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Nouvelle cour suprême: après le bâtiment, l’édifice de la justice, à consolider

17 septembre 2020, 09:03

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Nouvelle cour suprême: après le bâtiment, l’édifice de la justice, à consolider

L’inauguration du nouveau bâtiment abritant la Cour suprême et la récente nomination de nouveaux juges à cette même instance vont améliorer les conditions dans lesquelles la justice est rendue dans le pays. Mais, au-delà, d’autres aspects mériteraient de l’attention afin que le système de la justice soit rehaussé. Déjà, le DPP appelle à une révision du Code pénal, et ceci, afin de tenir compte du contexte dans lequel le pays évolue. Dans ce même élan il y a lieu de voir aussi la procédure, ceci, afin de promouvoir davantage l’essence même de la justice.

Politique et justice

La présentation d’un cas devant un juge n’est que l’aboutissement d’une procédure. Elle intervient après une série d’actes partant de l’arrestation du suspect, suivi de sa mise en examen, de la collecte des preuves, entre autres. Cette phase qui aboutit à la présentation devant le juge est déterminante dans le rendu de la justice.

Le juge est le garant de la justice. Il est indépendant et jouit de la confiance de la population. Ses décisions sont prises sur la base du droit, sur l’interprétation des textes de loi et de la jurisprudence. Il n’est sujet à aucune pression politique, ce qui est aussi une des raisons pour laquelle le peuple a confiance dans son jugement. Mais le juge ne peut rendre un jugement que si une affaire lui est présentée. Sans accusation, il n’y a pas cas devant lui.

L’accusation ne dépend pas du juge mais d’une administration, de la police qui elle, relève du pouvoir exécutif. Le rendu de la justice donc ne dépend pas seulement des juges mais également du pouvoir exécutif, et donc des politiciens. Mais pour ne pas s’effrayer de cette réalité, ajoutons que la Constitution prévoit l’indépendance du commissaire de police et du DPP.

Impunités

Le DPP, en évoquant la nécessité d’une révision du Code pénal mauricien, a parlé des nouveaux défis au niveau du droit criminel. Effectivement, les crimes financiers, la cybercriminalité, les crimes liés aux technologies nouvelles de l’information, ou même les crimes environnementaux, la green criminology, entre autres, constituent un nouveau champ d’action de la justice criminelle. Une révision du Code pénal mettrait fin à l’impunité dont bénéficient ceux qui savent contourner les lois dépassées. Mais au-delà du code à reformer, il y a lieu de voir en parallèle d’autres aspects de la justice criminelle telle l’organisation de la poursuite car l’histoire nous a montré que plusieurs coupables courent dans la nature et que des crimes restent impunis.

Le cas de Michaela Harte qui est revenu dans l’actualité récemment nous rappelle les failles d’un système pouvant engendrer des injustices. À ce jour, le meurtrier reste impuni, comme dans d’autres cas. L’organisation de la poursuite, de la prosecution, nécessite d’être revue. Une ré- flexion est nécessaire des propositions pour l’instauration d’un cadre de juges d’instruction afin de s’assurer que les enquêtes et la poursuite bénéficient des compétences nécessaires pour faire avancer la justice.

Autres questions

Parmi d’autres, il y a des éléments de la procédure, donc déterminant dans le système de justice, qui doivent être revus. Le système de jurés, par exemple, qui à chaque fois qu’un accusé est acquitté aux Assises provoque dans l’opinion comme une révolte. La question de son maintien ou pas est discutable mais elle mérite d’être étudiée afin de déterminer sa pertinence dans le contexte mauricien.

Aussi, la population, surtout le citoyen innocent, paie toujours au 21e siècle le prix de la pratique des charges provisoires. On connaît le contexte dans lequel elle est appliquée. Même le DPP lui-même allait en faire les frais, n’eut été la prompte intervention de ses avocats. Elle est à la disposition du pouvoir exécutif et se prête facilement à des abus.

Symbole d’une société juste

L’édifice de la justice est le symbole d’une civilisation : pour un pays, il se construit et se consolide avec le temps. Il est fait de plusieurs parties, chacune devant jouer son rôle de manière efficace et responsable. Lorsque des failles sont constatées dans une des parties de la structure du système, c’est tout l’édifice qui se voit fragilisé. D’où le plaidoyer qu’au-delà du bâtiment, il y a lieu de s’intéresser à tout le reste, à tout ce qui participe à promouvoir une société stable et harmonieuse. Et surtout à une société juste !