Publicité

Élections rurales : À nous, tous les pouvoirs!

27 novembre 2020, 09:11

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Élections rurales : À nous, tous les pouvoirs!

«Local Government Act». Dans le libellé de la loi sur les collectivités locales, deux mots, local et gouvernement, traduisant l’idée de décentralisation du pouvoir, en établissant une distinction entre le gouvernement central et celui qui gère les affaires locales. Cette reconnaissance de deux types, deux organisations des pouvoirs, est l’expression même d’une démocratie effective. En voulant tout contrôler, à la fois au niveau central et au niveau local, villes, villages et districts, c’est tout l’exercice de la décentralisation qui est mise en cause, et c’est tout une philosophie démocratique qui se voit défiée.

Les résultats des élections villageoises ont confirmé la baisse de popularité de l’alliance au pouvoir.

Tout contrôler

Les récentes élections rurales nous ont démontré la capacité de notre classe politique à vouloir allouer un peu de pouvoir aux instances décentralisées. Elles ont étalé l’appétit de ceux qui occupent la scène politique au niveau national d’étendre leur juridiction, leur contrôle, au niveau local. En voulant influencer la composition des conseils de village, donc éventuellement celle des conseils de district, le pouvoir central a démontré qu’il voulait tout contrôler comme pouvoir politique dans le pays. Et cela même alors qu’au niveau de ces instances décentralisées, il ne s’agit que de gestion de certains dossiers, dans des domaines très précis, et surtout très restreints. En voulant s’assurer que rien ne leur échappe, la moindre parcelle de pouvoir que peut détenir une instance décentralisée est convoitée par l’élite politique nationale. Cette tentation de vouloir tout contrôler, de grappiller le moindre pouvoir là où il existe est l’expression d’une volonté, d’une démarche à l’encontre de l’esprit démocratique.

L’objectif recherché dans la mise en place d’un gouvernement local c’est de permettre aux habitants d’une ville, d’un village ou d’un district de gérer les affaires courantes les concernant. Les élus dans ces endroits-là connaissent mieux les réalités locales de vie des habitants. Il y a un élément de proximité non négligeable qui vient justifier la mise en place du gouvernement local : les habitants cernent mieux les conditions dans lesquelles ils vivent et savent mieux que quiconque comment gérer les affaires de telle sorte à améliorer leur quotidien.

Et, à bien voir, les élus locaux ont un pouvoir limité, ils exercent plus un droit de regard sur la gestion, et n’ont pas de pouvoir politique tel quel. Mais ce n’est pas dans cette perspective que les tenants du pouvoir central voient la chose. Pour eux, un conseil de village ou de district ou une municipalité leur permet d’avoir un ancrage dans des espaces géographiques locaux, ce qui va les aider éventuellement lors du scrutin au niveau national, des élections générales.

Dans une perspective politique, tout ce qui a été dit sur le désir de contrôle du pouvoir central et l’utilisation qu’il veut en faire au niveau des collectivités locales, s’applique également à tout parti national, qu’il soit au gouvernement ou dans l’opposition, qui s’immisce dans les élections des collectivités locales. Les mêmes motivations s’appliquent : on y trouve cette volonté, cette ambition de tout contrôler, et aussi ce levier que constituent les villages, afin de promouvoir leurs propres ambitions politiques au niveau national.

Appétit politique individuel

Pour les participants à ces élections, certains d’entre eux le voient comme un tremplin pour accéder à de plus hautes fonctions au niveau national, donc également pour assouvir leur appétit individuel sur le plan politique. C’est un phénomène quasi universel, que l’on voit aux États-Unis ou en Europe, ou même plus près de nous, à Madagascar où le maire de la capitale devient chef suprême ; ou du moins aspire à devenir président de la République.

Dans les deux cas, que ce soit celui des partis politiques à vouloir contrôler le pouvoir décentralisé où dans celui d’individus qui utilisent le tremplin des élections locales pour monter sur l’échelle politique, le problème reste le même : il s’agit d’une usurpation du pouvoir décentralisé, un des piliers d’une démocratie. Il y a détournement de cette philosophie par les agissements des acteurs qui utilisent la décentralisation pour se faire une place au sommet de la politique nationale.