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Non pas contre un gouvernement, mais contre ce qu’ils font !
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Non pas contre un gouvernement, mais contre ce qu’ils font !
La réponse du Premier ministre (PM) à la PNQ du leader de l’opposition cette semaine est intéressante à plus d’un titre.
D’abord, le PM affirme solennellement qu’il n’y a pas d’accord militaire avec l’Inde pour une base à Agaléga. C’est clair et c’est net. Alors pourquoi tous les doutes, toutes les théories de conspiration, toutes les opinions publiques exprimées dans la presse, ici et ailleurs et en particulier en Inde, qui affirment mordicus, qu’une base indienne est une réalité ?
Mais c’est bien simple, voyons ! Car il est évident qu’il ne peut y avoir de spéculation d’aucune sorte là où les faits rejoignent les affirmations et là où il y a de la transparence totale, évidemment. Or, s’il est vrai qu’un «Memorandum of Understanding» (MoU), signé en mars 2015 – un MoU que le PM suggère, la malice au coin de l’œil, est le même que celui discuté et finalisé sous le gouvernement travailliste le 31 octobre 2014 – existe bel et bien et qu’une copie a même été déposée au Parlement le 31 mars 2015, ce MoU ne peut, en aucun cas, être le contrat sous lequel un État, encore démocratique, comme l’Inde peut dépenser jusqu’à Rs 3,5 milliards (87 millions de dollars) sans contrepartie ; cette somme étant précisée par le PM lui-même au Financial Times, le 25 octobre 2018. Ce MoU est pour «the improvement of sea and air transportation facilities at Agalega Island…». Pour qui reconnaît la réalité cynique de la politique, l’amélioration des conditions de vie de quelque 250 Agaléens, à ce prix-là, ne peut être une priorité NI pour le gouvernement local, NI pour le gouvernement indien*! De toute façon, pourquoi alors une piste de 3 000 mètres quand la moitié est bien suffisante pour nos amis d’Agalega ? Et est-ce crédible de faire de telles dépenses «to the benefit of the people» alors que le PM avouait pourtant au Parlement mardi, ne pas, par ailleurs, être au courant des doléances des Agaléens dans leur quotidien ?
La réponse du PM parle de MoU et de rien d’autre, nommément, comme accord signé avec l’Inde. Pourtant, Mme Daureeawoo, Deputy PM, affirmait, dans une réponse écrite au Parlement le 8 mai 2018 que «the agreement between India and Mauritius was subject to confidentiality and cannot be disclosed in part or in full» !
Donc, il y a bien un document «secret» et le MoU n’est que de la poudre aux yeux ? Ce document tenu «secret» et que la regrettée ministre des Affaires étrangères de l’Inde, Mme Swaraj, ne voyait AUCUNE objection à rendre publique, si seulement la partie mauricienne le souhaitait…; c’est bien cela le manque de transparence, le secret non-révélé qui engendre toutes les spéculations, d’autant que ce qui s’est construit à Agalega ressemble en tous points à une base militaire, selon le «duck test» ** le plus basique.
S’agit-il donc du Security Maritime Agreement signé avec l’Inde en 2017, en contrepartie de 500 millions de dollars de prêts (alors 18 milliards de roupies), comme révélé par Jean Claude de L’Estrac, dans «l’express» du jeudi 20 mai ? C’est fort possible. Même probable. Mais alors, si c’est vraiment le cas qu’il n’y a pas de base, pas d’armements stockés sur l’île, et que c’est l’État mauricien qui reste totalement souverain pour décider QUI va utiliser l’aéroport gigantesque et les quais bien trop importants pour ravitailler les Agaléens, pourquoi le secret ? Qu’est-ce qui embarrasse ? Qu’est-ce qui turlupine ? Est-ce le fait que le Security Adviser au PMO et le commandant suprême des Coast Guards, qui sont parmi les personnes d’influence sur ces questions de souveraineté nationale, ne sont pas Mauriciens, mais Indiens, depuis le temps de SSR d’ailleurs ?
