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Contradictions : à chacun sa peine!

18 novembre 2020, 07:43

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J’ai bien écouté la conférence de presse de plus d’une heure des ministres Padayachy et Callichurn de mercredi dernier sur l’avenir de l’économie et de l’emploi dans le pays. Il y avait là une série de déclarations importantes et peut être même cruciales pour le pays. Les présentations initiales étaient plutôt bien ficelées. Les réponses aux questions des journalistes ont montré les plaies béantes qui menacent le pays.

Évidemment que le ministre a raison de promouvoir ses trois priorités, soit maintenir un maximum d’emplois, en créer de nouveaux et stimuler l’investissement. La priorité du gouvernement a aussi été l’humain et sa santé, et les frontières restent donc fermées. Les protocoles de quarantaine deviendront d’ailleurs encore plus exigeants maintenant que nous avons enregistré notre premier cas indigène depuis le 26 avril dernier ?

Le seul problème, c’est que toutes ces priorités sont souvent contradictoires…

«Le dialogue doit reprendre, mais sur des bases plausibles et raisonnables. Se crêper le chignon et taxer les interlocuteurs d’«antipatriotiques» ou d’«égoïstes»… ne mènera ni au «FDI au plus vite», ni à de nouveaux emplois crédibles et bien payés»

Je comprends que le gouvernement soit fermé par rapport au lobby qui souhaite que le gouvernement continue avec le Wage Assistance Scheme, mais qu’il accorde désormais aux compagnies qui en bénéficient, de licencier avec flexibilité. En effet, la condition vitale du WAS était le maintien de tous les emplois et on ne peut pas alors, normalement, modifier les conditions du WAS en cours de route. Cependant, je comprends aussi que certains employeurs aient tenté cette demande, car ce que ni le gouvernement, ni les employeurs bénéficiant du WAS n’avaient apparemment imaginé à l’époque du confinement en mars, c’était que ce programme allait durer aussi longtemps ! Sans compter que recevoir son salaire sans trop travailler pourrait, sur le temps, créer une bien coûteuse illusion…

En effet, à l’époque, ce projet se construisait sur un horizon d’environ 6 mois, pour un retour ‘à la normale’ vers septembre – du moins, c’est ce que l’on peut déduire en relisant le discours du Budget. Arrivé en novembre, cependant, on évoque maintenant une ouverture du ciel «pas avant plusieurs mois» encore. La conséquence ? Le WAS va coûter bien plus cher au pays, gouvernement et compagnies inclus. À écouter l’ARHIM, le gouvernement aurait jusqu’ici déboursé Rs 3 milliards pour le WAS du secteur touristique et les compagnies bénéficiaires ont, de leur côté, déboursé Rs 9 milliards. Pour prolonger ce système pour encore «plusieurs mois», le gouvernement n’aura qu’à voter un Extra Supplementary Expenditure (ESE) et le financera soit avec un financement additionnel de la BoM, soit avec de la taxe. Pour les compagnies hôtelières, il faudra encore emprunter, soit aux actionnaires, soit à la banque, soit à la MIC. Dans un moment où il n’y aura pas de recettes extérieures de sitôt en face, ni de retour aux recettes du niveau de 2019 quand les frontières s’ouvriront enfin, ces emprunts paraissent maintenant décidemment problématiques, d’autant s’il y a une obligation de ne licencier personne… ni jusqu’à décembre, ni apparemment après.

Dans une de ses réponses, le ministre Padayachy va même jusqu’à blâmer les compagnies en panne d’activité qui auraient dû avoir prévu ce scénario catastrophe de pandémie et prendre une assurance pour ce genre de situation «couma tou dimoune ena ene». Je ne connais personnellement aucun cas au monde où une industrie mise à l’arrêt planétairement par une pandémie était assurée suffisamment bien pour couvrir tous ses frais, alors qu’il n’y avait plus de revenus, d’autant que c’est «le fait du prince» qui décide de la durée de l’arrêt. Vous imaginez la prime ? D’ailleurs, notre gouvernement aurait-il eu une de ces couvertures d’assurance prodigieuse qu’il n’aurait pas eu, ni à pomper la BoM pour Rs 60 milliards, ni à passer un ESE pour Rs 17 milliards…

Quant aux consultations permanentes qu’il dit avoir avec le secteur privé, je ne me souviens vraiment pas qu’il y ait un seul mot d’échangé, ni en amont, ni en aval de la CSG, par exemple. L’ironie veut que le ministre Callichurn ait pourtant raillé le fait que c’est le secteur privé qui n’a pas tenu de consultations avant de mettre son cas contre la CSG en Cour suprême ! Tiens !

