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Vaccins : voeux pieux ou armes stratégiques ?
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Vaccins : voeux pieux ou armes stratégiques ?
Le cadeau de Noël de cette année, dans les pays du Nord, pourrait bien être un vaccin anti-Covid-19 !
Après avoir témoigné du confinement, de la mise en quarantaine et des ravages durables du virus invisible sur les humains et les économies, nous sommes nombreux à réaliser que la découverte de tels vaccins – développés en un temps record par plusieurs laboratoires/pays – constitue, sans doute, le défi le plus pressant de notre temps – et de la gouvernance mondiale.
En attendant que les vaccins anti-Covid- 19, qui suscitent à la fois inquiétudes et espoir, arrivent jusqu’à l’océan Indien, il nous paraît intéressant de voir comment l’on s’organise ailleurs par rapport à la distribution et la campagne de vaccination, surtout si elles répondent aux principes fondamentaux de la charte des Nations unies.
Trois semaines après la Grande-Bretagne et la Russie, et 15 jours après les États-Unis, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, s’est enthousiasmée, lundi, de la distribution dans la zone euro du vaccin anti-Covid de Pfizer-BioNTech : «L’Agence européenne des médicaments a évalué ce vaccin minutieusement et a conclu qu’il était sûr et efficace contre le Covid-19.» Et Mme von der Leyen de préciser que les premières vaccinations auront lieu entre les 27 et 29 décembre.
Avec l’impulsion aux premières vaccinations qui est ainsi donnée, la question se pose : qui aura droit aux vaccins en premier ? Au sein de l’Union européenne, où il existe pas mal de disparités entre pays membres, la Commission européenne prend grand soin de préciser que chaque pays aura accès «en même temps aux vaccins» et leur distribution se fera au prorata de la population afin de garantir un «accès équitable». Outre Pfizer-BioNTech, afin de ne pas être prises de vitesse ou de court, les autorités européennes avaient développé, depuis la mi-juin, des accords avec cinq autres entreprises pharmaceutiques : AstraZeneca, Sanofi-GSK, Johnson & Johnson, CureVac, Moderna. Cependant, plus d’un député européen a pointé du doigt le fait intrigant que les contrats entre la Commission européenne et les laboratoires restent secrets pour le moment.
Si les dirigeants des pays du Nord penchent pour un accès mondial et équitable aux vaccins afin de protéger, en premier, les professionnels de santé et les personnes qui encourent le plus grand risque de contracter la maladie, beaucoup d’ONG mettent en garde contre le risque d’inégalités d’accès aux vaccins. Ce qui a du reste fait dire au Vatican, soucieux du sort des démunis des pays du Sud (d’où est originaire le Saint-Père), qu’il faudrait que les dirigeants s’assurent d’une «considération éthique attentive». Yves Coppens, membre de l’Académie des Sciences en France, prêche aussi un verset similaire : «Les laboratoires se sont précipités et l’on ne peut que souhaiter que l’éthique ne les ait pas abandonnés. On reçoit ces vaccins avec confiance (...) il faut dire aux gens, aux populations, aux gens qui vont se faire vacciner, de quoi il s’agit, ce qu’il va en résulter, et les mauvais effets secondaires qui peutêtre vont apparaître, il faut être tout à fait transparent. C’est évidemment très important tout ce travail qui a été fait, c’est tout à fait unique.»
À l’instar de Coppens, plusieurs scientifiques insistent pour que la vaccination soit envisagée non pas par blocs, mais de manière globale et équitable (ce qui ne marche pas toujours de pair avec le commerce). Les voeux sont certes purs mais restent pieux : chaque pays a une culture et une politique différentes et des populations qui ont des croyances diverses ; certains se prêtent plus facilement à la vaccination. Il y a aussi le rapport des forces entre pays et blocs – ce qui va déterminer l’équité ou l’équilibre à trouver dans le choix et la distribution des vaccins.
De Maurice, il est normal que l’on puisse difficilement faire un choix entre les vaccins tant la compétition entre laboratoires et pays est féroce, malgré la tentative d’arbitrage de l’OMS (à travers le programme Covax), ellemême en manque de ressources.
À bien voir, les vaccins sont aussi et surtout des atouts stratégiques pour les pays qui en développent. D’ailleurs, les Russes n’ont-ils pas baptisé leur vaccin Spoutnik V, comme en temps de guerre froide…
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