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Élection virtuelle de la diaspora mauricienne: Le refus de l’exil ou défier l’exil, s’engager
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Élection virtuelle de la diaspora mauricienne: Le refus de l’exil ou défier l’exil, s’engager
Jadis, l’exil était la punition réservée à ceux que l’on voulait éloigner des affaires de la cité. Pour la plupart des compatriotes que j’ai rencontrés outre-mer, à la rue St Denis à Montréal, ou chez le Mauricien du coin à Tooting Bec en banlieue londonienne, le désir d’un jour rentrer au pays brûle dans les cœurs, nourri par la réalisation que même si nous jonglons plusieurs identités au cours d’une vie, c’est celle qui nous forge dès l’enfance dans la croyance en un destin national commun qui nous accompagne jusqu’au dernier souffle.
Notre exil à nous, c’est de vouloir, mais de ne pas pouvoir. Je pense qu’on ne part jamais pour partir éternellement. On se dit tous, à un moment donné, on ira toucher le Graal, et le ramener au pays. Ce retour au pays, toujours et encore dans les esprits. Mais voilà, nos plans sont malmenés par la vie et nous restons souvent comme des naufragés que l’océan sépare de la terre. Cette terre nommée Maurice, qui nous a bercés et envers qui nous devons ce que nous sommes. Ce refus d’oubli, ce refus d’exil est peut-être ce qui motive, entre autres, mon engagement, mon combat.
La goutte d’eau de trop pour moi et qui a amorcé mon engagement à me battre pour certaines valeurs fut lorsque je réalisais que la Commission électorale de notre République ne jouissait plus de la même crédibilité institutionnelle que par le passé. Elle n’arrivait pas à expliquer pourquoi, en 2019, des personnes dûment inscrites ne figuraient pas sur le registre électoral, alors que d’autres qui n’avaient fait aucune des démarches requises pour y figurer y étaient. Ou comment des bulletins de votes se sont retrouvés dans la nature et que d’autres puissent être coquettement rangés dans des urnes, en défiance à toutes les lois de la physique. J’en ai conclu qu’on faisait objectivement face à des lacunes systémiques et que les responsables devaient des comptes à la population.
Vous imaginez-vous que presque deux ans après les faits, le doute subsiste encore quant à la capacité des élections de 2019 à avoir exprimé les véritables sentiments politiques des Mauriciens ? C’est dans ce cadre que le MGD, avec la collaboration de Anou Voté de Loïc Ahnee et Nous Vote Nous la Voix de Vashisht Parsunoo, organisera une Élection Générale Virtuelle les 8 et 9 mai prochains. Avec nos moyens, nous essayons de pallier ce manque de confiance en nos institutions et voulons laisser exprimer sans favoritisme aucun les préférences politiques de nos concitoyens, à Maurice et à l’étranger. Nous avons d’ailleurs informé, ou invité une panoplie de partis émergents et traditionnels à participer avec nous à cet exercice démocratique.
Nous comprenons tous que l’heure est grave est que les initiatives citoyennes comme la nôtre, des Mauriciens du monde entier, sont le symptôme évident d’un État géré par des individus plus soucieux d’intérêts privés que de l’intérêt public. Nous sommes dans une conjoncture internationale où nous voyons des multinationales s’immiscer sans vergogne dans les coulisses du pouvoir. Lorsque l’on voit des personnages comme M. Trump, milliardaire et homme d’État, ou politicien, c’est le mariage incestueux de l’argent et du pouvoir, pour manipuler la démocratie comme ce fut le cas en 2019.
On comprend mieux, je pense, à travers ce prisme géopolitique la répercussion sur le local, le concret. Et le concret, c’est ce qui se ressent «lor lari» mauricienne. C’est cela même contre quoi nous avaient mis en garde nos anciens, «pa les pouvwar larzan diriz nou». En d’autres mots, des inégalités sociales grandissantes, une génération qui risque de se faire une réputation sur le Covid-19 et le synthé, des ménages qui doivent choisir entre le loyer et le gaz. Et pour que ce pouvoir illégitime puisse s’assouvir, arrestations ou opérations «get figir» à tout-va, humiliations au poste de police, des enquêtes qui traînent, un bébé dont la vie est enlevée et transporté en catimini.
Faire bouger les choses
Ce serait irresponsable de notre part, Mauriciens de Maurice, ou de la diaspora, de ne pas nous engager, chacun à son humble niveau, pour, du moins, essayer de faire bouger les choses. L’Élection Générale Virtuelle qui se tiendra les 8 et 9 mai prochains est déjà, selon moi, une réussite. Ne serait-ce que par l’intérêt que l’on a pu susciter à l’échelle nationale et internationale, sur des thèmes majeurs et proches des réalités mauriciennes.
