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Croissance: l’optimisme béat du gouverneur…

25 septembre 2020, 07:53

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La belle confiance affichée par le gouverneur de la Banque centrale, mercredi, selon laquelle il note que «l’économie va mieux», parce qu’il aurait vu, de la BoM Tower, «des signes positifs» dans les activités économiques, relève-t-il d’un optimisme béat qui ne dit pas son nom ? Ou serait-ce plutôt un slogan digne des boîtes de com, à la solde du gouvernement, ou encore est-ce le fait que Harvesh Seegolam ne regarde pas les mêmes chiffres que le ministre des Finances qui, lui, ne cache plus son inquiétude par rapport au terrible chiffre de 100 000 chômeurs…

Moins souriant que son ancien Chief Executive Officer à la Financial Services Commission (devenu entre-temps gouverneur), Renganaden Padayachy (qui est passé de son double-poste FSC/ BoM aux Finances) souligne, lui, depuis le 15 septembre, que l’on est rentré en récession. Notre économie connaît une contraction de 13 % du PIB, soit 0,5 % de plus que les estimations.

Alors que nous allons nous retrouver sur la liste noire de l’Union européenne, dans moins d’une dizaine de jours, il serait utile que Harvesh Seegolam nous éclaire sur sa projection de croissance – évaluée à «+7, 5 % en 2021».

Si l’on ne peut plus vraiment compter sur le secteur financier, à en juger par les déplacements de certains flux financiers de Maurice vers d’autres centres comme à Singapour et au Rwanda, quelles seront donc les sources de cette croissance l’an prochain ? Le secteur immobilier ; difficile car nous assistons à un désinvestissement progressif ? La construction ; secteur qui apporte désormais moins de contribution significative (chute de 8,6 % en un an ; source Top 100) ? Serait-ce le tourisme (près de 25 % du PIB) qui patauge dans une marée noire d’incertitude qui fait craindre à la fois opérateurs et employés ? Serait-ce le secteur manufacturier – ce qui est peu probable vu le contexte mondial, malgré le boost apporté par la dépréciation de la roupie ?

Nous ne sommes pas les seuls à ne pas pouvoir suivre l’optimisme de Seegolam. Si le PIB en 2019 était, disons, à 100, une contraction de 13 % signifie un PIB de 87 % pour 2020. Donc un PIB de +7,5 % signifie qu’on sera toujours, en 2021, à un niveau inférieur au niveau pré-Covid de 100. Les plus réalistes maintiennent que si l’économie croît à un taux annuel de 5 %, cela prendra au moins trois ans pour retrouver notre croissance pré-Covid-19. Si le taux est de 3 %, cela prendra cinq ans.

Ces calculs, faut-il le souligner, sont sur le papier et font abstraction du climat socio-politique prévalant dans le pays, et du climat incertain du monde extérieur, alors que le petit virus continue sa folle marche, sans un vaccin pour le freiner.

Outre l’optimisme béat affiché, le rôle de la Banque centrale est de plus en plus flou, car elle est de plus en plus engagée dans des opérations fiscales, quand elle ne joue pas à l’ATM de service pour le gouvernement. Le dernier exemple est le décaissement de Rs 10 milliards, sans étude aucune, lié au naufrage du MV Wakashio, alors que l’on ne sait même pas à quelle hauteur on sera dédommagé encore. Ce qui nous rappelle les prêts consentis au gouvernement, sans garantie de retour, comme ces Rs 4,5 milliards pour renflouer la MauBank.

Ce qui nous gêne, ce sont tous ces milliards que l’on décaisse pour financer les dépenses gouvernementales, ou encore ces milliards aux opérateurs du privé, en dessous du taux des banques privées ou contre des actions – alors qu’en même temps, le Monetary Policy Committee affirme décider, en son âme et conscience, du taux directeur, maintenu cette semaine à 1,85 %. Avec de telles pratiques, comment voulez-vous que le Foreign Direct Investment reparte ?!

Le drame de notre pays, c’est que nos politiciens ne mesurent pas suffisamment l’importance d’une Banque centrale solide et indépendante. Car ils sont pris par d’autres intérêts bien plus étroits et personnels.

Et quand le régulateur n’est lui-même pas indépendant, ou est lui-même peuplé de nominés politiques, comment pointer du doigt la SBM sous Kee Cheong Li Kwong Wing tout en essayant de rester crédible ? C’est comme si l’hôpital se moquait de la charité…

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Dans le Foreword du prochain Top 100, l’observateur économique Philippe A. Forget souligne que «seeing that the tourism sector has been at an almost complete standstill since the lockdown of last March, it may be relevant to note that 8 of the 34 hotel groups or operations reporting were already loss making upstream of the Covid-19, some quite heavily. Plausibly, in most of those cases, it is because they had closed down, at least partly, to spruce up, ironically to cream off…the 2020 season !

(...) We are living truly exceptional times. Not only in Mauritius, but worldwide. The political leadership is under great stress everywhere and falters wherever it is not truly ‘on the ball’, science-led, transparent and truthful, appointing and trusting capable officers rather than cronies, and strong independent institutions rather than gutless lapdogs; thus generating not nearly enough bucket loads of trust in its favor for it to do its job efficiently and credibly…»

Deux paragraphes, forts, et utiles, à méditer, pour que l’on évite précisément un discours triomphaliste qui n’a pas sa place, en ce moment.