Dans sa réponse à Xavier Luc Duval, mardi, le PM affirme qu’il ne voit rien de mal à accorder des facilités d’atterrissage ou d’accostage à des avions ou à des bateaux militaires de divers pays amis. Nous non plus n’y voyons rien de mal, tant que les conventions internationales que nous avons signées, notamment le traité de Pelindaba, contre la présence d’armes nucléaires, sont respectées et que notre souveraineté nationale n’est pas dévoyée. Même s’il n’est pas clair si l’«agreement signed», selon la réponse du PM mardi au Parlement, pour «only promote/protect our national security needs, surveillance of our vast EEZ, counterpiracy, counter-terrorism, counter-narcotics/ human trafficking, poaching and illegal fishing,(offer) hydrographic services, economic development, emergency responses, including against marine pollution» est bien le Security Maritime Agreement, alors que l’on peut fortement le soupçonner, ne devons-nous pas insister, une fois encore, pour la publication de tous les accords signés avec l’Inde, avec cette transparence qui est absolument vitale pour engendrer la confiance et mettre au pas les spéculations potentiellement malsaines ? Comme celle-ci, par exemple : pour le pays faible et neutre et a priori non-aligné que nous sommes, que se passera-t-il, demain, si un pays autre que l’Inde ou un de ses alliés du jour demande à utiliser les facilités de la base d’Agalega ? Plus spécifiquement comment se propose-ton d’agir face à une demande de l’Aeroflot ou de la marine de guerre chinoise ou pakistanaise ? L’Inde nous a-t-elle vraiment laissée la pleine liberté d’accueillir ses concurrents d’aujourd’hui ou de demain, sur des facilités financées à 100 % par ses contribuables ?
Ou comme celle-là : si à l’avenir, l’Inde devenait un pays «rogue», mis au ban des nations par ceux avec qui nous souhaiterions traiter de manière privilégiée, mettons, l’Union européenne; notre liberté de décision serait-elle toujours possible sur ce petit bout de notre territoire ?
Si ce n’était plus le cas, aurions-nous alors bradé, au moins en partie, notre souveraineté pour un gain immédiat facile, comme les autres l’auront d’ailleurs fait, en totalité, pour les Chagos ? On comprendrait alors l’embarras… À défaut de quoi, l’embarras serait à Dehli, ce qui me paraît tout à fait improbable !
Est-ce donc être «contre» qu’être «pour»… la transparence ?
*****
Cette semaine aussi, la saga de Rama, cueilli chez lui à deux heures du matin pour un interrogatoire aux Casernes. La population navigue entre le scénario de la «mise en scène» délibérée ou exagérée et celle d’une décision intempestive, mal jugée qui embarrasse les autorités. Je ne sais plus trop quoi croire…
Par contre, interpeller les têtes de pipe d’une manifestation de 75 personnes en faveur de la Palestine, sous la «Quarantaine Act», alors que des milliers de personnes défilaient presque au même moment derrière le corps du jockey Juglall, au pays où l’on permet à des bus de 60/65 personnes d’embarquer la totalité des places assises, ne me paraît pas bien futé !
Me Rama Valayden, un personnage intelligent, haut en couleur, n’y est pas allé de main morte lors de la conférence de presse organisée après qu’on a décidé de ne pas l’arrêter. Il accusait carrément le PM de négligence criminelle et soulignait les risques à sa propre vie, vu qu’il détenait beaucoup d’informations embarrassantes pour «certains». Silence depuis. Affaire(s) à suivre.
Est-ce être «contre» que d’être contre l’arbitraire du «deux poids, deux mesures» ?
*****
Bérenger, Boolell, Bhagwan sont de retour au Parlement. Le geste du PM dans le petit froid de 11 heures du soir, aurait pu être enregistré comme un beau geste pacificateur, un geste de démocrate, une invitation sincère à débattre le plus largement possible sur un Budget qui s’annonce douloureux. Ça aurait pu l’être.
Il faut malheureusement juger sur les faits et la motion initiale du PM, qu’il récuse maintenant, était donc au moins irréfléchie et plus que probablement antidémocratique ? Nous sommes «contre» !
*‘‘We have no eternal allies, and we have no perpetual enemies. Our interests are eternal and perpetual, and those interests it is our duty to follow.” Lord Palmerston speech, House of Commons, 1 March 1848
**“If it looks like a duck, swims like a duck and quacks like a duck, then it probably IS a duck !”
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