Il faut que je vous avoue qu’aujourd’hui, nous nous engageons pour notre pays même si nous sommes conscients que des représailles pourraient nous pleuvoir dessus. L’initiative du MGD d’essayer de rapprocher Maurice de sa diaspora ne sera malheureusement plus possible dans un proche avenir si les amendements proposés par le gouvernement à l’Information and Communication Technologies Act 2001 deviennent une réalité. Quel est le contexte ? Je pense que tous les citoyens mauriciens se doivent de s’informer de la façon dont la dernière révolution technologique a nivelé le playing field entre les peuples et ceux qui les gouvernent. Votre Premier ministre a aujourd’hui accès à un compte Facebook, Twitter ou Google tout comme vous.
Fini l’époque où seules certaines voix se frayaient un chemin dans la presse, ou sur les ondes. Cette nouvelle réalité fait peur à ceux qui ont tout à cacher. Et c’est pour cela même que l’on voit émerger des propositions à peine subtiles pour restreindre les activités du peuple sur les seules plateformes d’expression gratuites qui existent. Nous avons ici affaire à des dispositions de loi qui rendraient illégal toute publication en ligne pouvant susciter chez des individus, à raison ou à tort, une simple gêne ou de la détresse psycho- logique. Les amendements à la section 46 de l’ICTA sont effectivement posés en des termes si pernicieusement généraux et vagues qu’ils rendent toute critique du pouvoir, aussi subtile et civilisée qu’elle puisse être, matière à des poursuites judiciaires.
Comme si cela n’était pas suffisant, le gouvernement proposa le 14 avril de cette année un Consultation Paper qui se propose d’amender la section 18 de l’ICTA en dotant les autorités du plein pouvoir de sévir, avant même que la légalité d’une action donnée soit établie. La section 12 de notre Constitution permet dès en premier instance à tout citoyen de formuler des opinions et de les partager sans interférence, dont dans des correspondances. L’ICTA bafouera évidemment ces libertés fondamentales et basculera dans une anti-constitutionnalisé inacceptable pour tout citoyen souhaitant vivre dans une démocratie.
D’ailleurs, la provision 66A de la loi sur les technologies de l’information avait donné lieu en Inde à de l’autocensure et des arrestations abusives, et pour la première fois en un demi-siècle, la Cour suprême du pays invalida une loi menaçant la liberté d’expression. Pour ceux qui voudraient vérifier l’information, je vous invite à constater les similarités frappantes entre les dispositions de loi indiennes et mauriciennes. Je pense que la voix à suivre a été tracée par nos amis soucieux de la démocratie en Inde, qui ne l’oublions pas a été dans un passé non si lointain une des nations au front de la lutte pour s’affranchir du joug de l’oppresseur.
Cette conjoncture nous pousse, nous citoyens lambda, à agir et prendre les choses en main. Comme nous l’avions constaté lors du désastre écologique que fut le Wakashio, lorsque les filles et fils de Maurice et d’outre-mer «maryé piké» et sortent de la critique virtuelle et s’engagent concrètement, aucun défi lancé à nous en ce XXIe siècle ne nous sera impossible à relever.
Nous arborons tous fièrement aujourd’hui l’étiquette de démocrate et souhaitons que la démocratie rayonne dans notre île par sa capacité d’inclure des individus au-delà de tous les clivages, communautaires ou autres. Autrefois, ceux qui partaient pouvaient difficilement être informés des affaires de la cité. Mais voilà, la mondialisation de la planète a fait tomber des frontières économiques, culturelles, géographiques et, aujourd’hui, je passe plus de temps à Maurice que certains de nos compatriotes qui partent souvent à l’étranger pour affaires, ou pour des missions d’États dont les frais de charge ne sont même pas rendus publics.
Mes amis et ma famille à Maurice m’appellent quasiment tous les jours pour me demander de leur éclaircir sur ce qui se passe chez nous, à Maurice. Vous imaginez l’évolution des choses en si peu de temps. Ne faudrait-il donc pas briser, au nom même de la démocratie, ce statu quo qui prive aujourd’hui des fils et des filles du sol de la possibilité de s’impliquer comme tout autre citoyen dans les affaires de la cité ? Ne serions-nous pas ici en face d’une contradiction philosophique, en outre d’être dans le déni de droit le plus fondamental ?
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