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Tourisme : le baiser de la mort, L’espoir d’un renouveau
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Tourisme : le baiser de la mort, L’espoir d’un renouveau
«L’express» de lundi cite «un haut cadre d’un service touristique d’État», malheureusement anonyme, qui pense que «les hôtels n’ont aucune raison de se plaindre» (lire aussi en page 8). Tiens ! Et nous qui pensions que les frontières fermées étaient en train de tuer notre secteur hôtelier… En attendant Pfizer.
La thèse de ce monsieur est criblée de demi-vérités et d’approximations qui devraient effrayer s’il est en position décisionnelle. Il l’est apparemment ! Il commence par parler des 25 hôtels qui accueillent des passagers en quarantaine et suggère qu’ils ont encaissé Rs 200 millions en octobre avec un service minimal qui leur fait faire de sérieuses économies : pas de nettoyage de chambre, repas minimaliste, pas d’orchestre ou de DJ. Il suggère ainsi des «profits» ! Cependant, son «analyse» n’indique pas que le revenu par chambre a baissé aussi en parallèle. Il cite un chiffre moyen de Rs 40 000 par quarantaine (de 15 jours ?), ce qui suggère un prix moyen de chambre de Rs 2 700 environ par nuitée… Dans sa tête, l’on présume qu’il ne voit aucun autre frais à part un peu d’électricité et de savon pour la douche ? Or ces hôtels ont tous leurs employés à charge et doivent au moins payer les salaires non couverts par le Wage Assistance Scheme (soit approximativement 50 % !), au moins nettoyer après chaque quarantaine et continuer à payer tous leurs frais fixes, y compris provisionner leurs frais financiers, avec stoïcisme ? Cela ne ressemble pas au Pérou, à mon humble avis, mais plutôt à un palliatif. Au mieux, à du plâtre sur un cancer du poumon…
Peut-être bien que ces hôtels voudront partager leur «bonheur» d’avoir été ainsi transformés en centres de quarantaine qui n’ont «aucune raison de se plaindre» ? Et éventuellement payer à nouveau des dividendes ?
Il y a, de toute façon, 120 hôtels au total, selon les chiffres de ce monsieur. Il reste donc 95 hôtels, dont 40 se portent «très bien» apparemment. «Savez-vous que les hôtels sont remplis surtout de Mauriciens, le week-end ? Certains affichent complet.» Or un week-end représente, au mieux et jusqu’à preuve du contraire, seulement 2/7e des nuitées disponibles… et les offres «promotionnelles» faites ces jours-ci, en week-end, ne ressemblent pas beaucoup aux tarifications proposées aux touristes étrangers ! Quant aux 55 autres hôtels qui restent, ils voulaient apparemment tous être convertis en centres de quarantaine, mais n’ont pas obtenu la permission nécessaire et accueillent donc aussi des clients mauriciens. Pas de problème alors !?
Pour la MIC, qui est supposée soutenir les groupes hôteliers systémiquement importants, nous ne saurons pas plus à travers le Parlement et seuls deux groupes ont été officiellement aidés jusqu’ici : Lux Resorts avec quatre hôtels locaux a obtenu Rs 1 milliard et Sun Resorts avec trois hôtels locaux a obtenu Rs 3,1 milliards. Les critères retenus dans ces dossiers ne sont pas et ne seront apparemment pas connus, mais ce même haut cadre suggère que ces prêts sont pour «combler les pertes des derniers sept mois» – ce qui est une contradiction plutôt flagrante de ses propos précédents qu’il n’y a «aucune raison de se plaindre» ! De toute manière, notons que la MIC n’a soutenu que deux groupes jusqu’ici. Parcimonie étudiée ou est-ce qu’il n’y a… «aucune raison de se plaindre» ?
La situation du secteur hôtelier ne peut être que préoccupante, sans touristes ! Comme semble au moins le concéder le VPM et ministre du Tourisme, Steven Obeegadoo, qui souhaite voir inventer le tourisme de demain dans un nouveau partenariat public-privé, celui d’hier étant jugé «impossible, sinon suicidaire», d’autant qu’il a déjà annoncé que l’ouverture des frontières ne se fera pas de sitôt… C’est donc le suicidaire ou le suicide ?
