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Tout se partage, sauf le pouvoir

31 octobre 2020, 08:21

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«On ne va céder devant rien (...) La liberté, nous la chérissons; l’égalité, nous la garantissons ; la fraternité, nous la visons avec intensité. Rien ne nous fera reculer.» En privilégiant la ligne résolument dure face à la menace terroriste, Emmanuel Macron ne risque-t-il pas de provoquer d’autres attaques, ou souhaite-t-il s’octroyer une autre dimension sur la scène mondiale ? La question mérite d’être posée avec la menace terroriste, qui vient compliquer la fin du quinquennat d’un président déjà sous tension avec le coronavirus. Le terrorisme devance désormais les autres risques, notamment sanitaire et économique, dans les actualités. 

Macron reste lucide : c’est toute la France qui est visée avec l’appel au boycott des produits français, et ce, depuis qu’il s’est érigé en grand défenseur de la laïcité et de la liberté d’expression, en général, et des caricatures de Charlie Hebdo en particulier. Tout est parti lors de l’émouvant hommage à l’enseignant Samuel Paty, décapité sur l’autel de l’intolérance et de l’obscurantisme. 

Hier, la cible était les États-Unis, aujourd’hui c’est la France, qui a relevé, cette semaine, son plan d’alerte terroriste au niveau maximal. Le nombre de militaires déployés pour protéger les lieux de culte et les écoles est passé de 3 000 à 7 000. L’objectif : éviter que la peur ne se propage, confiner les visions d’horreur. 

Les spécialistes de la lutte anti-terroriste reconnaissent que la tâche de Macron est compliquée, dans la mesure où l’ennemi n’est plus asymétrique, mais carrément invisible. La tendance se confirme depuis la décapitation sauvage de Paty. L’assaillant bouscule tous les schémas. Il est de plus en plus seul, isolé, en marge des mouvements prônant un islam radical. Il se fond dans la masse et donne, de ce fait, des sueurs froides aux services de renseignements. Il est partout à la fois, mais absent des fiches de la police. Il se radicalise en trois mois seulement. 

Mais Macron, tout comme Trump, est un politicien qui a goûté au pouvoir suprême, et n’entend pas le laisse filer. Il a soif d’un second mandat. Et Macron n’est pas Hollande. Il veut laisser une trace dans l’histoire de son pays. Avec pour toile de fond, l’élection présidentielle de 2022, Macron, dont la gestion de la crise sanitaire n’a pas été exceptionnelle, voit en ces attaques terroristes une opportunité unique de shifter le débat et d’occuper l’espace médiatique. Aux sempiternels débats sur le déconfinement-reconfinement viennent se greffer les questions relatives au risque terroriste : quelle est la place de l’Islam en France ? 

Ou, sur le plan international, comment contrer diplomatiquement le virulent Recep Tayyip Erdogan ? Dans chaque conflit, chacun cherche d’abord ses intérêts. Alors que Macron muscle son discours, le président turc, lui, tente d’augmenter son influence au Moyen-Orient. Dans ce «combat de coqs» entre le défenseur des valeurs occidentales et le héraut des causes musulmanes, il n’y aura pas de gagnant, mais une instabilité soutenue dans ce monde, qui avait pourtant connu une accalmie avec la pandémie. 

Autre combat de coqs : celle entre Donald Trump et Joe Biden, qui entament leur dernière semaine de campagne, en pleine pandémie, qui est au centre de l’élection présidentielle. Face aux zig-zags et inepties de Trump par rapport aux mesures pour contrer le coronavirus, Biden oppose un discours rassurant : «Nous pouvons contrôler le virus, et nous le ferons. Si vous m’accordez l’honneur d’être votre président, préparez-vous à un changement de priorités. Car nous agirons, dès le premier jour, pour reprendre le contrôle de la pandémie.» Trump, lui, surfe sur la nomination de la juge conservatrice Amy Coney Barrett à la Cour suprême, après le vote serré au Sénat (54 contre 52). Il convient de noter qu’il revient à la Cour suprême de trancher tout litige électoral tandis que Trump ressasse la thèse infondée d’un scrutin déjà entaché de fraudes à grande échelle, en pointant du doigt l’importance prise par le vote par correspondance. 

Aux États-Unis, il est coutume de dire que la dernière semaine de campagne est celle de tous les dangers. L’avance de Biden sur Trump peut encore basculer à tout moment, avec des Swing States et de grands électeurs qui n’ont pas encore fixé leur choix notamment sur la brutalité policière, le racisme à l’encontre de la population noire, questions qui ont enflammé le pays après la mort de George Floyd. Si Biden promet des mesures pour endiguer les injustices subies par les minorités raciales, Trump, lui, met tout ou presque sur le dos des démocrates «qui veulent déstabiliser le pays pour prendre ma place». Très bientôt, l’on saura qui des deux septuagénaires va diriger la première puissance économique et militaire du monde. 

*** 

Chez nous à Maurice, en attendant que Pravind Jugnauth s’explique, enfin, sur l’épineux dossier Angus Road, la commission anti-corruption, sortant de sa torpeur contre toute attente, a décidé de passer à l’action par rapport aux contrats d’achats de médicaments et d’équipements – alloués, sans transparence, durant le confinement. Parmi les trois arrestations intempestives de fournisseurs, qui ont tous des liens de près ou de loin avec le pouvoir, celle de Bissoon Mungroo en interpelle plus d’un. 

Pourquoi l’ICAC de Navin Beekarry s’en prend à lui, indépendamment du fait qu’il soit un proche de SAJ qui a jusqu’ici toujours sucé les mamelles du pouvoir ? Serait-ce pour détourner l’attention d’Angus Road ? Serait-ce plutôt, comme laissent entendre nos sources, pour préparer le terrain par rapport à l’arrestation, qui serait imminente, d’Ivan Collendavelloo et de Paul Bérenger dans le cadre du St.-Louis Gate ? Ou encore serait-ce une façon pour les autorités de nier le fait têtu, au public mauricien comme aux observateurs internationaux, que les proches du pouvoir sont généralement protégés, au lieu d’être inquiétés, par l’ICAC… 

À moins que ce soit Navin Beekarry qui tente de rafler un renouvellement de son mandat, lui qui décide du sort de plus d’un politicien... y compris de celui qui sera appelé, sous peu, à le reconduire ou à le virer. Dans ce cas, en plein Angus Road, n’y aurait-il pas un conflit d’intérêts…