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Pardon ? Vous Brexitez, ne vous en deplaise ?
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Pardon ? Vous Brexitez, ne vous en deplaise ?
Le pouvoir de pardon accordé au président des États-Unis découle, une fois de plus, du désir des pères fondateurs de la constitution américaine d’établir des contrepoids et des contrepouvoirs à tous ceux qui détiendraient les pouvoirs de la nation. Ils étaient, après s’être libérés des griffes du pouvoir colonial dominé par un seul homme (c’est-à-dire le roi) particulièrement soucieux de s’assurer qu’au-delà de l’existence des trois branches du gouvernement établies comme «séparées mais d’égale puissance» (la branche législative – qui fait les lois, la branche exécutive – qui s’assure que les lois sont suivies et la branche judiciaire – qui interprète les lois quand nécessaire), qu’il y ait, en plus des recours délibérés des uns contre les autres. C’était une façon de s’assurer que chacun des trois pouvoirs reste dans ses limites et que nul ne soit tenté de dominer les autres de manière «impériale».
Ainsi, le congrès et le sénat peuvent-ils «impeach» un président qui abuse de ses pouvoirs et le président peut donner le pardon à ceux qu’il considère avoir été peutêtre trop durement traités par le système de justice. Cette explication ne s’applique évidemment pas à des pardons qui seraient accordés en anticipation de charges ou de condamnations à venir, intention que l’on prête aussi au président Trump, pour improbable que cela soit.
Si, par le passé, l’opinion publique américaine et diverses autorités légales ne se sont pas retenues pour critiquer certains «pardons» notoires, comme celui accordé par Gerald Ford à son ancien patron, Richard Nixon, ou ceux accordés par Bill Clinton au financier Marc Rich pour fraude fiscale ou à son propre frère, Roger Clinton, pour des cas de drogue, Donald J Trump est, semble-t-il, en train de dépasser toutes les limites. On s’y attendait ?
Ainsi, 88 % des pardons dispensés par lui, à ce stade, le sont à des personnes qui lui ont été politiquement ou personnellement directement utiles, ce qui est totalement inédit ! L’idée originelle du pardon n’était pas qu’il soit de nature transactionnelle. Normalement, un pardon doit se «mériter», avec une coopération subséquente avec la justice, un comportement exemplaire en prison ou encore des remords jugés sincères. De toute manière, beaucoup de monde se presse aux portillons de la grâce présidentielle* et le président doit d’abord regarder les recommandations de l’Office du Pardon, qui se trouve au sein du Département de la Justice. Aucune consultation n’aurait eu lieu dans ce cas, selon la BBC.
Paul Manafort, Michael Flynn, Roger Stone et le beaupère de sa fille Ivanka sont les cas les plus notoires de ces pardons, tant généreux que frisant le corrompu. En effet, les trois premiers furent condamnés après le rapport de la commission Mueller, ayant admis leurs fautes, mais ayant refusé de coopérer avec le Département de la Justice par la suite. On se rappellera plus particulièrement qu’un homme de loi du président Trump avait fait «flotter» l’idée d’un pardon lors de l’interrogatoire de Manafort et que celui-ci, en conséquence, choisissait rapidement de ne plus coopérer et, à la place, de mentir, à la suite de quoi, il fut condamné à 7 1/2 ans de prison. Après sa condamnation, Trump en personne fit ses éloges pour n’avoir pas mouchardé, ce qui à l’époque lui avait valu des comparaisons avec les «dons» de la mafia. Le pardon de cette semaine boucle la boucle du «transactionnel».
