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La question palestinienne : Ceux qui veulent la guerre

18 mai 2021, 06:55

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La question palestinienne : Ceux qui veulent la guerre

Le conflit israélo-palestinien, sur fond d’escalade militaire entre le Hamas et Tel Aviv, ne peut laisser indifférent. Ces jours-ci, le monde regarde avec effroi le Proche-Orient qui recommence à s’embraser. Depuis dimanche, des manifestations ont lieu en Europe, en Amérique, un peu partout, dont ici à Maurice. Ils sont des milliers surtout à se rassembler dans les principales capitales cosmopolites pour commémorer la Nakba – la «catastrophe» en arabe, qui marque le début de l’exode de centaines de milliers de Palestiniens lors de la création d’Israël en mai 1948 – et pour dénoncer l’actuelle flambée de violence, sans précédent en Israël et Palestine depuis plusieurs années. Le bilan humain continue tristement de s’alourdir dans les deux camps. 

La propagande de guerre et la désinformation battent leur plein sur les réseaux sociaux qui s’enflamment. «Au moins 22 Palestiniens, dont neuf enfants ont été tués hier dans des frappes israéliennes menées dans la bande de Gaza», fulmine le Hamas. Il s’agit plutôt de «15 combattants islamistes, ciblés après que 150 roquettes ont visé Israël depuis l’enclave palestinienne, faisant une trentaine de blessés», rétorque Tsahal, le site de défense de l’armée israélienne. 

Au sein des pays ayant subi le colonialisme, Israël demeure toujours honni, et ferait, selon les manifestants, partie intégrante d’un dispositif répressif plus large au Moyen-Orient, au même titre que les régimes autoritaires et leurs alliés. Mais dans le concert des nations, depuis les printemps arabes, l’on note que la question palestinienne, «naguère colonne vertébrale discursive du monde arabe», semble reléguée au rang d’enjeu secondaire face à des considérations géopolitiques et/ou économiques jugées plus pressantes.

Mais ce qui s’est passé samedi après-midi à Gaza relance l’intérêt. Le bombardement, après un avertissement suivi d’une évacuation, par les Israéliens de la tour al-Jalaa, immeuble abritant les bureaux locaux de la chaîne qatarie al-Jazeera et de l’agence de presse internationale américaine Associated Press (AP), choque l’opinion. Le directeur d’Al- Jazeera dénonce un «crime de guerre» et une tentative de «faire taire les médias». L’agence de presse américaine AP s’est dite «choquée et horrifiée». «C’est un développement incroyablement inquiétant…» La partie israélienne évoque des cellules clandestines des renseignements du Hamas qui auraient infiltré l’immeuble. 

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Pour quelles raisons soutenons-nous la cause palestinienne à Maurice ? Au-delà même de ceux qui se mobilisent pour une «paix juste» au Proche-Orient, il y a l’universalité d’une cause contre l’injustice, d’où qu’elle vienne. Les spécialistes du droit international vous diront qu’en termes de justice, ce conflit ne comporte pas de démarcation absolue car «il ne s’agit pas d’une guerre des ‘mauvais’ contre les ‘bons’ –, mais il présente un déséquilibre flagrant, qui n’a cessé de s’accentuer.» Et si Israël – qui possède l’une des plus puissantes armées du monde, étroitement liée à l’hyperpuissance américaine et disposant de toute la panoplie des moyens de guerre moderne – dit n’agir pour protéger sa population, les Palestiniens, eux, luttent actuellement pour leur survie en tant que peuple dans un monde où les populations civiles demeurent, encore trop souvent, otages de la convergence d’intérêts occultes qui se nourrissent de l’insécurité et de la peur entretenue de l’autre.

Ce qui se passe dans la bande de Gaza nous interpelle aussi et surtout de par la puissance de feu disproportionnée, surtout quand elle est dirigée contre des enfants et autres civils innocents, devenus des boucliers humains. Même si on devrait éviter de porter un regard blasé sur les atrocités de Gaza, l’on peut difficilement s’empêcher de développer un sentiment d’impuissance face à cet énième affrontement entre la droite israélienne de Tel Aviv et les radicaux du Hamas. Insensibles au droit international et aux pressions diplomatiques, les deux factions politiques règnent au sein de leur territoire respectif précisément parce qu’elles s’affrontent de cette façon durable et meurtrière. 

Leur stratégie de survie est calquée sur la dangerosité de l’autre. Plus le conflit s’enlise, plus leur ancrage politique devient fort et payant. Et tant que tous ces belliqueux, qui profitent de l’économie de la guerre de Gaza, demeurent accrochés au pouvoir dit démocratique, que ce soit en Israël et en Palestine, les chances de parvenir à un accord de paix qui résoudrait les questions de frontières, de colonies et de réfugiés demeurent quasi-inexistantes. 

Aveu d’impuissance ou expression d’un vide diplomatique : après les retentissants échecs en Afghanistan et en Irak, le conseil de sécurité de l’ONU, gendarme dépassé d’un monde qui ne cesse de se transformer, préfère que l’Égypte (qui sort elle-même d’une mini-guerre civile) fasse la médiation pour que le feu cesse. C’est dire le triste sort des millions d’habitants de Gaza, pris entre deux feux et plusieurs engrenages. 

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Pourquoi la police a dû débarquer chez le pro- Palestinien Rama Valayden à 2 heures du matin, hier ? Quel est le crime qu’il a commis pour subir un tel acte d’intimidation ou de persécution ? Pourquoi demandet- on conseil au DPP et déroule-t-on le tapis rouge pour l’interrogatoire d’un ministre alors que la police vient cueillir des honnêtes citoyens à l’aube sans passer par le DPP ? Un simple coup de fil pour un rendezvous n’aurait-il pas suffi ? Personne ne croit que le gouvernement mauricien est manipulé par les forces israéliennes, même s’il y aurait eu des collaborations ponctuelles, mais il importe qu’on questionne le rôle de la police dans notre État en voie de d’autocratisation ? A-t-on arrêté Rama Valayden parce qu’il devait assister, hier au siège de l’ADSU, Ritesh Gurroby pour sa déposition sur la saisie record de drogue ? Avait-on peur que Valayden l’incite à raconter toute l’histoire du trafic, en dénonçant les «gros poissons» ? A-t-on voulu casser l’élan de Rama Valayden qui, avec les Avengers, va incessamment loger deux Private Prosecutions, contre Kailesh Jagutpal et Yogida Sawmynaden ? Mal conseillés (encore une fois !), la police et le gouvernement pourront-ils expliquer la distinction entre les funérailles populaires de Nooresh Juglall et la manifestation pro-Palestine de Rama Valayden ? Pourquoi arrêter dans un cas et fermer les yeux dans l’autre ? Pourquoi avoir menacé d’arrêter l’avocat de Rama Valayden, Me Shahzaad Mungroo, avant de lui dire qu’il n’y a rien contre lui… 

L’arrestation de Rama Valayden est clairement du sérum pour les Avengers, qui étaient quelque peu en perte de vitesse depuis le second confinement et la suspension des travaux judiciaires. C’est aussi du pain bénit pour Valayden lui-même, qui défend la cause palestinienne depuis longtemps, comme d’autres forces citoyennes et syndicales. Celui qui a donné l’ordre d’aller cueillir Valayden à l’aube aurait dû réfléchir aux conséquences, d’autant qu’il y a des précédents bien documentés de tels actes d’intimidation et de persécution des citoyens exerçant leur droit démocratique. La liste des nouveaux persécutés, de Giraud à Valayden, ne fait que s’allonger alors que la démocratie rétrécit.