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Nos libertés démocratiques et les nouveaux variants

4 mai 2021, 07:29

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Au quotidien, nous, journalistes, faisons face à un terrible constat : toutes les questions d’actualité se révèlent intrinsèquement politiques et outrancièrement politisées, impliquant des relations de pouvoir et de privilège sociaux et économiques. Raisons pour lesquelles ce journal, outre son devoir de vous informer, a choisi, depuis son lancement en 1963, de défendre des causes et valeurs citoyennes et humaines avec une ligne éditoriale musclée – qui n’est pas sans nous causer des ennuis avec les pouvoirs du jour.

En 2021, à l’ère du Covid-19, de la contraction économique, et de la cybercensure, nous redoublons d’efforts, au jour le jour, pour défendre la liberté de la presse, et continuer à lutter contre la désinformation, la mésinformation et la propagande. Et ce, tout en explorant les divers moyens pour financer les modèles économiques durables pour les médias indépendants, et pour sauver le métier de journaliste (lui-même menacé par celui du communicant qui sème à tous vents).

Les procès par dizaines de millions de roupies contre notre journal et contre nous journalistes par les princes qui nous gouvernent, l’utilisation abusive des institutions de l’état (police, IBA, ICTA, MRA, etc.) pour faire pression sur nous, les délits de presse qui ne sont toujours pas dépénalisés, l’amendement de l’article 46 de l’ICT Act en 2018 (approuvé par le président par intérim d’alors Barlen Vyapoory) et le Consultation Paper anti-constitutionnel qui circule ces jours-ci sont autant d’exemples qui confirment, au-delà du classement mondial de Reporters sans frontières, que la liberté de la presse à Maurice est continuellement sujette à des menaces.

Avec ses velléités de contrôle des échanges sur les réseaux sociaux, ce gouvernement, aux tendances de Big Brother, qui s’inspire de la gouvernance de Narendra Modi, tente, lui, de contourner et la Constitution et le judiciaire, quitte à devenir le premier pays au monde avec un mécanisme de contrôle des réseaux sociaux à faire pâlir les Chinois, comme relevé hier dans nos colonnes par le constitutionnaliste Milan Meetarbhan.

Dans le cadre de la journée internationale de la presse, célébrée hier, l’activiste Lindsey Collen nous a envoyé un papier, intitulé Free Julian Assange Now (qui sera publié demain): «(...) I note that the UNESCO theme this year is ‘Information as a Public Good’ – which is interesting in times when ‘vaccines’ are not yet ‘a public good’ (...) they highlight three topics, which are quite clairvoyant : 1) ‘Steps to ensure the economic viability of news media’, 2) ‘Mechanisms for ensuring transparency of Internet companies’, 3) ‘Enhanced Media and Information Literacy capacities that enable people to recognize and value, as well as defend and demand, Journalism as a vital part of Information as a public good’.»

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L’Observatoire de l’UNESCO relève que 76 journalistes ont été tués depuis 2020, tandis que beaucoup d’autres ont été arrêtés, harcelés ou menacés dans le monde entier. Il rappelle les initiatives que les démocraties prennent – alors que les autocraties ou les pays en voie d’autocratisation empruntent le chemin inverse – pour protéger les journalistes: «En 2020, plus de 400 journalistes ont bénéficié du mécanisme de protection des défenseurs des droits de l’homme, des mesures importantes pour soutenir les journalistes, les médias indépendants et la lutte contre la désinformation dans le contexte de la pandémie dans de nombreuses régions.»

Et face aux nouveaux variants, qui sévissent sur les réseaux sociaux, notamment les Fake News, les discours de haine, les règlements de compte de la part de Fake Profiles qui n’ont pas le courage ou la substance d’aller jusqu’au bout de leurs attaques, l’express, qui a depuis longtemps adopté son code d’éthique, estime qu’il nous faut coordonner avec les organisations et mécanismes internationaux afin d’ouvrir la voie à de nouvelles approches. En revanche, nous sommes résolument contre la cybercensure par les agents du gouvernement ou par les institutions dévoyées.

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Alors que nous célébrons le métier de journalisme, il nous paraît opportun de faire le distinguo entre le journaliste professionnel (régi par des lois civiles et pénales de même qu’un code de déontologie) et le Bloggeur/ Facebookeur/Twitteur du dimanche ou les mercenaires ou autres Trolls de la toile (qui se croient tout permis, au nom d’une liberté d’expression totale, n’ayant de compte à rendre à aucun chef hiérarchique ou professionnel de l’écrit public).

Depuis l’invention du livre, les médias sont au centre du combat pour l’exercice de la vie démocratique. Car les médias permettent la libre confrontation des idées. La revendication de la liberté de la presse est celle de tous les esprits libres à partir du XVIIe siècle. Cependant, il aura fallu attendre plus d’un siècle pour que cette revendication soit inscrite dans les textes.

La Suède, pays qui abrite l’institut V-Dem, est le premier pays au monde à instituer le droit de la presse dès 1766 ; l’interdiction de toute limitation du droit de publication fait partie de la Constitution du pays. En 1773, paraît, à Maurice, le premier journal de l’hémisphère sud, soit Annonces, Affiches et Avis Divers. Et en 1776, l’État de Virginie se place dans la logique de la Suède : la section 12 du Virginia’s Bill of Rights, la Loi fondamentale de l’État, indique qu’aucun gouvernement ne peut empêcher l’expression de la liberté de la presse. La Constitution des États-Unis reprend à son compte ce principe. Le premier amendement de la Constitution américaine voté en 1791 stipule que «le Congrès ne fera aucune loi restreignant la liberté de parole ou de la presse». La suite, on la connaît, notamment grâce à Jefferson : «Notre liberté dépend de la liberté de la presse, et elle ne saurait être limitée sans être perdue…»

Où sont nos héritiers de Jefferson à nous ?!