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Padayachy sait-il vraiment ce qu’il fait ?

15 juin 2020, 14:04

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Il n’est pas rare de trouver dans les propositions budgétaires des ministres des Finances des mesures totalement injustes. Mais la pire des injustices, c’est une décision cynique qui ferait peser sur nos enfants le poids de nos propres inconséquences. C’est pourtant ce que dit le ministre : «Tomorrow our children will contribute towards ensuring higher benefits to our elders.» Ainsi donc nous distribuons les réserves du pays accumulées à la Banque de Maurice pour régler nos problèmes du jour et nous imposons à nos enfants de contribuer à notre propre pension.

La proposition d’instituer un système de «Contribution Sociale Généralisée» ne nous paraît pas appropriée au contexte local. Pour diverses raisons : la première parce qu’il ne semble pas tenir en ligne de compte que les contributions des Mauriciens à des fonds de pension privés sont déjà de l’ordre de 10 à 15%. Par conséquent, elles sont quand même insuffisantes, et devraient être augmentées parce que les fonds de pension comptent de lourds passifs du fait de leur sous-financement. La Banque de Maurice, qui puise dans ses caisses pour faire des dons à l’État, avait des passifs de Rs 777 000 000 au 30 juin 2018. La situation d’Air Mauritius est pire. Son fonds de pension accuse un déficit de Rs 2,7 milliards. 

En principe les entreprises qui se retrouvent dans cette situation sont dans l’obligation d’injecter de l’argent frais dans leurs fonds de pension pour éponger complètement le passif. C’est ce que la Mauritius Commercial Bank a fait en contribuant Rs 1 milliard au fonds. Peu d’entreprises peuvent faire de même mais elles doivent pouvoir augmenter leurs contributions, peut-être sur une longue période, dix ans possiblement. Il faudra de la prudence pour éviter que cette contribution supplémentaire, en ces temps de disette financière, ne vienne à les pousser à la faillite.

Mais l’alternative que les employés guettent avec angoisse, c’est la détérioration continue des ressources de leurs fonds de pension, et donc la perspective d’une très maigre pension à la retraite et peut-être même, doublée auparavant d’une perte d’emplois. Un syndrome grec n’est pas loin : on a vu comment les retraités de la Grèce ont vu fondre leurs pensions pendant la crise de 2008 en raison des mesures d’austérité imposées par le Fonds monétaire international. 

L’imposition de la Contribution Sociale Généralisée (CSG) – plus logiquement appelée Taxe pour le Social Généralisé – rend encore plus difficile pour les entreprises et leurs employés, dans les circonstances dramatiques que le pays connaît, l’augmentation de leurs cotisations à leurs fonds privés de pension en sus du prélèvement jusqu’à 9 % de leurs salaires au nouveau fonds imposé par le ministre. Comme la CSG est une ponction obligatoire, les uns et les autres vont devoir s’exécuter avec le risque que les fonds privés en fassent les frais, résultant à des déficits encore plus profonds. C’est insoutenable !

Mais Renganaden Padayachy n’est pas Pravind Jugnauth. L’ancien ministre des Finances avait estimé, en 2019, que le pays n’avait pas les moyens d’augmenter la Basic Retirement Pension par plus de Rs 500… 

Il est vrai, cependant, qu’en temps d’élections les plus vertueux des ministres perdent la tête. Pravind Jugnauth, le politicien, va manquer à sa parole, et pas qu’une fois : aux élections législatives de décembre 2019, il propose l’augmentation de la pension à Rs 13 500 d’ici 2024, et, avait-il précisé, sans pour autant augmenter la taxe. Mais qu’est-ce que la CSG sinon une taxe qui ne dit pas son nom.

Il n’y a pas que la CSG. Il y a encore le Solidarity Levy. Qu’est-ce qu’un «levy» ? Les Anglo-saxons utilisent plus volontiers l’expression «tax levy». Il s’agit effectivement d’un prélèvement fiscal ; en l’occurrence il est lourd au plan individuel mais relativement chétif au plan national - Rs 3,5 milliards dans un budget «équilibré» de Rs 162 milliards dopé d’une donation de Rs 60 milliards de la Banque centrale. Le ministre aurait intérêt à revoir le montant exorbitant de cette «levy tax». Ce n’est pas la taxe elle-même qui pose problème, le poison est dans le dosage. Il pourrait, en contrepartie d’un plus faible taux, envisager une formule d’incitation aux contribuables qui déjà font montre de solidarité à l’égard de nos compatriotes démunis par le biais d’un financement à des Organisations non-gouvernementales (ONG) crédibles et efficaces. 

Je n’aime pas l’idée de cette solidarité imposée pour renflouer les caisses d’un État accapareur. Nous avons vu comment, par le biais de la Corporate Social Responsibility, le gouvernement a utilisé son pouvoir pour mettre le grappin sur la contribution des entreprises aux ONG sous prétexte que quelques très rares organisations n’avaient pas été très rigoureuses dans la gestion des fonds. Comme si que les organismes de l’État le sont ! La solidarité n’est pas une affaire de gestion financière. Elle existe quand des citoyens mieux lotis se sentent moralement obligés, individuellement, d’apporter leur aide à ceux de la communauté nationale qui en ont le besoin. Le fondement de la solidarité, c’est le sentiment d’entraide. Et cette forme de solidarité contribue fortement à la cohésion sociale.

Je ne sais si le néophyte Padayachy est en mesure de comprendre tout cela.