Objectivement, il est vrai que la situation qui empire en Europe ne rassure pas, mais rappelons tout de même qu’il ne s’agit, en fait, qu’une question de degré. Prenons le seul cas de la France qui reconfine. Ils ont actuellement identifié 1,618 million de cas au 9 novembre, dont 1,613 million ne sont catalogués comme ni sérieux, ni critiques. Worldometers indique que seulement 4 539 cas sont actuellement jugés sérieux ou critiques. Ce chiffre situe bien le risque éventuel de mortalité future alors qu’il y a déjà plus de 40 000 morts homologués en France. Ce qui est, par contre, critique pour nous, ce ne serait pas seulement un vaccin (qui ne protégera pas tout le monde de sitôt et qui, de toute manière ne durera que six mois à peu près…), mais aussi un test plus fiable ! En effet, le test PCR actuel (test moléculaire) ne peut pas toujours détecter la Covid-19 s’il est dans ses premiers jours d’incubation ou si le test est mal fait*. Les faux négatifs, selon diverses études, peuvent se situer entre 2 % et aller jusqu’à… 37 %** ! C’est probablement pour cela que les autorités de santé locales insistent toujours pour 14 jours de quarantaine… Or, tant qu’il faudra une quarantaine, il y a peu de chance de touristes…
Je ne comprends pas cette tentative de peindre un faux portrait du secteur touristique en sous-main, à moins qu’il n’y ait un calcul politique derrière contre «enn ti pwanié (dimoun)». Soyons juste et rationnel. Le tourisme est mal en point et ne survivra pas avec du tourisme local ou de la quarantaine et concerne 24 % du PIB et des dizaines de milliers de gagne-pain. Il faut alors choisir entre prendre un risque d’ouvrir les frontières de manière intelligente (favoriser les longs séjours et le very high net worth sans quarantaine, un peu comme aux Seychelles***) ou de les garder fermées et de «combler les pertes des derniers sept mois» ainsi que des mois à venir pour TOUT le secteur touristique plutôt que juste la partie «systémiquement importante» ! D’ailleurs, un sondage de Synthèses dans le même journal est édifiant : si 82 % des sondés sont d’avis que l’industrie touristique œuvre pour le bien de tous les Mauriciens, seul un Mauricien sur cinq (ceux qui dépendent du tourisme ?) souhaiterait l’ouverture des frontières, alors que deux sur trois sont d’accord de restreindre l’accès du pays aux touristes. Clairement, on a peur et on n’accepte toujours pas qu’il faudra vivre avec la Covid-19, vaccins ou pas, tests fiables ou pas… Si on peut comprendre que le gouvernement ait aussi peur de ceux qui ont désormais peur de la Covid-19, on peut moins bien comprendre qu’il n’ait apparemment pas peur de donner le baiser de la mort à presque un quart de l’économie !
Aussitôt le communiqué de Pfizer publié tard lundi, donnant l’espoir d’un vaccin fiable, les valeurs hôtelières, touristiques et d’aviation reprenaient des couleurs sur les marchés internationaux, aux dépens de celles ayant profité de la pandémie : Amazon, Netflix… Le baiser de la mort sera-t-il suivi de celui du prince de la Belle au Bois Dormant ? On l’espère !
Mais un vaccin fiable, même à 90 %, sera-t-il seulement suffisant pour contrer nos frilosités nationales grandissantes ?
*https://www.bmj.com/content/bmj/369/bmj.m1808.full.pdf
**https://www.health.harvard.edu/blog/which-test-is-best-for-covid-19-2020081020734
***https://www.seychellestourismboard.travel/news-media/press-releases . Pendant que l’on se morfond dans l’indécision ici, Richard Quest était aux Seychelles le 29 octobre pour inclure l’archipel dans son « World of Wonder show « sur CNN. Sa quarantaine ? Cinq jours…
L'édito paru cette semaine dans Business Magazine
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