Publicité

Way, way, mes enfants…faut travailler pour gagner son pain !

12 décembre 2020, 07:29

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.
Prise de vue en temps réel des activités de pêche dans l’océan Indien.

Je ne prétends pas connaître ni l’envergure, ni tous les détails de la question, mais on peut quand même noter des éléments épars qui, invariablement, suggèrent que nous avons de sérieux défis sur le plan de l’éthique du travail, de la productivité nationale et sur ce qu’il nous faut donc faire pour inverser des tendances qui paraissent potentiellement désastreuses.

Mr Pascal Tsin, CEO du groupe Super U, un de nos entrepreneurs les plus aguerris et innovants, lance, dans une interview à Business Magazine cette semaine, un véritable appel à «lutter pour notre survie». Il évoque, en passant, des «difficultés opérationnelles» du quotidien comme le «manque de ponctualité, les absences, le manque d’effectifs, les problèmes de livraison…» et ce n’est pas un hasard. Ce n’est pas un hasard non plus que de nombreuses entreprises se disent contentes d’employer des étrangers, souvent des Bangladais travailleurs et moins remuants, pour assurer leur activité. J’ai rencontré cette semaine un jeune directeur d’entreprise dans la construction dont 80 % des employés ne sont pas Mauriciens. Il ne trouve pas, dit-il, de maçons locaux adéquatement formés et n’a pas les moyens de lancer une école de formation, comme celle qu’il admire d’évidence chez General Construction. À Maurice, on chasse toujours les jeudis et ce n’est pas parce que le gibier est plus dodu ce jour-là ! Certains jouent même régulièrement au golf en semaine. Quel bonheur pour certains et quel malheur pour le pays ! Un numéro de téléphone que j’ai appelé dans un ministère a sonné entre 14 h 50 et 16 heures, ce mercredi. Sans aucune réponse. Le lendemain, j’étais balancé d’un numéro de téléphone à un autre pendant 30 minutes de plus, sans jamais trouver le bon interlocuteur, tous «occupés». Remarquez, j’étais content de l’apprendre ! Une offre privée de construction de drain, à un Conseil de district, pour protéger une route contre l’érosion des pluies, n’a élicité aucune réponse en deux ans. La productivité de la main-d’œuvre en Zone franche ne progresse pas entre 2011 et 2018.

La productivité du capital régresse dans le même temps. La compensation salariale moyenne entre 2009 et 2019 est presque au double des gains généraux de productivité du pays. Normal ? Combien d’entre vous avez eu affaire à un ouvrier ou un contracteur qui prend des engagements et qui ne les respectent pas ? Saviez-vous qu’à la poste centrale, on ne prend plus de lettres ou de colis vers l’étranger (alors que EMS, le convoyeur international avec lequel ils travaillent, opère pourtant toujours, lui… à quatre fois le prix !) ? C’est quoi la Poste internationale alors ? On parle souvent du lundi cordonnier avec un sourire en coin… Dans notre logique locale, on rembourse régulièrement les congés prévus pour les maladies si on… ne tombe pas malade, comme si on avait quelque mérite dans ces cas-là et qu’il fallait inciter et récompenser le «non-usage» d’un tel congé. Depuis avril, on ne licencie plus, le WAS garantit l’emploi, le 13e mois reste obligatoire et nous nous sommes même donné les moyens de payer une augmentation salariale ! Situation plutôt unique au monde par les temps qui courent ?

Si on trouve évidemment de rudes travailleurs et des professionnels consciencieux dans ce pays, il me semble, malheureusement, qu’on glisse tout doucement vers le moindre effort, l’argent facile, le manque d’éthique ou de rigueur, la formation minimaliste, les emplois sans beaucoup de valeur ajoutée ; parfois même dysfonctionnels tellement ils s’alimentent de bureaucratie inutile, de réunion sans résultats et de protocoles bien documentés, mais qui se respectent moins bien. Les corps para-étatiques et autres «Authorities» que nous avons créés (qui m’en fournira, enfin, une liste complète ?) sont-ils tous encore nécessaires ? Productifs ? Si les lois du travail sont évidemment nécessaires pour protéger les employés contre des employeurs qui abusent, n’atteignons-nous pas ces jours-ci une situation contraire qui handicape la gestion optimisée et va éventuellement enrayer l’investissement ?

