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En quête de citoyens-phares

27 mai 2021, 07:42

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Nous invitons, chaque jour, depuis hier, des citoyens mauriciens d’ici ou d’ailleurs à formuler une mesure-phare, une seule, dans le cadre du Budget 2021-2022, qui sera présenté le 11 juin. En raison de la conjoncture exceptionnelle, nous leur avons demandé de réfléchir au-delà des généralités d’ordre macro-économique ou financier (déficit budgétaire, balance des paiements, dette publique, etc.). L’idée est de faire remonter des pistes nouvelles. Et, partant, repenser nos modèles, économique et social.

Pour changer de cap, il est essentiel qu’on brasse large en termes d’idées et qu’on prenne d’abord appui sur ce qui nous unit. Du Kenya, où il est impliqué dans le secteur sucrier, notre compatriote Gérard Chasteau pousse pour qu’on fasse émerger une vraie culture de solidarité et de partage envers les plus démunis de notre système économique qui, en dépit de la progression ininterrompue du PIB (jusqu’à 2019-2020), n’a pas su tirer tout le monde vers le haut.

Si on veut changer d’orientation, on ne peut pas d’un coup de baguette magique stopper la machinerie économique (qui serait une forme de capitalisme néolibéral). Certes, il faut que l’État mène la danse, puisqu’il décide de tout chez nous. D’où cette importance démesurée qu’on accorde, la presse y compris, au discours du Budget par le ministre des Finances (alors que cela aurait dû être un simple exercice comptable dans le cadre d’un programme électoral).

Lors du Budget 2020-2021, après plus de deux mois de confinement, le pays avait repris la main sur le plan sanitaire. Le gouvernement croyait qu’il avait vaincu la pandémie. Pravind Jugnauth avait adopté le discours et la gestuelle de son mentor, Narendra Modi. Fort des réserves de la Banque de Maurice, le régime Jugnauth ne faisait pas grand cas de notre présence sur les listes grise et noire des instances internationales. En termes de stratégie et de réorientation, on n’a rien fait qui aurait pu donner un coup de fouet pour faire émerger une nouvelle économie postlockdown, innovante, plus résiliente.

Les dizaines de milliards de roupies accordées par la Banque centrale ont fini par nous coûter cher – non seulement en inflation ou en dépréciation de la roupie, mais en termes de crédibilité et de gifles de rappel des deux institutions de Bretton Woods. Après le FMI, la Banque mondiale, dans son jargon aseptisé, a asséné hier : «The precedent set by Central Bank transfers to the budget could affect the credibility of monetary policy and fiscal consolidation efforts (…)The legal amendment to the BoM Act that enabled this transfer has yet to be reversed.»

Notre tragédie locale, sous l’ère Padayachy-Seegolam, c’est que les Rs 60 Mds (Rs 33 Mds + Rs 27 Mds) ne proviennent pas des profits ou des économies de la Banque centrale. Comme auparavant. Et pour consolider les comptes du gouvernement, Rs 27 milliards ne pourront pas miraculeusement se transformer en revenus et resteront, donc, par le biais plus que troublant «d’avance sur les dividendes futurs», comme un emprunt. Qu’il faudra rembourser. À moins que les dividendes continuent à pleuvoir, grâce à la dévaluation de la roupie… Le bluff a été démasqué, l’équilibre rompu et la dure réalité est là : nous vivons à l’ère du plus grand déficit budgétaire dans l’histoire du pays, mais le gouvernement joue à l’autruche, afin de maintenir son train de vie princier, avec des corps parapublics aussi inutiles que budgétivores, qui font vivre les candidats battus et petits mignons du MSM et du ML, au détriment de l’intérêt général.

Pourtant, contexte oblige, on ne devrait plus foncer tête baissée dans la même voie. Un changement, profond, s’impose…

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Changer, c’est repousser les horizons, recréer l’espace. C’est ne plus réfléchir uniquement à partir de l’île Maurice, mais dans un contexte plus large et davantage écologique. Aujourd’hui le Dr Khalil Elahee, s’il était ministre des Finances, aurait misé sur sa mesure-phare qui s’articule autour de l’autonomie énergétique pour… Agalega. «De toute notre République, Agalega reçoit le taux le plus élevé d’irradiation solaire, soit 5,8 kWh/m2 . Il faut y ajouter un potentiel d’énergies propres à partir du vent, de la mer et des cocotiers. Cette culture procure de la biomasse mais aussi du biodiesel à partir de l’huile de coco», soutient le scientifique mauricien.

N’était-ce l’ambition militaire des Indiens, la proposition d’Elahee aurait pu s’inscrire dans une volonté de transition écologique, c.-à-d. un concept (nouveau pour nous, mais déjà en vigueur ailleurs) visant à créer un modèle économique et social susceptible de répondre aux enjeux écologiques de ce siècle. Ce concept intégrerait non seulement la notion de transition énergétique mais ambitionnerait à repenser nos façons de produire, de travailler et de vivre ensemble dans une vaste zone économique exclusive. Le Dr Elahee entend commencer à Agalega pour développer, sur tout le territoire mauricien, de nouveaux schémas énergétiques privilégiant les énergies renouvelables, afin de réduire notre dépendance sur les énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, charbon…)

Ce changement de cap vers une société nouvelle, écologique et sociale, par le biais de mesures-phares et concrètes, doit commencer dès à présent. Notre avenir et celui de nos enfants sont trop sacrés pour les laisser entre les seules mains de Pravind Jugnauth, de Renganaden Padayachy ou de Dev Manraj.

Les solutions pour mieux redistribuer les richesses, aller vers une croissance qualitative et sélective, économiser l’énergie et les ressources naturelles, déployer la fiscalité plus équitablement et plus efficacement, protéger la santé, remettre la finance à sa place, recentrer l’humain au milieu de tout, et approfondir et élargir la démocratie, existent déjà. C’est à nous de les mettre en avant. Pour cela, chacun doit œuvrer pour faire émerger ce nouveau modèle de développement en plaçant l’intérêt général avant celui des cliques, clans, patronymes et partis politiques. Aujourd’hui, il est clair que l’exigence écologique et sociale ne devrait plus s’accommoder de quelques amendements à la marge ou de compromis politiciens. En fait, pour mettre en œuvre un vrai changement de cap, il nous faut une nouvelle majorité politique, portée par des citoyens-phares…