Le premier (et jusqu’ici le seul) sénateur républicain à se faire entendre, le sénateur Ben Sasse, du Nebraska, n’a pas été très loquace, mais a été très clair : «Felons like Manafort and Stone. have flagrantly and repeatedly violated the law and harmed americans. This is rotten to the core!» Ce silence partisan des républicains fait le Washington Post hurler en «une» que le message passé avec ces pardons est qu’il est permis d’être un corrompu si l’on est républicain. Ça promet pour la bipartisannerie ! Il reste un peu moins d’un mois à Trump pour exercer ses pouvoirs à sa manière. On n’a peut-être pas fini d’en entendre parler…
Et maintenant on apprend que le Donald a mis le veto sur le budget de l’armée, a bloqué les chèques de 600 dollars pour les sans-emploi, a rameuté l’extrême droite à Washington le 6 janvier et parle de… couvre-feu militaire ! Et la camisole, elle est où ?
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Après 1 635 jours de débats et de drames, le Brexit va finalement être consommé dans moins d’une semaine. Les Britanniques n’ont sans doute jamais pensé que les 27 qui restent en Europe auraient été à ce point unifiés dans leurs demandes et dans leurs exigences. Après tout, les «chapeaux melons» de Whitehall se sont toujours vus comme les diplomates les plus aguerris et les plus redoutables du monde ! Londres a certainement tenté d’ouvrir des brèches afin d’affaiblir l’UE et faciliter son point de vue, mais il n’a rien pu concrétiser de notable en quatre ans et demi. Les Européens ont bien compris, dès le départ, que s’ils rendaient la tâche trop facile ou s’ils proposaient des termes trop généreux, ils inviteraient d’autres membres actuels de l’Union à considérer le retrait en s’appuyant sur le précédent britannique. Le rapport des forces étant largement en faveur des Européens – les deux parties avaient évidemment intérêt à coopérer, mais un no deal aurait été d’autant plus coûteux pour Londres – il est probable que quand on prendra connaissance des détails étalés dans les plus de 2 000 pages de l’accord, que Londres et Bruxelles auront fait des concessions inégales. Mais que les deux vont, bien sûr, clamer victoire !
À la veille de Noël et à la veille de l’annonce de l’accord, on discutait encore de… poissons ! Il paraît que les chiffres utilisés par l’UE n’étaient plus les bons et qu’il fallait donc revoir les quotas des deux parties dans les eaux territoriales britanniques, espèce par espèce, presque poisson par poisson, pour plus d’une centaine de types de poissons…
L’image de ces derniers jours avant le Brexit a été, au moins symboliquement, dominée par une Europe qui, comme un seul homme, fermait ses frontières aux Britanniques pour éviter d’importer une nouvelle variante du Covid-19 qui est, apparemment, à 80 %, plus contagieuse que la précédente. Psychologiquement, cela a fait bien mal à Johnson et à sa bande. Si les négociations se sont effectivement terminées en queue de poisson pour Londres et que cela en coûte durement économiquement au pays, Boris Johnson risque bien sûr très gros politiquement.
D’abord parce que l’Irlande du Nord et l’Écosse, en partie sacrifiées, vont encore ruer dans les brancards. Ensuite, parce que si le compromis est trop gros, Johnson va se faire ramasser par ses ultras, alignés, crocs acérés, derrière Rees Mogg et Duncan Smith. Et finalement parce que désormais, tout ce qui ira mal dans le royaume britannique (et les détails de la sortie ne sont pas tous finalisés, ni ne seront-ils gérés de la manière la plus fluide…) va être mis sur le compte de Johnson à Londres, plutôt qur celui de Von der Leyen à Bruxelles, bien entendu.
Les méchantes langues ne se cachent pas pour dire que c’est Johnson qui a délibérément prolongé les débats jusqu’à la veille de Noël, se sachant pourtant échec et mat. Son idée était ainsi de minimiser toute supervision parlementaire possible, ainsi que de profiter de l’atmosphère des fêtes pour passer sous le radar de l’opinion publique. De méchantes langues que l’on vous dit ! Après le 31 décembre, il y aura bien la reprise de janvier, n’est-ce pas ? Oui, mais les carottes seront alors déjà totalement cuites !
*Plus de 10 900 pétitions de pardon et de commutation de peine ont été reçues lors du mandat Tromp. Seulement 44 ont été reçues positivement.
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