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Pour un droit spécial de la santé mentale

18 octobre 2020, 08:00

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Pour un droit spécial de la santé mentale

Violation des droits humains : c’est ainsi que l’on pourrait résumer le traitement dégradant fait sur les personnes avec un handicap mental, elles, qui sont des plus vulnérables à Maurice, qui n’ont pas de pouvoir de revendication comme tous les autres groupes qui se sentent affectés dans leurs droits. Les fous, les folles, les «pagla», les esprits dérangés, les 14-28, comme on les appelle couramment chez nous, ne peuvent compter que sur les autres pour les défendre. Dans la rue, on les agresse, dans les foyers, on les enferme, et dans notre société on fait semblant de ne pas voir leur souffrance. Se pratiquent, au quotidien, de graves violations de droits humains, qui échappent à l’actualité, tant celle-ci est dominée par la chose politique.

La discrimination contre les personnes handicapées persiste : trop souvent tolérée, elle a fini par gagner pour notre société le statut de l’acceptable. La violence physique ainsi que verbale à l’encontre de cette catégorie de malades passent sous silence. Le cadre légal est inadéquat. Mais puisque c’est tout un environnement social dont il s’agit, il devient impératif non seulement de renforcer le cadre légal, mais de mettre en place une politique qui tiendrait compte de toutes les dimensions du problème.

Traitement et hospitalisation

Le traitement à l’hôpital Brown-Séquard, et les conditions d’hospitalisation ont grandement évolué depuis les années 40 lorsque l’asile se trouvait à la Grande Rivière-Nord-Ouest. Dans des conditions les plus déplorables, sans personnels qualifiés, ils étaient enfermés, et c’était des pions/«attendants» qui s’occupaient d’eux. Les choses ont évidemment changé depuis, même si de temps en temps, dans les médias, des questionnements surgissent sur leurs conditions de vie.

La violation des droits se passe en dehors de l’enceinte de l’hôpital, et touche les malades vivant seuls ou même chez des proches. Il y a également ceux ou celles que l’on voit traîner les rues, tels des clochards que certains membres du public s’amusent à bousculer, à insulter sous le regard d’une société impassible, complice. Une dégradante violence est faite à des hommes et des femmes, dépourvus de moyens de se défendre. Une politique pourra faire prendre conscience à la population de ses responsabilités.

Escroqueries et Droit

Il y a aussi de ces escroqueries commises à l’encontre des personnes que l’on dit ne jouissent pas de toutes leurs facultés mentales, et contre lesquelles sévissent des esprits malins, leur dépossédant de leurs biens, sans que les victimes ne puissent s’en plaindre aux autorités. D’ailleurs, l’on peut se demander si ces dernières sont équipées pour écouter les appels de détresse des personnes souffrant d’un handicap mental : même en cherchant justice, les victimes sont considérées comme des lunatiques, ou des témoins non crédibles.

Les personnes malades sont traitées comme des mineurs avec leurs biens mis en curatelle. La loi les considère comme inexistant dans des négociations sur la gestion de leur patrimoine. Parfois, même les membres de la famille s’y mettent à dépouiller le malade de ses droits, et cela, avec la complicité de certains professionnels sans scrupule.

La caractéristique de ne pas pouvoir revendiquer ses droits invite à ce que la protection des personnes souffrant d’un handicap mental soit traitée comme un cas spécial, un droit spécial.

État et Société civile

Une politique multidimensionnelle jettera les bases pour qu’enfin justice soit faite à cette catégorie de malades. Dans l’île Maurice d’aujourd’hui, où au quotidien pleuvent des revendications de tout genre, il devient impératif que ceux qui nous gouvernent consacrent une attention particulière à ces êtres humains qui ne sont pas capables de manifester avec une pancarte devant l’hôtel du gouverne- ment, ni à participer aux manifestations de Bruneau Laurette.

Il est du rôle de l’État d’appuyer également les organisations de la société civile pour promouvoir le respect des droits des personnes souffrant d’un handicap mental. Ces organisations peuvent jouer un rôle important pour soutenir les familles qui hébergent les malades. Elles peuvent surtout aider à la sensibilisation d’une société qui se déshumanise afin que dans les rues de nos villes et villages, le malade mental ne devienne pas le clown qui fait rire, ni une cible à lapider.

Dignité de l’être humain

La maladie mentale, elle est terrible. Ceux qui en souffrent sont les plus incompris, stigmatisés, négligés par notre société. Remédier à cette situation relève d’une prise de conscience de toute une population de ses responsabilités. L’État, pour sa part, a le devoir de mettre en place une politique exhaustive, soutenue par un cadre légal à jour. La Constitution ne prévoit pas un droit à la santé et encore moins statue-t-elle sur la santé mentale.

Il est question ici de dignité. Faisons de sorte pour que des êtres humains cessent d’être l’objet de ridicule et de lapidation par une société complaisante.