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Un ménage à trois : Covid, tourisme, vaccins

18 juillet 2021, 07:38

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La pandémie du Covid-19 ne se résume pas seulement au nombre d’infections, aux zones rouges, au nombre de cas recensés à l’hôpital, aux mortalités, aux «lockdowns» et à leur coût, aux gestes barrières, aux vaccins, à leur accessibilité et à leur efficacité.

On parle aussi maintenant des effets du Covid long : c’est-à-dire des séquelles qui vont suivre dans un certain nombre de cas chez des individus infectés puis apparemment «guéris», depuis, des symptômes les plus typiques du Covid-19.

L’enquête la plus extensive qui ait jamais été faite sur la question jusqu’ici, conduite par une équipe de la University College de Londres, vient d’être publiée par «The Lancet» et a étudié 3 762 patients dans 56 pays différents, révélant plus de 200 symptômes possibles affectant jusqu’à 10 organes distincts. Ces symptômes comprennent du «brouillard cérébral» (troubles de mémoire, difficultés à se concentrer, fatigue cérébrale…), des hallucinations, des tremblements incontrôlés et du tinnitus (bourdonnement des oreilles). On mentionne aussi des démangeaisons, du dysfonctionnement sexuel, des palpitations, des problèmes de vessie… Un tiers des symptômes ont perduré au-delà de six mois, une neuroscientiste de l’équipe en ressent encore des effets 16 mois plus tard, 22 % des patients de l’échantillon disaient ne plus pouvoir travailler immédiatement après et 45 % obtenaient un allègement de leurs tâches, du moins temporairement, au vu de leurs symptômes.

Ces chiffres sont inquiétants en eux-mêmes, mais rajoutés aux conditions sociales perturbées par le Covid-19 (restrictions sur les déplacements, à l’accès aux manifestations populaires, à l’école, aux voyages ou aux visites) et aux dislocations inévitables causées par des économies fermées ou perturbées, il est plus que probable que l’on finisse par produire une décoction plutôt explosive sur le plan social.

Il est vrai que les manifestations, violentes ou pas, n’ont pas attendu le coronavirus pour être déclenchées de par le monde. Les manifs ont toujours fait partie des recours possibles des citoyens pour exprimer leur insatisfaction et semblent avoir surtout été rendues possibles aussitôt que des agglomérations urbaines se sont mises en place. Mai 68 a, entre autres, été précédé par le soulèvement de Vindex en Gaule, en l’an 68 ! Mais on aurait tort de ne pas reconnaître la contribution du Covid et de ses perturbations aux manifestations sanglantes en Syrie, au Myanmar, au Liban, en Afrique du Sud, à Cuba, à Eswatini, aux États-Unis («Black lives matter» ou même la prise du Capitole) ou en Colombie, ces 15 derniers mois. Les manifestants sont souvent eux-mêmes en difficulté économique ou sans travail, parfois marginalisés par le pouvoir, tous vivant dans l’anxiété causée par le Covid et ces angoisses premières. Quand exacerbés par les contrecoups de la pandémie, ces personnes peuvent, dans de nombreux cas, être menées à exploser socialement.

Nos dirigeants auraient intérêt à en tirer les bonnes leçons. Le Covid fragilise. Rs 500 M de subventions, ça aide, mais ça ne suffira d’évidence pas.

L’exaspération et la contestation sont en évidence depuis quelque temps déjà dans le pays et les manifestations pacifiques monstres en sont des illustrations autrement plus tangibles que les débordements de bloggeurs sur le Net… Par ailleurs, il est difficile de postuler que la situation générale du pays s’est détendue depuis le «Wakashio», ce pétrolier échoué grâce à l’irresponsabilité criminelle des uns et des autres et détonateur de toutes les émotions quand la pollution du lagon à l’huile lourde a eu lieu, alors qu’elle était cataloguée par les «autorités» apparemment responsables du pays, comme un «risque minime» pendant 11 jours !

Au-delà du fait que l’État n’a plus les moyens financiers de retarder l’ouverture du ciel plus longtemps, il est clair que cette ouverture va aider à enlever des anxiétés économiques majeures dans le tourisme et le para-touristique, mais qu’en parallèle, l’anxiété du coronavirus va augmenter. On ferait bien, à cet effet, de prendre note que le nombre de cas identifiés dans le pays, y compris dans la communauté, grimpe inexorablement depuis bien avant l’ouverture partielle des frontières le 15 juillet, atteignant même plus de 100 cas ce jour-là ! L’élan est déjà là ! Le virus se répand…

De plus, il faut rapidement commencer à dédramatiser ces chiffres de cas de Covid. En effet, les vaccinations se poursuivent et le consensus semble être que s’ils n’éliminent ni les risques d’infection, ni les risques de transmission, ils les réduisent très sérieusement. Plus important encore : un individu vacciné a bien moins de chance d’être très malade, ses anticorps étant déjà au garde-à-vous et prêts à agir. Il y aura donc moins d’hospitalisations et moins de chance de mourir.

