Publicité
Politique publique: saura-t-on faire mieux avec des ressources limitées ?
Par
Partager cet article
Politique publique: saura-t-on faire mieux avec des ressources limitées ?
Qu’on se le dise, le Budget en équilibre que nous avait servi le ministre des Finances le 4 juin 2020 n’était qu’un cache-misère. Un simple jeu d’écriture comptable. Dans les faits, le déficit budgétaire s’élevait à 11,8 % en 2019-2020. Un taux certes abyssal mais à la décharge du ministre des Finances, il faut reconnaître qu’il pouvait difficilement faire mieux. Face à une contraction d’environ Rs 20 milliards des recettes fiscales d’une année financière à l’autre, il a tant bien que mal empêché le vaisseau amiral de chavirer en se tournant vers la Banque de Maurice pour financer la politique fiscale à la faveur d’un transfert de Rs 60 milliards. Depuis, suite aux pressions exercées par le Fonds monétaire international (FMI), la Banque centrale a fait machine arrière en passant dans ses livres un montant de Rs 32 milliards, qui est rayé du Special Reserve Fund. Alors que le solde de Rs 28 milliards est traité comme une avance sur les bénéfices futurs distribuables au gouvernement.
Alors que le Grand argentier enclenche les dernières manœuvres en vue de la présentation du Budget 2021-2022, cette mise en contexte est nécessaire car elle révèle l’ampleur de la tâche qu’il aura à accomplir. Plus de faux-fuyant ! Cette fois-ci, Renganaden Padayachy ne pourra plus recourir à des techniques non conventionnelles comme leviers pour soutenir l’offre et la demande. Il devra prôner la transparence dans la politique budgétaire. Il lui faudra trouver le subtil équilibre entre la reprise économique et l’assainissement budgétaire. Il s’agira de faire plus avec moins, comme le rappelle le Senior Country Economist de la Banque mondiale, Erik von Uexküll, dans l’entretien qu’il accorde à Business Magazine cette semaine.
Plus facile à dire qu’à faire. Puisque les caisses de l’État sont désespérément vides. Les recettes fiscales pourraient chuter en dessous des Rs 90 milliards malgré les Rs 3,5 milliards que devrait rapporter le Solidarity Levy imposé sur les banques.
«Le Budget 2021-2022 sera l’occasion pour le ministre des Finances d’envoyer le bon signal»
Malgré tout, le ministre des Finances se dit déterminé à présenter un Budget audacieux, lequel aura un double objectif : relancer la machinerie économique et mettre en route une nouvelle génération de réformes pour reconstruire le pays sur des bases plus solides. Comment financera-t-il ce Budget aux allures de plan d’action maintenant que les portes de la Banque de Maurice sont closes ? Logiquement, il n’aura d’autre recours que d’émettre des instruments de dette ou d’emprunter auprès de pays amis. Du reste, la Banque de Maurice émettra jusqu’à fin juin des bons du Trésor arrivant à échéance jusque sur 20 ans pour lever pas moins de Rs 14,4 milliards. D’autres options peuvent être considérées comme l’émission d’eurobonds grâce auxquels l’État est en mesure d’emprunter sur le marché international à un coût compétitif. Ces opérations vont, bien évidemment, faire grimper le niveau de la dette publique au-delà des 100 %. À moyen terme, il faudra développer une stratégie pour qu’on se désendette à mesure que le pays retrouvera le chemin de la croissance.
Revenons au Budget et aux réformes annoncées. On sait que cette question divise. Dans le secteur privé, certains sont d’avis qu’une réforme doit faire l’objet d’un consensus et que dans la conjoncture actuelle, il est important de canaliser nos ressources et notre énergie vers des priorités de court terme. Sans compter que ce processus aura un coût économique. Il n’empêche que c’est une évidence qu’il est nécessaire de corriger certaines défaillances structurelles qui remontent à l’ère pré-pandémique. Énumérons-les : il faut restaurer la compétitivité du secteur d’exportation et du tourisme tout en ciblant de nouveaux marchés ; rehausser la performance de la fonction publique et des organismes paraétatiques ; débloquer les investissements privés dans les secteurs productifs (il y a une trop grande concentration des investissements étrangers dans l’immobilier) ; maintenir le cap d’une économie plus inclusive et durable ; résoudre la problématique de déséquilibre au niveau des compétences ; et une gestion plus transparente et responsable des finances publiques, notamment de la politique fiscale et de la dette.
Quelle que soit la stratégie du ministre des Finances, il est clair que plus que jamais, la responsabilité fiscale devra diriger sa politique publique. S’il parvient à faire baisser les dépenses des départements ministériels de 25 % comme il l’a annoncé, il aura réussi l’étape la plus importante de son pari. Durant la semaine écoulée, Renganaden Padayachy a rencontré ses collègues ministres dans le cadre du Policy Dialogue. On attend d’en voir les retombées lors de la lecture du Budget.
Quelle serait la bonne formule en matière de politique publique dans un contexte où il est primordial de créer les conditions pour redémarrer l’économie ? Au niveau de la Banque mondiale, l’on estime qu’il est nécessaire de rechercher systématiquement l’efficience dans l’administration des finances publiques et de planifier les perspectives budgétaires sur le moyen terme. Ainsi, il faudra dénouer progressivement les mesures de dépenses liées à la Covid-19 une fois que l’économie se sera redressée, mais aussi stopper la tendance à la hausse des dépenses courantes à plus long terme sans mettre en péril les priorités de développement social et économique.
Tout l’enjeu pour les pouvoirs publics sera donc de soutenir une reprise vigoureuse et de répondre aux défis structurels avec moins de ressources. D’où la nécessité de mettre l’accent sur l’efficacité du secteur public et d’améliorer la cohérence des politiques et de renforcer leur mise en œuvre, le tout soutenu par une collaboration plus étroite avec le secteur privé.
Clairement, le Budget 2021-2022 sera l’occasion pour le ministre des Finances d’envoyer le bon signal et d’instaurer une nouvelle culture fondée sur l’efficience et la transparence. On cite souvent Singapour comme modèle. Il est temps qu’on joigne les actes à la parole. C’est ainsi qu’on pourra sortir de l’œil du cyclone et sortir plus fort de la crise.
Publicité
Les plus récents