Il est sans doute difficile de mesurer scientifiquement cette dérive. Elle est souvent largement impressionniste, mais peut-être qu’un sondage intelligent d’employeurs et de clients nous confirmera qu’il y a bien un problème qui mérite notre bonne attention ?

En attendant, je salue les trois charpentiers qui étaient chez moi mercredi et qui, de leur propre chef et à la lumière de leurs portables, ont scié tringles et poteaux jusqu’à 9 heures du soir, afin de gagner du temps à la scierie le lendemain. C’est rare. Ça se salue. C’est ce qui a mené à ces quelques lignes…

******

Quatre ans de discussions sur les termes d’un accord commercial entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, dans le sillage du Brexit, butent en finalité sur trois items dont un des principaux semble être celui de la… pêche !

Ce constat est même assez surprenant vu que la pêche n’est encore qu’une industrie de cueillette et qu’elle pèse si peu dans le PIB de ces deux interlocuteurs (moins de 0,1 %). Cependant, le sujet comprend aussi des charges émotionnelles non négligeables, les Britanniques souhaitant autant que possible garder «leurs» mers souveraines, c.-à-d. intacts de tout étranger, tout en exigeant un accès commercial préférentiel pour leur poisson en Europe. En effet, plus de 70 % du poisson pêché dans les mers britanniques se vend dans l’Union européenne, alors même que la majorité du poisson consommé outre–Manche est importé d’Europe !

Ce qui devrait nous intéresser au plus haut point, alors que les mers du monde sont surexploitées, c’est le contraste frappant de l’importance qu’accordent les Britanniques et les Européens à leurs activités de la pêche, par rapport à Maurice qui se nourrit plutôt, depuis des années, des seules promesses de son économie bleue.

D’abord, une petite comparaison des surfaces engagées dans cette discussion sur les Zones d’exploitation exclusive (ZEE). Maurice, quand elle inclut les 400 000 km2 gérés conjointement avec les Seychelles, ainsi que Tromelin et les Chagos dans sa ZEE, se plaît à afficher 2,3 millions de km2 . Cela fait alors de Maurice le 20e pays le plus important au monde en termes de ZEE ! Autre fait permettant de fanfaronner, cette ZEE est plus grande que la surface terrestre de la France, la Grande-Bretagne, l’Irlande, l’Espagne, l’Allemagne, l’Italie, la Grèce et la Bulgarie RÉUNIS. Par comparaison, la ZEE de la Grande-Bretagne est de 774 000 km2 si l’on exclut tous les petits îlots dont elle réclame la paternité dans le sillage de ses aventures coloniales, y compris le BIOT Chagos qui, à lui seul, représente 639 000 km2 . Le pays qui peut se vanter de la ZEE la plus importante au monde est la France, grâce à ses DOM/TOM. Elle est suivie des États-Unis et de l’Australie.

Ensuite, si le Royaume-Uni livre 622,000 tonnes de poisson par an dans ses ports de pêche, la FAO indique que l’équivalent mauricien est d’environ 30 000 tonnes. Nos exportations de produits pêchés (principalement du thon) se montent cependant à 434 millions de dollars, deux tiers de nos importations de poisson de 368 millions de dollars annuellement étant du thon, qui est principalement fourni par des bateaux européens pêchant dans l’océan Indien et qui est alors très largement réexporté vers l’Europe. À ce propos, l’accord de pêche au thon signé avec l’UE depuis 2014 concerne 4 000 tonnes de récolte annuelle, qui, en sus de licences annuelles pour les bateaux, rapporte au pays 70 euros par tonne pêchée.

Finalement, une conclusion : soit il y a un trou dans les chiffres locaux, soit encore notre océan indien est bien moins poissonneux que la ZEE des Britanniques, soit encore il nous reste énormément à faire pour mieux exploiter nos ressources ZEE à nous. Il reste du travail à faire, Messieurs, dames !

******

Mr Kistnen, activiste MSM a été, selon toute probabilité, assassiné. Au mieux, on a tenté de lui «met enn cracking» et ça aura mal tourné. Mais cet assassinat trouve crucialement son lit dans de l’affairisme, de l’arnaque, de la corruption et du mensonge de la pire espèce, et opère sur le fumier constitué par l’argent «public», que certains pensent, maintenant plus que jamais, être source légitime de leur avancement personnel. Mon pays est devenu effrayant. Il nous faut le libérer. Du travail valable pour tous ceux, majoritaires, qui veulent vivre autrement.