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Équipement en panne ? Good news
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Équipement en panne ? Good news
Un grand souci parmi le petit peuple, c’est un défaut majeur dans un portable, une panne de la machine à laver, un souci avec la moto ou la petite voiture de 20 ans. Le revendeur du portable passe la boule à la maison mère, pour la machine à laver on vous dit que le défaut vient d’une mauvaise utilisation et pour la moto et le katiak Charlie, on fait une succession de visites chez des mécaniciens «anba pié».
Mais que se passe-t-il quand, au niveau de l’État, des équipements coûtant des millions tombent en panne ? Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, une panne constitue une source de joie parmi certaines personnes. Tout d’abord, celles qui opèrent l’équipement se voient offrir davantage de temps libre dans leur routine habituelle d’ABC, asizé bez cas. Certains ont ajouté la lettre «D» à la formule, le D voulant dire dormir. En effet, en attendant que des administrateurs au gouvernement et la compagnie qui a vendu l’équipement se mettent d’accord sur la responsabilité des uns et des autres, il se passe plusieurs mois. Aussi, si les conditions de garantie n’ont pas été respectées par le gouvernement et que ce dernier accepte d’encourir les frais de réparation, il arrive souvent que les pièces de rechange tardent à venir de l’étranger. Ou encore qu’on manque d’expertise, au niveau de la firme, pour remettre en état l’équipement en panne. Dans la culture mauricienne, il est toujours plus facile de vendre que d’assurer la maintenance des équipements.
Si pour les petits employés l’aubaine d’ABCD se présente, aux gros décideurs s’offrent deux opportunités majeures où il est question de bez cas. La première opportunité - largement exploitée dans le service médical - c’est de «contract out» au privé le service paralysé par la panne d’équipements. Visuellement, quelle belle scène de la vie mauricienne : des patients se rendent à l’hôpital et une fois arrivés, ils sont embarqués à bord d’ambulances du service public pour être acheminés vers une clinique privée. C’est une winwin situation pour tout le monde. Le patient obtient son traitement médical, la clinique privée un bon business et des décideurs, des «remerciements» pour service rendu au peuple. En raison de cette situation de gagnant-gagnant, des incitations existent pour que la panne dure autant que possible.
Mais il y a malin et malin et demi : d’autres décideurs sont bien déterminés à mettre fin à ce régime de panne. On cherche plutôt en raison des pannes et de la non-disponibilité de pièces de rechange à scrap - c’est le terme favori - l’équipement devenu inutilisable et le remplacer par ce qu’il y a de plus moderne et «sophistiqué» dans le domaine. De bons samaritains, des défenseurs des contribuables, de futurs décorés au Réduit ? Que nenni ! Il s’agit encore d’une culture de bez cas. L’achat de nouveaux équipements implique quand même le jeu de «remerciements», avec comme incitation supplémentaire des voyages à l’étranger, tous frais payés, par la maison mère. Voyage pour officiellement permettre aux décideurs de se familiariser avec le dernier cri, le sophistiqué, le nec plus ultra.
Les récentes révélations sur les différents équipements des services publics en panne, radars et remorqueurs inclus, lors de l’affaire Wakashio invitent à bien réfléchir sur un aspect troublant de la culture mauricienne.
Un aspect encore plus troublant de cette culture, c’est le recours au sabotage pour empêcher aux services de se moderniser. Ainsi quand les Indiens ont offert l’hôpital Jawaharlal Nehru à Maurice, ils y avaient aussi installé un système informatique très avancé. Ce système avait pour principal objectif d’éliminer des gaspillages dans l’utilisation des intrants, donc des médicaments - un gros business engendrant des commissions sur toute la ligne. Bien vite, on a saboté le système mis en place par les Indiens pour remettre Nehru au même niveau que les autres hôpitaux du pays.
Mais en dehors du petit peuple, chez les grands, des pannes et des crises sont toujours du good news car elles représentent des opportunités inédites. On n’a qu’à voir comment des contrats de deux milliards de roupies ont été vite accordés, même à une quincaillerie, pour fournir équipements et médicaments, par rapport à la pandémie de Covid-19. Quelqu’un a même utilisé son adresse e-mail privée dans le cadre des discussions avec des fournisseurs.
Dans les démocraties avancées à l’étranger, une crise, une maldonne, entraîne dans la plupart des cas de sévères sanctions à l’encontre des responsables concernés. Dans la culture mauricienne perfectionnée par les moeurs de Lakwizinn, un grave manquement pourrait être suivi par des récompenses et des avancements. Maurice est placé sur la liste noire de l’Union européenne comme centre financier douteux ? So what? Alvaro Sobrinho et Jean-Claude Bastos de Morais décident d’investir des pétrodollars «triangués» en Afrique ? So what? Ceux qui portent directement la responsabilité d’avoir fait placer Maurice sur la liste noire des Européens et d’avoir facilité l’accès au centre financier mauricien à des étrangers à la réputation douteuse ont été au contraire promus à des responsabilités encore plus élevées dans la gestion des finances et de l’économie du pays. L’un est devenu ministre des Finances, l’autre carrément gouverneur de la Banque centrale.
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