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Indépendance économique ?

12 mars 2021, 09:12

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Coronavirus oblige, pour la 2e année consécutive, la fête de l’Indépendance n’aura pas lieu. C’est sans doute l’occasion de réfléchir sur la notion d’indépendance, qui marche de pair avec l’indépendance économique, à un moment difficile, où nous nageons en pleine récession, et où le ministre des Finances puise «dans nos réserves, soit des 13,4 mois d’importation» qu’il nous reste pour soutenir l’arrêt des activités. Si on ne peut qu’accueillir la mise sur pied, à partir de lundi prochain, d’une équipe pour se pencher sur la soutenabilité des finances publiques, l’on ne peut que souhaiter davantage de transparence par rapport aux milliards avec lesquelles on jongle entre la Banque centrale et le ministère des Finances, et aussi par rapport à la trajectoire fiscale. 

Vaccins ou pas, le petit virus invisible et ses effets économiques et macroéconomiques ne semblent pas près de s’en aller. Il se pourrait même qu’ils restent avec nous pour toujours. Quoi qu’en disent nos dirigeants, qui veulent sans doute éviter une sinistrose, nous subissons déjà et nous subirons encore les effets de la récession économique engendrée par la pandémie. Si des institutions comme la Banque de Maurice, la Banque mondiale et plus récemment Moody’s prédisent une croissance positive variant entre 7,9 et 5,3 % pour 2021, cela ne veut PAS dire que nous sommes sortis de l’auberge. N’oublions pas que nous avons enregistré un recul d’au moins 15 % de notre PIB l’an dernier, et qu’on restera donc sous le niveau de 2018-2019 pour environ 4-5 ans, si tant qu’on arrive à bloquer le virus et ses variants, à réinventer le tourisme, l’offshore et bien d’autres secteurs d’activités économiques. 

Lisez attentivement la note de Moody’s sur notre pays et son endettement. Malgré le ton rassurant de nos dirigeants, dont celui de Renganaden Padayachy hier, les observations faites sur la faible capacité du gouvernement à donner un coup de fouet à l’économie post-Covid-19 sont parlantes et révèlent de sérieux problèmes structurels. Malgré plusieurs articles de presse dénonçant les transferts de fonds par milliards, le public ne semble pas être conscient du sérieux risque que la Banque centrale fait encourir au pays. Que ce soit sur le niveau ou la définition de la dette, ou sur notre politique contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, l’on dirait que les autorités, pour masquer la réalité, creusent de plus en plus de trous, en dépit des avertissements des agences de notation comme Moody’s, de la Banque mondiale, du FMI, de l’Union européenne. À tel point que beaucoup parlent de plus en plus de «State Capture» par une clique qui semble privilégier des intérêts financiers particuliers, autres que les intérêts économiques à moyen et long termes du pays et du peuple. Il y a de quoi s’inquiéter du récent «downgrade» du pays (de Baa1 à Baa2), surtout quand l’on sait que Moody’s évite d’ordinaire des déclarations pouvant mettre en péril la stabilité financière et économique d’une juridiction. Il ne fera pas non plus de déclarations contre quelconque institution. Mais le message essentiel a bien été reçu : le gouvernement a de moins en moins la capacité pour répondre aux besoins de l’économie. Donc la marge de manoeuvre pour sortir l’économie des eaux troubles est minime, voire inexistante. 

Alors que le maintien d’une note ou d’une mise à niveau doit être pris avec des pincettes, un déclassement suggère un état des choses plus grave qu’il suggérerait normalement. Dans notre cas, il semble de plus en plus probable que nous nous dirigeons vers une crise de la balance des paiements, comme souligné par plus d’une voix indépendante. Les problèmes causés par les échecs de la politique macro-économique sont aujourd’hui abandonnés aux portes de la banque centrale pour être résolus. Les échecs se reflètent dans les données monétaires et les politiques monétaires réagissent vigoureusement comme contre-force pour tenter de rétablir l’équilibre. Mais un ensemble cohérent de coordination politique fait défaut. 

Et au fur et à mesure que le fardeau de la dette augmente, cela entraîne des remboursements de la dette qui deviennent de plus en plus importants, et éventuellement on finit par atteindre un sommet infranchissable. Comme lors de la crise financière mondiale de 2008, ou pendant la Grande Dépression en 1929. Alors, les dépenses chutent, les emprunts «bouz fix», les revenus régressent, l’investissement dans l’économie chute, la valeur des actifs régresse, les marchés boursiers s’effondrent et les tensions sociales explosent... 

*** 

Grâce à la dette et à l’aide étrangère, le gouvernement de Pravind Jugnauth avait essayé de stimuler la consommation avec, par exemple, l’augmentation des pensions et l’instauration du salaire minimum. Il a aussi investi dans les infrastructures publiques. Puis il a tenté d’inciter la vente de villas aux étrangers, avec un secteur privé excité par l’excès de liquidités sur le marché financier. Mais le petit virus est venu tout bousculer. Et aujourd’hui l’on sent la différence, soulignée depuis l’an dernier par Ramesh Basant Roi et Sameer Sharma, entre une récession et un désendettement, c’est-à-dire quand le fardeau de la dette est trop lourd et ne peut être allégé par une baisse des taux d’intérêt. 

Réparer l’économie, alors, devient compliqué, surtout avec un gouvernement et une opposition «dysfonctionnels», incapables de mettre leur ego de côté pour le bien commun. Le népotisme, le manque de transparence, et la corruption viennent alors aider le virus pour nous rendre de moins en moins indépendants...