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Maurice s’autocratise
Il n’y a pas que le Covid-19 qui tue, il y a aussi et surtout la démocratie qu’on assassine.
Les mauvaises nouvelles, sur le plan démocratique, s’amoncèlent. Mais le National Communication Committee (dont l’objectif est de démontrer que Maurice demeure un exemple dans la lutte contre le Covid-19) ou le Government Information Service (qui censure les questions embarrassantes de la presse indépendante) n’en parleront pas.
En fin de semaine dernière, l’on prenait connaissance du V-Dem Report des Suédois (voir texte ci-contre), qui classe désormais Maurice dans la liste des Top 10 «Autocratising Countries» (nous passons de «Liberal Democracy» à «Electoral Democracy»). En jargon plus simple, nous sommes perçus par ceux qui font des études comparatives sur les différents systèmes démocratiques de par le monde comme étant un pays qui ne fait qu’organiser des élections chaque cinq ans, avec peu ou prou d’institutions indépendantes, capables d’assurer les «checks and balances» critiques au fonctionnement d’une démocratie au jour le jour. «Blatant examples are Parliament, non-respect of political opponents, an ineffectual state, non-independent anticorruption bodies, function of the central bank and the list goes on (...) as a matter of fact, Mauritius has registered a 0,23 drop in the last decade – an important swing», explique l’un des Democracy Scholars qui suivent notre pays de près, depuis qu’on a raflé la première place au tableau de Mo Ibrahim en Afrique.
Hier matin, on s’est réveillé avec une autre mauvaise nouvelle : après la liste grise du GAFI et la liste noire de l’Union européenne, Maurice figure désormais sur la nouvelle liste britannique des High-Risk Third Countries (voir en page 6). Donc, après les pays européens et l’Inde, la juridiction mauricienne sera soumise à une «enhanced due diligence» en Grande-Bretagne.
Si le gouvernement réalise que ces indicateurs démocratiques, économiques et financiers sont sérieux, alors il devrait prendre des actions pour y remédier sans tarder, et arrêter de se livrer à des actes anti-démocratiques.
Et l’on devrait ouvrir tous les dossiers au directeur de l’Audit afin que celui-ci puisse compléter son rapport sur les dépenses liées aux Emergency Procurements et au projet Safe City. L’ICAC devrait aider l’Audit à combattre la fraude et la corruption, et non pas protéger les pourris du régime, qui font fortune avec l’argent public.
Enfin, le gouvernement, au lieu de décorer le speaker, devrait arrêter de l’utiliser contre les politiciens élus de l’opposition. La sanction démesurée prise par ce nominé politique, non-élu, contre les… premiers élus des circonscriptions nos18, 19 et 20, nommément Arvin Boolell, Paul Bérenger et Rajesh Bhagwan, n’est ni plus ni moins une forme de dictature parlementaire, qui nous fait perdre d’autres points sur les indices internationaux.
Si Boolell, Bérenger et Bhagwan refusent de s’excuser auprès de «The House», selon la motion présentée par Pravind Jugnauth, ils peuvent démissionner du Parlement, saut que cela risque d’être du pareil au même. Le gouvernement n’alignerait pas de candidats, comme cela a été le cas lors de la dernière partielle au n°18 ; les trois expulsés seraient réélus, et pourraient se voir interdits à nouveau, puisqu’il s’agirait de la même «session», si le speaker le décrète. S’ils vont en cour, cela va prendre du temps, comme les pétitions électorales et, entre-temps, l’opposition serait encore plus fragilisée.
Par rapport aux pétitions électorales, le système judiciaire mauricien est bien plus lent que celui du Malawi ou du Kenya, où les litiges électoraux ont déjà été tranchés.
La démocratie est un processus. On peut avancer ou reculer. À bien des égards, Maurice demeure un exemple en Afrique. Avant, on était le bon, maintenant, on est le mauvais élève de la classe.
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