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Santé de la démocratie à Maurice : Voilà où nous mène un système qui encourage la concentration de pouvoir!

21 mai 2021, 08:26

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Santé de la démocratie à Maurice : Voilà où nous mène un système qui encourage la concentration de pouvoir!

 

Des officiers du CCID sont allés récupérer Rama Valayden à son domicile vers 2 heures du matin, lundi, suivant la manif pro-Palestine dimanche. Un cas qui remet en question les pouvoirs de la police.

Deux événements qui ont eu lieu ces derniers jours démontrent la réalité d’un système qui opère à Maurice où ceux au pouvoir contrôlent tout, la loi, la justice et le Parlement. Ces événements concernent les opposants au régime.

Mainmise sur la police

Le cas de Rama Valayden vient nous rappeler cette dangereuse contradiction d’un système qui fait que le parti qui est au pouvoir, non seulement a le monopole sur le vote des lois, mais sur qui contrôle également leur exécution. Un politicien élu peut, en effet, s’arroger de tous les pouvoirs de police et déterminer qui sont ceux et celles qui seront arrêtés et poursuivis.

Proclamer que le commissaire de police détient un poste constitutionnel n’est que de la poudre aux yeux parce que le fait que le poste du commissaire de la police soit inscrit dans la Constitution ne veut nullement dire que celui-ci jouit d’une indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif, donc du parti qui dirige le gouvernement.

Il faut pour s’en rendre compte de voir la Constitution du pays et le pouvoir donné à celui qui détient le poste de Premier ministre de déterminer l’étendue de son ascendance sur le commissaire de police.

La Constitution dit que le Premier ministre peut donner, comme bon lui semble, des «general directions of policy with respect to the maintenance of public safety and public order» et que c’est au Premier ministre de décider de la nécessité de telles directives. Et, ajoute la Constitution, le commissaire est obligé de les suivre.

Mais dans l’expression «general directions of policy», on peut tout y mettre, tout peut être «policy». N’importe quel souhait que le Premier ministre veut voir exécuter peut être rédigé comme une «policy». Nous sommes donc en présence d’une disposition constitutionnelle qui consacre la subordination de l’institution de la police au politicien.

On notera, par ailleurs, que la section 71 de la Constitution ajoute que le Premier ministre ou ministre de l’Intérieur peut s’occuper de «the organisation, maintenance and administration of the Police Force».

La disposition sur l’indépendance relative du commissaire se trouve dans les lignes suivantes : «The Commissioner shall not, in the exercise of his responsibilities and powers with respect to the use and operational control of the force, be subject to the direction or control of any person or authority.» Mais si le commissaire doit diriger des opérations («use and operational control») selon les directives du Premier ministre, de quelle indépendance de la police parle-t-on ?

Un aspect crucial dans un système de justice dépend de la police car elle est chargée d’arrêter les suspects et les emmener en cour devant le juge ou le magistrat. Mais si cette police prend ses ordres du politicien au pouvoir, de quelle indépendance du système de justice parle-t-on ?

Réintégration des trois députés suspendus

Trois membres de l’opposition avaient été suspendus du Parlement sur une proposition du Premier ministre. Puis, le 18 mai, soit après plus de six semaines, voilà que le même Premier ministre propose qu’ils soient réintégrés, ceci, déclare-t-il, afin de leur permettre de participer aux débats sur le Budget. Accessoirement, avec une telle justification, on est en droit de se poser la question de l’importance accordée par le Premier ministre aux séances parlementaires pendant les six semaines de suspension des trois élus.

Mais plus important encore, c’est la question du pouvoir dont jouissent le parti au gouverne- ment et son leader dans notre système parlementaire. Non seulement ce dernier contrôle le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, il est démontré que même la présence des élus du peuple dans l’Hémicycle dépend de son bon vouloir.

La suspension des trois élus avait suscité évidemment de nombreuses critiques, tant sur le fond de la décision aussi bien que sur la procédure suivie. L’exigence des excuses de la part du Premier ministre afin de permettre la réintégration des élus suspendus était jugée inacceptable. La Cour suprême fut saisie afin qu’elle se prononce sur la validité de la décision prise à leur encontre.

La décision de faire intervenir le judiciaire dans une affaire qui concerne le Parlement, pour statuer sur des écarts à la procédure parlementaire, ou à la Constitution, allait permettre aux juges de se prononcer sur des questions de fond et de forme, ce qui aurait donné lieu à la construction de la jurisprudence en matière de procédure parlementaire et du droit constitutionnel. Mais avec la réintégration, on a raté l’occasion de laisser enfin le judiciaire se prononcer sur la santé de la démocratie à Maurice et de mettre fin à des pratiques, symptômes d’un système de gouvernement fondé sur la concentration des pouvoirs entre les mains une seule personne.

Délitement de la démocratie

Nous sommes pris dans un système qui favorise la concentration du pouvoir et où l’existence même de la démocratie dépend du bon vouloir des personnes au pouvoir, de leur culture, de leur acceptation du principe de l’indépendance des institutions, de la séparation des pouvoirs. Bref, des principes de démocratie.

Si le système ne change pas nous serons condamnés à en subir les conséquences pour encore longtemps. Le temps que prendra le peuple pour se lever et de dire : «Assez».