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La sous-représentation nous prive d’une influence légitime

8 mars 2021, 09:11

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Est-ce une utopie ? Imaginons une situation inverse à l’Assemblée nationale ! Osons penser qu’au lieu d’avoir 14 femmes parlementaires sur 70, on inversait les chiffres. 

Est-ce une utopie ? Imaginons qu’au lieu d’avoir trois femmes ministres sur 24 (le nombre a été réduit à 21 depuis peu), la configuration fut contraire ! 

Pourquoi serait-ce si surréaliste, alors que nous sommes contraint.e.s d’accepter une réalité indigne de notre démocratie, où les hommes continuent à dominer injustement l’Assemblée nationale ? Pour quelle raison sommes-nous si indulgent.e.s envers ce temps présent, toujours ancré.e.s dans un passé révolu, montrant une maison du peuple, ne reflétant pas une réalité mauricienne forte de ses 50 % de femmes ? 

Cette situation perdure parce que le système politique local qui nous emprisonne est vécu comme une fatalité, faisant des femmes les premières victimes d’une sous-représentativité. Ce faisant, il prive le Parlement d’une nécessaire influence positive féminine et féministe sur la vie sociale. 

Alors que s’il y a un endroit qui devrait compter avec la voix des femmes, c’est bien à l’Assemblée nationale, où une participation active d’une masse critique permettrait un écho féminin dans la préparation des législations ou leur mise à jour régulière. Jusqu’ici, l’absence d’un nombre décent de femmes, n’atteignant même pas un tiers sur la liste des partis, trouve prétexte dans l’absence d’un cadre juridique. 

Ce n’est là qu’une attitude hypocrite qui s’apparente à une forme de lâcheté de la part des leaders, quand l’on sait que ce sont eux qui ont le pouvoir d’aligner autant de femmes qu’ils le souhaitent sur leur liste électorale. Ce manque de volonté, cette mentalité patriarcale et cette absence de justice envers la moitié de la population, traduisent des moeurs d’un pays où les chefs des partis continuent à faire leurs lois, sans qu’on puisse les rappeler à l’ordre. 

Or, ne sommes-nous pas justement à la croisée des chemins, donnant à voir un système qui a fait son temps et qu’il faut impérativement refuser de continuer à nourrir ? De la marche citoyenne du 29 août dernier à celle du 13 février – qui a vu la participation de milliers de femmes –, quel message la population n’a-t-elle pas envoyé, si ce n’est que nous sommes face à l’usure d’une pratique politique qu’il faut à tout prix rénover, voire détruire ? 

N’est-ce pas un moment à saisir pour s’indigner en réclamant une parité longtemps attendue dont l’enjeu serait une vraie influence des femmes à l’Assemblée nationale, entre autres demandes ? Ne sommes-nous pas à une année charnière où la pression citoyenne pourrait faire basculer les mentalités sur plusieurs sujets dont celui de la question du pouvoir des femmes parlementaires ? 

Il y a aussi le fait que, dès qu’il s’agit d’élues, plusieurs voix anti- quota se lèvent, arguant que la quantité n’est pas plus importante que la qualité. À ce commentaire, on pourrait répondre que ça se saurait si l’intégralité de nos parlementaires masculins était des lumières ! Doit-on ici rappeler la réflexion pertinente de Françoise Giroud, affirmant que «la femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente». 

Bien évidemment, nous souhaitons voir à l’Assemblée nationale des femmes aux têtes pleines, contribuant à l’évolution de notre société, mais encore faudrait-il que le débat ne glisse pas sur une inutile rhétorique faisant accroire que le nombre n’est qu’une affaire de chiffres. Aussi simpliste que soit la réflexion, il y a de ces moments où la force de l’union est un atout. 

Certes, à ce propos, il serait judicieux que nos députées aillent au-delà des traditionnels clivages, tout en respectant la ligne de leur parti, et s’organisent autour d’un vrai agenda, sur l’avancement des causes des femmes. Le peuventelles ? Oui, d’autant qu’il existe un caucus des femmes parlementaires, lieu qui s’est montré extrêmement efficace dans d’autres pays et qui pourrait servir d’exemple. 

Encore faut-il qu’elles veuillent mettre leur ego de côté – un comportement qu’on pourrait laisser aux hommes – pour s’asseoir à la même table et proposer un plan de travail qui répondrait aux attentes d’une population en quête d’une société plus juste, plus égale et moins misogyne. 

Pourquoi cette sororité-là ne pourrait exister, avec un engagement des députées venant de tous les bords, qui mettraient leurs divergences de côté en privilégiant l’esprit de groupe autour d’une cause précise ? Si les leaders politiques, voire leur état-major, n’ont pas hésité à koz koze plusieurs fois dans leur vie, pour des raisons indécentes d’alliances, les femmes parlementaires ne peuvent-elles pas se regrouper pour de bonnes raisons avouables ? 

D’ailleurs, à l’heure où la société civile ne veut plus être spectatrice mais réclame son droit à une participation démocratique du pays, on pourrait envisager un partenariat entre le caucus de l’Assemblée nationale et des représentants citoyens, voire une collaboration avec plusieurs ONG qui ont à coeur l’avancement des femmes. Ce ne serait pas si absurde. Et au final, il ne s’agirait plus de seulement 14 femmes parlementaires mais d’un échantillon d’une multitude de voix influentes mauriciennes !