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La notion de souveraineté
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La notion de souveraineté
Bientôt 53 ans après nous avoir octroyé l’indépendance, les Britanniques se réjouissent de leur souveraineté retrouvée, après 47 ans de vie commune avec le bloc européen et quatre ans et demi de négociations des termes du divorce. Mais que faire de la souveraineté dans un monde qui requiert des politiques et réponses collectives et multilatérales face aux défis de notre époque : crises alimentaires et sanitaires, pandémie mondiale et vaccins internationaux, changement climatique, fonte des glaciers et rehaussement du niveau de la mer, lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent, entre autres…
Boris Johnson, qui perd un allié de taille sur la scène mondiale en la personne de Donald Trump, le champion toutes catégories de l’unilatéralisme, ambitionne de donner au Royaume-Uni (en fait de moins en moins uni, avec l’Irlande du Nord et l’Écosse qui avaient voté contre la sortie de l’UE) une nouvelle place sur la scène mondiale : «Global Britain», qui rime avec le slogan de Trump, «Make America Great Again». Et avec un Joe Biden, farouchement europhile, qui prône l’ouverture et le rapprochement des blocs, la tâche de Johnson ne sera pas aisée.
«La destinée de notre grand pays réside à présent fermement entre nos mains», s’exclame Johnson, après la ratification expresse, mercredi, par le Parlement britannique de l’accord de libre-échange, signé ce même jour, avec l’Union européenne.
Ainsi donc la perfide Albion, qui a démembré notre territoire en pleine guerre froide, pense pouvoir devenir un partenaire d’exception de l’Union européenne, après en avoir été un mauvais membre. Nombre d’analystes estiment que Boris Johnson n’a pas d’autre choix que de brandir cette sortie victorieuse de l’Europe, alors que son pays se retrouve, en ce début 2021, en grande difficulté à cause du Covid-19 : hôpitaux débordés, contaminations hors de contrôle, et une grande partie des Britanniques sous le coup d’un reconfinement. Ce serait la pire crise de l’histoire de la Grande-Bretagne en 300 ans…
Fait notable : l’enthousiasme opportuniste de Johnson n’est pas partagé par ses pairs européens. «C’est peut-être un affaiblissement mutuel», redoute Michel Barnier. Comme lui, ils sont plusieurs à souligner qu’un pays qui quitte l’UE pour la première fois après plus de 45 ans de vie commune est surtout un jour «triste». Tout divorce sous-entend qu’il y a des désaccords qui n’ont pu être surmontés, malgré une envie originelle de se mettre ensemble pour avancer, main dans la main. Mais le référendum du 23 juin 2016, remporté à 51,9 % par le «leave», a démontré que le slogan de souveraineté a primé au sein de notre ancienne puissance colonisatrice. Après avoir exploité les ressources des pays comme les États-Unis, l’Inde et Maurice, une majorité de Britanniques estiment donc que ce serait mieux de se mettre debout sur ses deux pieds sans l’aide des autres.
Si l’entrée en vigueur des nouvelles relations commerciales entre les Britanniques et l’Union européenne, à partir du 1er janvier 2021, constitue, dans les relations internationales, un tournant majeur, le concept même de souveraineté doit être défini en ce 21e siècle. Selon l’étymologie, la souveraineté c’est, pour un peuple, de pouvoir décider librement. Si les Britanniques ont voulu du divorce, c’est leur droit, tout comme les Écossais pourront, demain, après un référendum, décider de couper les ponts avec Londres. La contradiction, c’est que Boris Johnson et ses pairs louent la souveraineté, mais font preuve, sur le plan intérieur, de souverainisme – qui relève de l’égoïsme, soit une idéologie réduisant l’identité à la souveraineté. Boris Johnson surestime la politique et sous-estime les rôles de l’histoire, la géographie, la culture, la langue et les traditions dans la structuration identitaire des peuples.
Il est mensonger de faire croire que les peuples et les États peuvent s’affranchir durablement les uns des autres, qu’ils peuvent prendre des décisions seuls, coupés du reste du monde, sans considérer les conséquences pour leurs citoyens et leurs partenaires.
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La fin de la guerre froide dans les années 1990, dans le sillage de la chute du mur de Berlin, a prouvé que les dirigeants politiques ne peuvent plus vivre de la nostalgie des empires des siècles d’avant, en raison des eaux tumultueuses des rapports de force sur l’échiquier mondial. Depuis, les petits pays, comme Maurice, subissent la globalisation prédatrice, souvent sans pitié pour les moins nantis.
Dans Brexeternity: The Uncertain Fate of Britain, Denis MacShane, ancien ministre des Affaires européennes de Tony Blair, prévient que «le Brexit va continuer à se développer pendant des années, voire des décennies. Un peu comme des plaques tectoniques qui s’éloignent, l’événement est profond mais lent et il est difficile de prédire quand et où auront lieu les tremblements de terre…»
Face aux Chinois, Indiens et Américains, Johnson aura du mal à négocier, sans le mastodonte qu’est l’Europe, réservoir de 450 millions de consommateurs (contre 66 millions de consommateurs britanniques, si l’Union est préservée…). Il lui restera alors ses anciennes colonies pour faire du business, dont Maurice. Les lendemains de fête, après la panique actuelle liée au coronavirus, risquent de lui donner mal à la tête.
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