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Réseaux sociaux : droits humains en danger à Maurice

14 mai 2021, 06:49

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«We call on the government and ICTA in particular to retract the consultation paper, which proposes radically disproportionate measures to counter offensive speech on social media and presents a threat to human rights – specifically, the rights to privacy and free expression including press freedom. If it is sincere in its desire to uphold human rights and democratic principles, the government can explore more proportionate and rights-protective measures, appropriate to the context of a free society, for the regulation of illegal conduct on social media», concluent la cinquantaine d’organisations internationales qui condamnent, sans réserve, l’infâme Consultation Paper on proposed amendments to the ICT Act for regulating the abuse and misuse of social media in Mauritius – lire l’intégralité de leur soumission aux autorités mauriciennes en page 8.

De mémoire de journaliste, jamais autant d’«international allies and advocates for freedom of expression including press freedom and human rights» se sont engagés collectivement et de manière aussi spontanée face à une dérive autocratique de Maurice. C’est dire que la menace est sérieuse. Toutes les forces qui luttent pour la démocratie comprennent le besoin de tuer dans l’oeuf le projet de l’ICTA. «The proposed amendments to the ICT law are radically disproportionate to their stated aims of countering offensive speech on social media, and would set a dangerous precedent, allowing state surveillance of the lawful conduct of private citizens, and undermine the digital security of the Internet as a whole by attacking encryption (…) The expansive discretion given to the National Digital Ethics Committee, combined with the opacity of the procedure and the lack of clarity around the standards to define content subject to censorship, appears particularly problematic given extremely limited opportunities for review or appeal of removals. The lack of independent and external review or oversight of removal orders reinforces the unchecked discretion of government authorities and raises concerns of due process. Consistent with international norms advanced by the Special Procedures of the UN Human Rights Council and the Manila Principles for Intermediary Liability, among other expert bodies, we urge the government to categorically reject a model of regulation “where government agencies, rather than judicial authorities, become the arbiters of lawful expression.’’ (A/HRC/38/35).»

L’initiative derrière le regroupement des ONG pour contrer l’offensive de l’ICTA émane de Harvard University, dans l’État de Massachussetts, dont l’engagement en faveur des droits humains fait figure d’autorité. D’où la prise de position conjointe de Google et de Mozilla.

Ce qui préoccupe bien des chercheurs de là-bas ou d’ailleurs, c’est le fait que d’autres pays autocratiques ou en voie d’autocratisation (comme Maurice) pourraient imiter le terrible modèle mauricien. Le problème n’est pas national, mais international. Car quiconque échangerait des correspondances avec des Mauriciens seraient concerné par le mécanisme inédit contemplé par l’ICTA, pour intercepter et stocker, les échanges. «It is even more troubling that the Mauritian proposal would enable (…) breaking end-to-end encryption (which) is a threat to cybersecurity and information security, which could expose more data than the proposal contemplates and put the safety of all stakeholders at risk. It must therefore clear the necessity and proportionality test that is recognized internationally as the standard for such measures, and the proposed law does not.»

Le Consultation Paper de l’ICTA a au moins une bonne chose : le gouvernement de Pravind Jugnauth a révélé au monde entier son gros potentiel autocratique. Une certitude : le prochain rapport de V-Dem ne pourra que confirmer l’état avancé de la décomposition de notre démocratie, après que le FMI a sonné l’alerte sur le plan économique et le GAFI sur le plan financier. 

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À l’express, nous partageons les regards des chercheurs en sciences sociales sur les médias de l’océan Indien, avec qui nous sommes en contact régulier. Avec le Covid-19, le poids de l’économique sur les contenus rédactionnels devient un enjeu encore plus important. Malgré cela, la tradition de journalisme d’opinion (qui perdure à La Réunion depuis la presse de partis issue de la période coloniale), reste bien présente à Maurice comme à l’île soeur. Les lignes éditoriales musclées, en faveur des droits humains et des libertés d’expression et de la presse, se réactivent sous de nouvelles formes numériques qui correspondent également à une logique de flux. Loin du modèle nordaméricain, cette hybridation entre information et réseaux sociaux n’est pas récente comme le montraient déjà, il y a plus de 20 ans, les analyses de Philippe Breton (1995). Notre confrère Bernard Idelson de l’université de La Réunion observe que «les injonctions managériales sont intégrées par les producteurs d’informations. Cependant, face à ce journalisme de marché, la presse réunionnaise (en particulier la presse écrite) n’a pas perdu cette tradition de presse d’opinion et conserve malgré tout un habitus éditorial de débats et de commentaires. La situation réunionnaise n’échappe pas à ce constat de particularités. E lle permet de saisir dans leur complexité les multiples reconfigurations de cet écosystème informationnel insulaire à la recherche d’un modèle économique nouveau…»

Voilà de quoi compliquer la donne pour nous, journalistes, ce triptyque politiquetechnique- économique…