Le ministre du Travail insistait, par ailleurs, qu’il ne changera pas un iota au Workers’ Rights Act, comme demandé par «certains», et que le salaire minimum, la compensation salariale, le PRGF, la pension de Rs 9 000 et le 13e mois de bonus sont des acquis des travailleurs sur lesquels il ne bougera pas. Il a raison sur ces points, tant qu’il peut se les permettre. Cependant, l’investissement et la création de nouveaux emplois exigent un minimum de conditions prealables pour prendre corps. Si les compensations salariales, toutes confondues, et, partant, les coûts de production continuent à progresser plus rapidement que les gains de productivité nationale, comprenons-nous que nous avons un problème que ne saurait aucunement compenser une amélioration de notre rang au panthéon de l’Ease of doing business ? Ça servirait en effet à quoi de pouvoir faire des affaires facilement si celles-ci ne sont pas profitables ?

«Puisque tout va au Consolidated Fund de toute façon, n’est-ce pas plus logique (et honnête) d’augmenter l’Income Tax, après avoir notamment réduit les dépenses des ministères de 20 % comme promis ?»

Monsieur le ministre du Travail nous a aussi parlé de ce qu’il compte faire pour ceux qui ont perdu leur emploi. Travaillant avec le Human Resource Development Council, il prépare, dit-il, un vaste programme de formation de 9 000 citoyens pour profiter des secteurs de l’économie qui sont «porteurs d’emplois» – sans toutefois préciser lesquels. Ce qui est précisé, c’est que Landscope va employer 2 000 personnes (à quoi faire ?) et la Mauritius Oceanographic Institute (et le Centre de pêche d’Albion) vont en recruter 1 000 autres pour l’élevage de poissons et la propagation du corail ! Un total de 23 000 personnes seront ainsi employées au minimum vital de Rs 10 200, à certaines conditions. Cela représente une somme assez modeste de Rs 3 milliards annuellement. Ce sera, souhaitons-le, mieux que 4 jours à Paris.

Ne souhaitant pas dévoiler ses plans trop tôt, le ministre du Travail semble pourtant vouloir s’orienter vers l’interdiction du licenciement au-delà de décembre 2020. Si c’était le cas, la seule alternative qui resterait alors pour les plus affaiblis, ce serait la fermeture, ou la mise sous administration, comme le réceptif Connections l’a fait la semaine dernière. Bénéficiaire du WAS, ce gros Travel Agent, n’ayant plus de ressources pour couvrir les frais non couverts par le gouvernement, a dû mettre la clé sous la porte. Si les 44 000 employés du secteur touristique devaient se retrouver en situation similaire et que l’on pouvait les reconvertir vers les secteurs «porteurs», au salaire minimum, cela coûterait seulement Rs 6 milliards annuellement. En attendant des jours meilleurs…

Ce scénario catastrophe est possible, mais évidemment pas souhaitable ! Le dialogue doit, pour cela, reprendre, mais sur des bases plausibles et raisonnables. Se crêper le chignon et taxer les interlocuteurs d’«antipatriotiques» ou d’«égoïstes» fait peut-être plaisir à la galerie et détourne l’attention d’ailleurs avec succès, mais ne mènera ni au «FDI au plus vite», ni à de nouveaux emplois crédibles et bien payés, comme par ailleurs souhaité.

D’autant que l’investisseur étranger ne peut toujours pas entrer dans le pays sans… 14 jours de punition ! Désormais à ses frais.

Le PM a raison qu’il faut que ce soit ceux qui soient les mieux lotis, comme lui et moi, qui aident par temps difficiles. Ainsi, la Solidarity Tax. Mais la CSG, qui est une taxe double sur les salaires de plus de Rs 50 000, n’est-elle pas une taxe sur les emplois de meilleure qualité, une payroll tax, que l’entreprise soit profitable ou pas ? Puisque tout va au Consolidated Fund de toute façon, n’est-ce pas plus logique (et honnête) d’augmenter l’Income Tax, après avoir notamment réduit les dépenses des ministères de 20 % comme promis ?

Question que chacun fasse un peu sa part ?