, de protéger la Banque centrale, qui pourra alors, à son tour, protéger le système bancaire. Sinon, c’est le crash. L’argent ou la mort, quoi ! Mais quid de la Whole-of-Society Approach requise pour que tout le monde travaille ensemble ?
La doctrine de Padayachy est la suivante : la priorité est de sauver les gens et les entreprises, faire de sorte qu’on ne meure pas de faim et que les salaires soient payés, et que les entreprises ne fassent pas faillite. C’est bien. Mais nul ne possède la science infuse pour régler tous les problèmes d’un coup, avec une baguette magique. Si pour arriver au bout de la logique gouvernementale, on augmente la dette publique – d’où ce besoin de crever le plafond du Debt Management ! – ce n’est pas grave, nous dit-on. Car le gouvernement, fait comprendre ses représentants, s’en occupera après, avec l’aide, sûrement, de Sattar Hajee Abdoulla. C’est vrai qu’ils sont à quatre ans et demi des prochaines législatives et qu’ils ont des pays amis comme l’Inde, l’Arabie saoudite, la Chine et des hommes d’affaires ténébreux, comme Sobrinho ou Shetty, qui pourront, par ailleurs, faire oublier les tracasseries liées à notre présence sur la peu glorieuse liste noire de l’Union européenne – tracasseries qu’un Seeruttun, qui ne pouvait pas tenir en place, hier dans l’hémicycle (nécessitant un rappel à l’ordre du speaker à l’encontre de ce ministre qui n’arrive pas à respecter le social distancing préconisé) a minimisées, en essayant, maladroitement, de transférer le blâme sur l’ancien régime travailliste, et ne réalisant pas que l’actuel est au pouvoir depuis… 2014 ! Avec des ministres comme Seeruttun, ayant des visières insulaires, qui, au lieu de dialoguer avec l’UE, s’en prend à elle, dans le confort de la Chambre présidée par Sooroojev Phokeer, l’on ne sortira pas de sitôt de la mise en quarantaine de nos services financiers (10 000 emplois au moins).
C’est évident que le drame national de la liste noire arrive au pire moment pour notre économie déjà en ballotage défavorable. Mais il ne faut pas tout mélanger et faire des amalgames douteux. Nous sommes aujourd’hui devant des choix délicats. Cette période de crise ne doit pas justifier des décisions hâtives ou abusives, et des textes de loi mal ficelés ou insidieux. Le gouvernement a tort de ne pas considérer l’acceptabilité sociale des nouveaux dispositifs. Si la crise sanitaire a été contenue, ce n’est pas uniquement grâce au gouvernement, mais à l’effort de tout un chacun, dont les valeureux frontliners qui ont travaillé alors que le Parlement, lui, était fermé pour des raisons sanitaires.
Au vu du fonctionnement de la police et d’autres institutions, comme la Banque centrale, censées être indépendantes, la société civile a raison de s’inquiéter des certains amendements des deux projets de loi. Qui ont une date de fabrication, mais aucune date d’expiration. Pourquoi ne pas limiter ces mesures d’exception ? «Aujourd’hui plus que jamais, les gouvernements doivent veiller rigoureusement à ce que les restrictions imposées aux droits humains ne piétinent pas les garanties en la matière, établies de longue date», écrivent d’ailleurs plusieurs dizaines d’ONG, dont Amnesty International ou Human Rights Watch dans une déclaration commune, publiée le 2 avril.
À l’express, nous mesurons le poids des responsabilités qui pèsent sur les épaules gouvernementales, mais nous voulons nous assurer d’abord et avant tout que le pays reste focalisé sur l’intérêt général, pas sur celui d’un gouvernement ou d’un parti politique.
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