Publicité

L’entre-deux

1 juin 2021, 07:42

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

L’entre-deux

Après la série de scandales politico-financiers, la crise sanitaire qui se prolonge, deux confinements, et une contraction de notre économie, vient l’heure de faire et de présenter les comptes. À moins de masquer la vérité des chiffres et la profondeur des trous, comme semble le craindre le leader de l’opposition, l’on devrait pouvoir mesurer l’étendue des dégâts économiques.

Nul besoin de chercher les indicateurs et autres courbes, de lire les rapports techniques, ou d’éplucher les statistiques du FMI/Banque mondiale, pratiquement tous les Mauriciens constatent, à travers leur porte-monnaie, que la situation est sérieuse, et que notre économie se trouve, au fond, dans une impasse.

Si le changement de cap, pour lequel ce journal fait pression, n’est pas opéré, le 11 juin par le Dr Renganaden Padayachy, et si le secteur privé ne retrouve pas «un dynamisme revigoré», le pire serait à craindre. On pourrait alors voir se développer, avant la fin de cette année, une chute certaine du niveau de vie et une certaine dégradation sociale/ sociétale, avec des licenciements massifs à venir, dont plusieurs émanant du secteur touristique, qui sera bientôt privé des roupies du contribuable mauricien.

Ce second Budget de Padayachy, qui, normalement, ne pourra plus s’appuyer sur la Banque centrale, devrait identifier ou encourager de nouveaux piliers productifs prioritaires, alors que ceux de l’économie traditionnelle s’affaissent (tourisme, zone franche manufacturière/ textile, services financiers, industrie sucrière/cannière, etc.). Notre ancien monde économique est aux urgences, et le nouveau-né n’a pas encore pointé le bout de son nez…

Durant cette période floue de l’entre-deux, l’investissement privé, de Maurice ou de l’étranger, ne viendra pas allègrement. D’autres pays, comme les Seychelles – qui ont mieux réussi la combinaison vaccination/ouverture des frontières/ relance économique, comme brillamment expliqué hier sur CNN par le président Wavel Ramkalawan (qui devrait peut-être, au nom de la solidarité régionale, former Pravind Jugnauth à s’exprimer sur les chaînes internationales de grande écoute, après son échec retentissant sur la BBC)…

Et en attendant une feuille de route post-2e vague, le gouvernement, après avoir promis monts et merveilles au secteur privé avec son MIC-mac financier, devrait éviter, dans certains milieux, de souffler le chaud et le froid et prendre les entrepreneurs mauriciens pour des boucs émissaires de la présente conjoncture. La démagogie n’a plus sa place. Le capital est de plus en plus mobile dans une économie mondialisée, et fiscalisée à degrés divers.

                                                                                     ***

De l’économie à la politique. Le problème numéro un de nos dirigeants politiques demeure celui du contrôle de l’opinion publique. Les politiciens veulent instrumentaliser ou manipuler l’information. Après avoir misé, en temps de campagne électorale, sur la télévision privée, une MBC indépendante, le régime, dès le premier gros scandale, en l’occurrence le Yerrigadoogate, s’est vite engouffré dans une voie contraire. Celle de l’autocratisation.

Ce changement de cap politique devrait nous ouvrir les yeux par rapport à ceux que «nous portons aux nues» (pour reprendre une expression d’Ananda Devi). Les nues, ici, signifient ceux que l’on place sur un piédestal et qu’on élève par rapport au reste des personnes sur le plan de la gouvernance. «En cherchant à punir autrui, l’on impose des limites tout aussi rigides et justes. Espérons que le cap de la tolérance et de la mémoire courte de l’électorat est franchi.»

Il nous faut, en fait, préparer des lendemains meilleurs en misant sur notre avenir commun qui dépendra beaucoup des liens entre notre développement et l’écologie eu égard aux vulnérabilités de notre île. Notre profil insulaire devrait aussi nous conforter dans nos choix pour retrouver notre souveraineté sur les Chagos – et ne pas la perdre, cette fois-ci, sur Agalega. Il est injuste de pénaliser les générations futures pour un mal commis antérieurement. S’il est vrai qu’on ne peut changer le passé, il est encore plus évident qu’une doctrine de rétribution aux dépens d’un innocent (comme l’agneau de monsieur de La Fontaine, il n’était «pas encore né») est insoutenable en logique comme en éthique.

Malheureusement, l’Homo sapiens n’est ni logique, ni éthique. L’Homo mauricianus d’aujourd’hui porte, lui, le fardeau des erreurs commises dans le passé par d’autres, morts depuis longtemps, mais toujours exploitables…