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Wakashio sur terre
La rue gronde. Beaucoup de Mauriciens sont en colère. Ils ne veulent plus gober tout ce que leur dit ce gouvernement. C’est un fait que vous pouvez assez facilement vérifier en écoutant ceux que vous rencontrez, dans la vie de tous les jours.
Hier, lors de leur comparution devant la justice, à Mahébourg, les ministres Kavy Ramano et Sudheer Maudhoo ont vu et entendu que l’ambiance marquant leur élection en novembre 2019 n’est plus du tout la même. Certes, leurs agents ont essayé de mobiliser quelques «soldats» du MSM, et déployer quelques banderoles pour saluer le leadership de Pravind Jugnauth. Mais cela a eu un effet inverse et a davantage mis en rogne les habitants du Sud, premières victimes du désormais notoire MV Wakashio.
Les ministres ont eu à se précipiter dans leur berline sous la protection de leurs gardes du corps. Sous les huées d’un public, révolté, qui a, du reste, fait déguerpir pas mal d’agents importés d’ailleurs pour soutenir les deux ministres. Les incidents d’hier sont lourds de sens et contrastent avec la fausse bonne mine affichée par les ministres.
En tant que journaliste, j’ai essayé de mieux comprendre pourquoi le MV Wakashio provoque, à ce point, ce ras-le-bol quasi généralisé, en me promenant dans l’arrière pays, particulièrement dans le Sud/ Sud-Est – parties relativement coupées du développement sauvage d’autres régions de l’île. J’ai expressément évité les experts. J’ai privilégié les cris du coeur du citoyen lambda aux discours techniques ou politiques.
Plusieurs raisons m’ont été avancées. Mais un même constat revient sans cesse de Camp-Diable à Pointe-d’Esny, de Souillac à Mahébourg, en passant par Britannia et Tyack. C’est flagrant que le naufrage du MV Wakashio est venu déborder le vase déjà trop plein d’une population qui en a marre des scandales politiques et de la mauvaise gouvernance qui s’accumulent. La liste de scandales, bien trop longue, mérite un éditorial dans son intégralité. Mentionnons quand même : pompage par milliards de la Banque centrale, inscription sur la liste noire de l’Union européenne, achat et vente de médicaments et d’équipements pendant le confinement, manque de transparence autour du naufrage et des radars en dysfonctionnement, réouverture des frontières incertaine, politisation à outrance de la MBC, menaces contre les Facebookers.
La colère populaire émanant du terrain est surtout dirigée contre le Premier ministre – qui a tendance, me dit-on, à prendre les enfants du bon Dieu pour des canards boiteux. On lui reproche surtout trois phrases qu’il aime répéter et qui ne lui vont pas. 1) Pravind Jugnauth aime dire qu’il utilise un «langage de vérité». Alors les gens du Sud ne comprennent pas pourquoi il ne peut pas s’excuser et avouer les manquements de ses ministres et autres troupes dont il a la charge. 2) Il a défendu son speaker et a dit au Parlement que celui-ci «agit de manière impartiale et indépendante». Or, les Sudistes regardent les séances parlementaires à la télé ou sur Facebook et peuvent difficilement, en voyant le «Loudspeaker» à l’oeuvre, croire sur parole le PM. 3) Pravind Jugnauth répète qu’il «a les mains propres» – pourquoi doitil à chaque fois nous le rappeler, surtout dans le sillage du St-Louis Gate et de l’achat des médicaments ?
En revanche, le Mauricien lambda est heureux de l’élan citoyen et patriotique. Il se dit fier de pouvoir compter sur les uns sur les autres. Il sait que des lendemains meilleurs sont toujours possibles. Malgré tout.
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