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Les vacances parlementaires: entre tradition britannique et légitimité mauricienne

1 octobre 2020, 09:05

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Les vacances parlementaires: entre tradition britannique et légitimité mauricienne

Les vacances parlementaires sont une tradition britannique dont l’origine remonte à quelques siècles. Elle est suivie chez nous sans qu’on ait posé la question de savoir si elle est justifiée dans le contexte mauricien et surtout dans les temps présents. Par ailleurs, la Constitution de Maurice ne prévoit pas de vacances du Parlement.

En Angleterre…

Oublions cette période de l’année où les parlementaires devaient s’adonner à la chasse ou encore ces «London days» où l’aristocratie anglaise s’offrait des plaisirs et vivait à un autre rythme. Voyons plutôt le contexte géographique et les distances qui font que des parlementaires anglais devaient s’absenter de leurs circonscriptions pour de longues périodes, à une époque où les moyens de transport rapide n’existaient pas. Et même aujourd’hui, où la Chambre des communes siège pendant quatre jours dans la semaine, le «recess» permet aux élus de renouer le contact avec leurs mandants dans les circonscriptions. Le contexte géographique anglais n’existe pas à Maurice…

Un travail à plein temps             

Les parlementaires mauriciens sont payés pour représenter le peuple, et ce travail de représentation se fait à l’Assemblée nationale, et non ailleurs. Les députés sont ainsi payés pour participer aux travaux qui s’y déroulent, notamment faire des lois, participer aux débats et poser des questions aux ministres, participer à des comités, entre autres. Le Parlement ne peut pas fermer ses portes, empêchant à ceux qui sont payés pour y travailler de le faire. Ceci découle d’une simple logique : le député est payé pour un travail à plein temps, il est rémunéré pour une période de travail déterminée. Comme tout salarié, il peut avoir droit à ses congés, «sick leave», etc., mais dans les limites fixées par la loi du travail.

En restant dans une tradition largement dépassée et dans une pensée qui ne veut pas évoluer, ni voir au-delà de la logique, on nous sortira l’argument selon lequel le député n’est pas un salarié. On va se baser sur la raison classique selon laquelle le député n’est pas employé par le Parlement, il perçoit des émoluments appelés honoraires, ou on utilisera un terme autre que salaire. C’est une aberration totale. Car si, dans le passé, le montant versé à un élu n’était que symbolique, une allocation pour un volontaire, une somme relativement faible, tel n’est plus le cas aujourd’hui.

Autrefois, à cause du peu qu’il percevait, l’élu était autorisé à travailler dans le privé. Cette tradition perdure malgré une évolution importante dans le montant qu’il perçoit du Parlement. Le député mauricien, avec ses émoluments et toutes les allocations de transport, téléphone, contribution à sa pension, etc., est parmi les personnes les mieux payées du pays. Ce qu’il perçoit n’est plus honorifique ou symbolique. Le montant est conséquent grâce à des augmentations successives de l’enveloppe dont il bénéficie depuis l’Indépendance.

Pas dans la Constitution

Si notre Constitution prévoit des «sessions» de l’Assemblée nationale, aucune mention n’est faite des va- cances («vacation» ou «recess») du Parlement. On peut toujours arguer en faveur de ces vacances en adoptant la position selon laquelle tout ce qui n’est pas interdit est permis. Mais gageons d’ajouter que si les rédacteurs de la Constitution l’avaient voulu, ils l’auront inséré expressément dans le texte suprême. Toutefois, la Constitution prévoit à l’article 48 que l’Assemblée natio- nale peut «Subject to this Constitution, …regulate its own procedure and may, in particular, make rules for the orderly conduct of its own proceedings». Les «rules» peuvent ici être interprétées comme étant les «Standing Orders» de l’Assemblée nationale. Mais dans nos «Standing Orders», les mots vacation ou recess ne s’y trouvent pas. Par contre, le terme «adjournment» s’y trouve, mais est-ce que par le biais d’un «adjournment», démarche unilatérale qui n’accepte aucun débat, aucune mise en question, le Parlement peut s’offrir des vacances ? Ou encore, si ces vacances font partie de la procédure de l’Assemblée nationale, sur laquelle elle peut «regulate» ?

Légitimité

En Angleterre, malgré que le Parlement ne ferme pas ses portes pour de si longue durée que chez nous, la Cour suprême anglaise est intervenue pour obliger la Chambre des communes à se réunir. Mais au-delà de l’aspect légal ou constitutionnel des vacances parlementaires, payées par le contribuable, même si c’est une pratique datant des années, il faut y voir une question d’éthique… de légitimité.