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Relancer l’économie par la consommation: le difficile pari de Padayachy
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Relancer l’économie par la consommation: le difficile pari de Padayachy
C’est le développement humain qui amène la prospérité économique. Un postulat qui semble avoir guidé le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, qui est convaincu que pour sortir de la profonde crise économique et sociale dans laquelle le pays est englué depuis voilà 15 mois, il faudra qu’on s’affranchisse du conservatisme économique et ne plus voir la dette comme un cygne noir, mais beaucoup plus comme un instrument qui permet de financer la relance de l’appareil productif. L’ancien chef économiste du Fonds monétaire international, Olivier Blanchard, qui était en première ligne quand la crise financière de 2007-2008 et, plus tard, la crise de la dette publique grecque ont éclaté est l’une de ses sources d’inspiration.
Cette crise sans précédent aussi violente que la Grande Dépression de 1929 à laquelle le monde fait face appelle à ce qu’on sorte des sentiers battus en ayant recours à des techniques non conventionnelles. Renganaden Padayachy l’a affirmé à plusieurs reprises. Et il reste cohérent dans son approche. Si pour le présent Budget, il n’est pas allé frapper à la porte de la Banque de Maurice pour financer la politique fiscale, il maintient qu’aussi longtemps qu’on n’aura pas gagné cette guerre contre la pandémie, il gardera toutes les options ouvertes, quitte à se tourner à nouveau vers les institutions multilatérales pour lever de la dette, justifiant cela par le fait que dans l’environnement monétaire actuel, il est possible d’emprunter à des taux aussi bas que 0,01 % et qu’un géant comme Singapour voit aujourd’hui son niveau de dette publique exploser à plus de 130 %. Clairement, laisse-t-il comprendre, la consolidation fiscale sera reléguée au second plan tant qu’on ne s’extirpera pas du cycle de la crise.
Mal articulé dans la forme selon les observateurs économiques, le Budget 2021-2022 prend d’abord le parti pris de privilégier une stratégie de relance par la croissance en adressant la problématique de la demande. Sur le plan de l’offre, une série de leviers sont actionnés : la réouverture complète des frontières d’ici octobre (une mesure hors-Budget qui, espère le Grand argentier, pourra hypothétiquement permettre au pays d’attirer jusqu’à 650 000 touristes lors de l’année financière 2021-2022) ; un programme d’investissements publics de Rs 65 milliards étalé sur trois ans ; la création de deux nouveaux piliers, soit l’énergie verte et le secteur pharmaceutique. Concernant l’ambitieux projet de fabrication de vaccins à Maurice (le même modèle que Cuba) et pour lequel le gouvernement va engager des capitaux de Rs 1 milliard, le ministre des Finances se dit convaincu qu’on avance dans la bonne direction et précise qu’un groupe sud-africain engagé dans le secteur des biotechnologies est disposé à investir environ 300 millions de dollars dans ce projet. Qui plus est, la Banque européenne d’investissement serait intéressée à être partie prenante de ce projet. Mais la question de transfert des brevets risque de poser problème, d’autant plus que nous sommes loin d’avoir le savoir-faire et les ressources humaines dans une telle filière qui nous qualifieraient pour devenir une base industrielle pour la production de vaccins.
«La Banque centrale a volé au secours du ministre des Finances en précisant que le montant de Rs 28 milliards sera amorti dans ses livres»
Analysons certaines mesures clés du Budget dont l’objectif est de s’attaquer au choc de la demande. D’abord, on relève l’injection de Rs 2 milliards dans le projet visant à rembourser à hauteur de 5 % ceux qui s’engagent dans la construction d’une maison avec un cash-back pouvant s’élever jusqu’à Rs 500 000. Dans le meilleur des scénarios, on peut espérer que des projets immobiliers jusqu’à un montant de Rs 40 milliards seront engagés. Encore une fois, dans l’éventualité du succès d’une telle initiative, il y aura une vraie relance dans le secteur de la construction, avec un effet multiplicateur sur l’économie. Parallèlement, l’État veut inciter les travailleurs indépendants à se lancer dans la construction de biens immobiliers. Pour obtenir un crédit immobilier jusqu’à un montant de 80 % de la valeur du coût de construction, ces derniers n’auront qu’à hypothéquer leurs terrains.
L’autre mesure – également hors du cadre budgétaire – visant à adresser la problématique de la demande est, bien évidemment, le paiement de l’augmentation salariale à quelque 61 000 fonctionnaires sous le Pay Research Bureau (PRB). Une recette utilisée par sir Anerood Jugnauth en 1987 pour stimuler la croissance. Mais, en ces temps de vaches maigres où l’emploi est précaire dans le secteur privé et où des milliers de salariés doivent se résoudre à accepter une baisse de leurs revenus en guise de solidarité, il est fort probable que le paiement du PRB soit accueilli avec des grincements de dents.
Sur la base que Maurice réussira sa sortie de crise et son exit sanitaire dans les meilleures conditions et que sa stratégie de relance tirée davantage par la demande que par l’offre fonctionnera, le ministre des Finances se montre très optimiste par rapport à ses prévisions. Il s’attend ainsi à une croissance de 9 % lors de l’exercice financier 2021-2022 et que le pays atteindra un PIB de Rs 499,8 milliards. Soit un niveau similaire à 2019. Pour les deux prochaines années fiscales, le Trésor public anticipe une croissance de 6 %, avec le PIB passant à Rs 550,5 milliards en 2022-2023 et Rs 606,3 milliards en 2023-2024. S’agissant de la dette publique calculée à 95 % du PIB, elle sera ramenée progressivement à 80 % en 2025 et 70 % en 2030. Selon Renganaden Padayachy, c’est la croissance future qui permettra de résorber la dette publique dans le temps.
Apportant de l’eau au moulin du débat sur la dette publique, l’ancien ministre des Finances, Xavier-Luc Duval, est monté au créneau en soutenant que les Rs 28 milliards que la Banque de Maurice a transférées au Trésor public sous forme d’avances devraient logiquement s’ajouter à la dette publique, la portant autour de 101 % du PIB. Cette question épineuse a été débattue à l’Assemblée nationale, lundi. Peu après, la Banque centrale a volé au secours du ministre des Finances en précisant que ce montant de Rs 28 milliards sera amorti dans ses livres et qu’il n’est pas considéré comme un prêt. Donc, cette transaction n’a aucune incidence sur la dette publique. Une explication qui ne satisfera sans doute pas les experts financiers.
Revenons à la croissance. Comme on l’a vu, elle devrait être tirée par la consommation. C’est sur cette assomption que le ministère des Finances semble se baser pour revoir ses estimations sur les recettes fiscales de Rs 82,9 milliards à Rs 110,1 milliards (+32,81 %) d’une année financière à l’autre. Rien que sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), il est prévu un gonflement des recettes de 40 % (Rs 39,5 milliards en 2022-2023 contre Rs 28 milliards en 2021-2022). Ces prévisions sont-elles réalistes ? Pour certains analystes, les techniciens du ministère des Finances ont certainement pris en compte deux éléments dans leur calcul : l’inflation (taux de 4 % en 2021-2022) et la dépréciation de la roupie (celle-ci a été de l’ordre de 15 % depuis l’éclatement de la crise).
Tout en insistant que l’avenir reste encore incertain, Renganaden Padayachy fait montre d’un grand optimisme quand il fait ses projections économiques. Est-il dans le vrai ? Toute la population l’espère. Pour reprendre Pierre Dinan, seul le temps dira si l’on pourra compléter la quadrature du cercle.
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