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Ah ces chiens...
Lockdown Diary #58
Chaque matin, à l’aube, quand je partais travailler, mes quatre chiens exprimaient leur sentiment par de longs jappements de chagrin – ils sont si affectueux – et vers 20 heures, lorsque je rentrais, ils sont aux anges, me sautent à la poitrine en aboyant joyeusement. Ils sont si fidèles et obéissants, quand ils ne jappent pas pour capter mon attention.
Mes chiens prennent alors leurs ébats sur le gazon. C’est mon plaisir quotidien de les entendre japper en se courant après – ils jouent, voyez-vous, même quand ils arrachent les fleurs au lieu des mauvaises herbes. Si leur dîner tarde, ils me laissent savoir en donnant de la voix dans le langage de la faim. Pavlov a bien vu : la salive leur coule de la langue, quand je lave leur gamelle. Ils ont faim en permanence mes chiens, comme tous les chiens. Mais je contrôle leur alimentation et ne laissent pas manger à n’en plus faim.
Le confinement, le ‘work from home’, le coronavirus ont changé tout cela.
Notre monde a basculé. Les lois de la nature, les habitudes changent, mais pas comme les lois des humains, amendées dans l’urgence, dans des officines obscures, sans laisser le temps au public de se manifester.
Nous portons tous des masques, comme certains chiens portent des muselières. Même au Parlement – ce qui rend encore plus difficile le décryptage des discours du politicien qui travaille pour nous, qui est censé nous représenter – hier Père Noël pour nous séduire, aujourd’hui Père Fouettard servant d’autres intérêts. Mais comment peuvent-ils nous représenter s’ils ne nous écoutent pas, alors que nous parlons le même langage, ou presque ?
Pour en revenir à mes chiens, et aux chiens en général (qui n’ont pas lu Machiavel, et qui ne changent pas de peau comme nos caméléons politiques), ils font à peu près tout ce que nous leur demandons de faire. Le contrat moral n’est presque jamais rompu – avec ou sans Covid-19. Ils maintiennent le cap – ce qui rend notre cohabitation heureuse, sans distanciation requise.
Richard Dawkins a élaboré une thèse selon laquelle une sélection, à partir des loups les plus aimables et dociles, aurait abouti à nos races canines actuelles. Aimables et dociles. À l’origine peut-être, puisqu’il s’agissait de domestiquer; mais bientôt, des races de chiens de garde, de chasse ou de combat allaient être obtenues en sélectionnant la férocité, la cupidité, l’appétit ou la capacité de digérer. Le chien de race est devenu un trophée ou un business, alors qu’il ne veut que nous plaire, tout le temps.
En somme, on fait le chien qu’on veut. Le chacal jappe, le loup hurle : nos ancêtres ont croisé les deux pour que le plaisir des générations futures soit complet. Même si certains chiens aboient inutilement, contrairement aux miens, il est surprenant que personne n’ait jugé utile de sélectionner des chiens aphones. Contre les jappements dithyrambiques ou répétitifs, comme certains discours au Parlement cette semaine, on devrait procéder à l’ablation des cordes vocales pour ceux qui sont trop volubiles, après une anesthésie bien évidemment.
Alors pourquoi pas les cordes vocales des chiens ? Cela pourrait réconcilier le besoin d’affection des propriétaires de chiens et les victimes de leurs aboiements et hurlements.
Oui, apparemment, c’est purement et simplement une question de dressage qui garantit un comportement canin civilisé. Ce serait la suite logique de la domestication commencée par nos ancêtres. Et dans un élan de solidarité avec le genre humain cette fois, il faut considérer sérieusement d’ouvrir des écoles de dressage aux quatre coins du pays et de ‘canvasser’ en faveur d’une législation rendant obligatoire le dressage des chiens sans les abrutir ou les violenter. De quoi mériter une subvention du ministère de l’Environnement et de la Qualité de la vie, et des ONG qui n’existent que de nom.
Je suis sûr que beaucoup feraient utilement leur mea-culpa pour qu’on leur décerne une médaille.
***
«Pourquoi un seul peut gouverner un million, alors qu’il suffirait à ce million de dire non pour que le gouvernement disparaisse ?» nous demande Étienne de La Boétie, écrivain du XVIe siècle, dans «Le Discours de la servitude volontaire», un livre qui est resté pertinent au fil des siècles. Si le peuple pouvait siffler pour que ses représentants s’empressent pour venir à ses pieds, on n’en serait pas là avec le Covid-19 Bill et le Quarantine Bill.
La décision du gouvernement de se mettre à dos beaucoup de ceux qui l’ont porté au pouvoir ne sera pas sans conséquence. Le mood sera de plus en plus tendu en attendant que Renganaden Padayachy présente son premier budget – qui sera, forcément, différent de ce qu’avait promis ce gouvernement dans son programme électoral. De l’opposition au pouvoir, le ton change nécessairement. Et avec le coronavirus, tous les changements, nous disent-ils, deviennent nécessaires. Même celui de vous interdire la parole ou de ne plus vous écouter, vous, pourtant, les maîtres de leur destin...
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