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Mauricianisme: le sol détermine la plante, la nation détermine l’individu
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Mauricianisme: le sol détermine la plante, la nation détermine l’individu
Quel bel exemple de diversité et de convivialité en ce jour de fête nationale, me susurra à l’oreille le professeur Cartaphilus contemplatif. Sur une grande table dressée, saveurs, couleurs et senteurs venues de plusieurs continents s’offraient pêle-mêle aux regards gourmands des convives venus des quatre coins de l’île.
Quelque temps après, je rendais visite au professeur qui habitait Chamouny, une région située sur le versant sud-est de l’île. Invité à m’asseoir à l’ombre d’un gigantesque tulipier, j’oubliais pendant un bref moment la présence de Cartaphilus et le but de ma présence, tant subjugué j’étais par la beauté du paysage en contrebas. Ce bref moment d’inattention passé, et sans préambule, je lui rappelai le sujet de notre entretien, à savoir la Nation mauricienne.
N’allez pas si vite, me répondit-il. Vous m’entraînez là sur un terrain glissant et plein d’embûches, d’autant que l’idée de Nation est d’une grande complexité, et son interprétation lourde de conséquences comme nous le montre l’histoire moderne. C’est un sujet qui provoque sans coup férir beaucoup d’émotions et par conséquent peu de rationalité. En outre, il ne faut pas oublier que nous sommes un État jeune et insulaire ; donc doublement prédisposés à la susceptibilité !
Sans jugement porter, je m’efforcerai de vous livrer quelques observations qui, pour être incomplètes et partielles le seront forcément. Quel en est le but ? Jeter un regard sur le fonctionnement social de notre nation au quotidien. Exercice pour le moins difficile quand on pense à la peine que nous avons à comprendre nos proches, et combien superficielle est notre connaissance des gens que nous côtoyons quotidiennement.
Patrimoine historique
Pour faire simple, une Nation se définit comme un groupe humain partageant une histoire, une religion et une culture commune. Se limiter à cette seule définition, force serait de constater que Maurice, pays pluriconfessionel, multiethniques et culturels, ne correspond pas précisément à ces conditions. Mais évitons cette conclusion par trop simpliste pour nous intéresser précisément aux rôles de l’histoire, de la religion et de la culture au sein de notre société.
L’histoire nous aide à interpréter et comprendre le monde dans lequel nous vivons. Elle nous fait entrevoir d’où nous venons, et par conséquent qui nous sommes, et où nous allons. À divers degrés et façons, nous appartenons tous à la même histoire façonnée au cours des siècles par nos aînés qu’ils fussent colons, esclaves, travailleurs migrants, marins, commerçants, aventuriers ou autres. Ce sentiment d’appartenance à un passé commun contribue à nous forger une identité en tant que nation. Cet héritage revient à la nation tout entière, et il est du devoir de l’État de le transmettre aux générations, comme il incombe à cet État de veiller à la conservation de notre patrimoine historique.
Quant à la religion, elle conditionne notre comportement au quotidien et nos relations avec autrui. Souvent cause de tensions, voire de conflits, dans de nombreuses parties du monde, elle est chez nous source de tolérance et facteur de paix. Les divers lieux de culte qui parsèment nos paysages, et les nombreuses cérémonies religieuses, sont autant de manifestations de notre vocation multi confessionnelle et tolérance. Nous devons cette tolérance à la grande sagesse de nos dirigeants religieux, cette force tranquille et discrète qui tempère les éventuelles errances politiques ou communautaires.
La culture semble être l’élément déterminant dans nos relations avec autrui. Par culture, nous comprenons l’action concomitante de la langue, de la connaissance, de la religion, des moeurs et valeurs. S’agissant de Maurice, il est difficile de parler d’une culture commune dans la mesure où les différentes composantes de la société restent foncièrement attachées à leurs origines, traditions et racines. À ce propos, n’avons-nous pas fait de cette diversité un slogan publicitaire !
À y penser davantage, force est de constater que les différentes communautés sont souvent cloisonnées, et prisonnières de leurs préjugés ethnoculturels. Le champ d’action des différentes communautés s’articule pour l’essentiel, alentour leur propre sphère d’influence. La vie économique échappe fort heureusement à cet état de fait. Elle est de par sa nature, un élément déterminant dans la coexistence sociale de notre pays en favorisant les rencontres et les échanges des concitoyens dans un espace et objectif commun. Toutefois, le vivre ensemble n’est pas seulement une affaire de convivialité de circonstances, ou d’opportunités. Il requiert l’empathie, l’ouverture, et l’acceptation de tout un chacun et n’est de ce fait, jamais complètement acquis. Les nombreux conflits ethniques et confessionnels dans le monde sont là pour nous le rappeler.
Mais Professeur, notre pays a énormément changé, et je trouve vos remarques quelque peu caricaturales, voir déconnectées de la réalité et de la jeunesse d’aujourd’hui. Effectivement, on me reproche ma lecture «décalée» de la société, et d’opposer à ce décalage, une liste d’indéniables exemples de brassage social, et de solidarité nationale. S’agissant de brassage, ces exemples font souvent figure d’exceptions qui n’infirment ni ne confirment une réalité bien éloignée du melting- pot. Par ailleurs, il semble qu’en atténuant le contour identitaire de nos concitoyens, l’actuel nivellement et uniformisation culturelle de notre société aient favorisé cette mixité. Quant à la solidarité nationale, elle s’exprime à l’occasion d’un événement sportif, ou encore face à une catastrophe naturelle ou politique. Elle reste in fine circonstancielle et temporaire.
Sur ce, et visiblement contrarié, Cartaphilus se leva pour m’inviter à le rejoindre sur la terrasse où, sur une table dressée se mêlaient pêle-mêle les saveurs couleurs et senteurs de plusieurs continents devant le regard gourmand des convives venus des quatre coins de l’île.
Me prenant à l’écart le professeur me susurra à l’oreille en guise de conclusion : N’oubliez pas qu’une Nation c’est par-dessus tout un État et les valeurs véhiculées par ses dirigeants et ses institutions. C’est aussi sa capacité à insuffler le sens du devoir et du civisme à ses citoyens par son exemplarité. À ne pas répéter !
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