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Retour à la politique de proximité
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Retour à la politique de proximité
De Britannia à Baie-du-Tombeau, entre Poste-de-Flacq et Cotteau Raffin, des affiches, visages, noms et symboles bigarrés (des candidats aux élections villageoises) plantent le décor tel qu’il est, ces temps-ci, dans le pays profond : animé, exalté, frais, prometteur. Mais sans être révolutionnaire pour autant… Dans l’arrière-pays, on cultive aussi du moins bon : du castéisme de bas étage au pouvoir de l’argent facile.
Positivons, cependant. L’effervescence nouvelle, conjoncturelle, détonne du vert quasiuniforme des champs de canne, des murs en pierre sèche et du bitume routinier qui ornent le paysage rural. Cette énergie positive détonne aussi de la politique telle qu’elle se pratique au niveau national, où des chefs de tribus, distributeurs de prébendes, se comportent, trop souvent, comme des enfants mal élevés, plus soucieux de leur ego (et de leur plaque d’immatriculation) que du bien commun et de la santé du pays.
Sur notre route à travers le pays, on s’est arrêté, pratiquement chaque jour, à tout congrès, attroupement, ou simple discussion animée sous la varangue d’une boutique. On a arpenté le terrain, écouté des débats, assisté aux meetings de quartier. On a entendu des coups de gueule, revendications citoyennes. Des coups de blues aussi. Le désir de changement est manifeste. Si nous croyons fermement qu’un pays, ou village, ou encore région, a les dirigeants qu’il mérite, alors cette vague de jeunes pousses apporte de l’espoir. Non, nous ne parlons pas de ces agents de ministres, souvent embusqués, qui montent des équipes aux couleurs orange, avec des symboles ayant un rapport avec le soleil, comme les équipes Parasol, ou ceux qui se disent Mouvement socialiste de tel ou tel village. C’est évident : ceux qui veulent chanter les louanges du Sun Trust n’ont que la force de l’argent, mais ils ne peuvent pas tenir un discours de rupture, un parler-vrai, un langage de proximité. lls n’arrivent pas à se connecter aux problèmes du petit peuple, encore moins à répondre à leurs interrogations immédiates : manque d’eau, absence de loisirs, manque de projets pouvant intégrer les habitants, ravages des drogues de synthèse.
Au fil de nos pérégrinations, une réponse est revenue : à défaut de pouvoir changer le visage de Maurice, beaucoup veulent améliorer celui de leur village natal ou d’adoption. Louable initiative de ceux-là dont l’énergie contraste avec le suivisme de ceux qui ont été payés pour porter de l’orange, et pour applaudir les promesses électorales d’Alan Ganoo – qui ne sont pas sans rappeler la condamnation d’Ashok Jugnauth au numéro 8 pour corruption électorale.
D’autres pointent du doigt la faillite des politiciens au niveau national – et leur incapacité à tenir leurs promesses électorales – comme de l’eau «24/7» dont la définition a été revue, une Freedom of Information Act plus nécessaire que jamais dans le sillage du dossier Angus Road, une MBC qui pourrait, enfin, privilégier le débat public au détriment de l’infecte propagande gouvernementale. Ils n’acceptent pas que Ganoo et consorts viennent leur dire : ne votez pas contre le gouvernement car cela va freiner le développement de votre quartier ! Si ce n’est pas du chantage, cela y ressemble beaucoup, en tout cas.
Alors, signe de renouveau ou excitation passagère ? Est-ce que cet engouement rural serait la preuve vivante que notre démocratie a compris le besoin de se renouveler, de prendre une logique de proximité ? Que le temps est venu de changer la donne et d’élargir la base en montrant le chemin aux élites traditionnelles, comme c’est le cas avec un tiers de femmes sur la liste des candidats ruraux, alors qu’à l’Assemblée nationale nous sommes encore loin du compte équitable.
Nous terminons une année éprouvée et éprouvante, sous les assauts multiples des crises liées aux coronavirus, confinement, Wakashio, remorqueur SGD, tourisme au point mort, pertes d’emplois et baisse conséquente du chiffre d’affaires. L’incertitude autour des vaccins perdure. Dans pareil contexte, c’est salutaire que de futurs conseillers souhaitent apporter du baume au cœur de leurs voisins et initier le changement. Ce faisant, ils font aussi des promesses, sans toutefois miser sur le gouvernement, quel qu’il soit. Ayant compris, pour beaucoup d’entre eux, que le véritable enjeu politique demeure la méritocratie, alors que l’impartialité est le principal enjeu économique. Et que pour changer le système, il faut bien commencer par balayer devant sa porte.
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