Il faudra vivre avec le Covid. Il faut une vigilance et une discipline de tous les instants, surtout si la version Delta du Covid, plus contagieuse, débarque chez nous. TOUS ceux qui enfreignent les règlements devront être punis, si l’on ne veut pas le chaos en échange. Il faut pousser le taux de vaccination bien au-delà de 75 % – si l’on souhaite postuler à quelque «immunité de troupeau». Il sera nécessaire de continuer à parler vrai mais à dédramatiser ce virus mortel qui n’est qu’une manière de mourir de plus… Potentiellement, s’entend.

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Une petite étude, fort bien faite de Bhavik Desai pour Axys, posait, puisque c’est dans l’actualité, la question de savoir si c’était plausible d’accueillir 650 000 touristes à l’horizon de juin 2022. La réponse, extrapolant du modèle vécu par les Maldives depuis décembre 2020, est que c’est (très) optimiste, mais faisable, la clé étant, bien sûr, la collaboration des lignes aériennes et la demande des Européens, de plus en plus vaccinés. À cet effet, Axys invite à noter que le marché des Maldives ne ressemble pas à celui de Maurice – son marché asiatique représentant trois fois celui de Maurice ; que les revenus par touriste des Maldives sont entre 45 et 50 % supérieurs aux nôtres et qu’Air Mauritius n’est plus central au transport des touristes européens vers Maurice – ne représentant plus que 20 % du total depuis 2015 et moins de 25 % du total depuis 2010 – sur une tendance baissière.

Desai pose aussi la question de savoir si “Mauritius (has) ever been a premium destination ?”, notant que si le revenu moyen dégagé par touriste à Maurice a été spectaculairement stable à 1 200 euros, sur les 15 ans à 2020, ceux des Maldives et des Seychelles ont globalement baissé, mais affichent une moyenne de 1 440 euros pour les Seychelles et 1 800 euros pour les Maldives. La question est légitime, mais on peut penser que nos chiffres inférieurs (comme le sont, proportionnellement, ceux des Seychelles,) reflètent une offre plus démocratisée de produits, qui porte les maisons d’hôte, les bungalows et l’Airbnb… En haut du panier, cela étonnerait vraiment si les prestations et les services mauriciens étaient inferieurs à ceux des Maldives. C’est la moyenne qui est plus basse chez nous. Par exemple, je n’ai trouvé qu’un seul Airbnb aux Maldives qui ne soit pas un appartement à Malé…

La clé des 650 000 touristes est de pouvoir, en moyenne, remplir entre trois et quatre vols par jour jusqu’au 30 septembre et entre six et huit à partir du 1er octobre prochain, la moyenne pré-pandémie ayant été de 15 vols par jour... Mais 650 000 touristes possibles ne justifieront en aucun cas le rapt de Statistics Mauritius par le ministère des Finances la semaine précédente… et cette étude ne pondère pas en fonction de nos marchés touristiques potentiellement difficiles : l’Afrique du Sud, l’Inde, La Réunion…

Notons finalement que la règlementation actuelle ne force pas un touriste à rester 14 jours à l’hôtel. C’est seulement le temps qu’il lui faut demeurer à l’hôtel, jusqu’au 30 septembre, pour pouvoir circuler dans l’île ensuite, après un PCR final négatif. Il peut, par contre, venir pour un séjour plus court et repartir étant toujours resté dans sa «bulle». Tant mieux !

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Le ministre du Tourisme a créé un petit frisson de positivisme, sur CNN cette semaine, en démontrant une certaine maîtrise de ce medium, ce qui charmait d’évidence, entre autres journalistes, celle qui le questionnait, Becky Anderson, peu commode même dans ses meilleurs jours. Elle a sans doute besoin de vacances !

Cependant, un aspect non touristique de cette intervention laisse pantois. En effet, un bandeau d’information déroulant sur CNN affichait que 7 % de notre PIB seraient investis dans l’industrie du vaccin et de la pharmacologie ! Ce chiffre de Rs 30 milliards n’est évidemment pas dans le Budget, ni celui-ci, ni celui de l’an dernier. Est-ce seulement l’investissement total «espéré» dans ce secteur ? Sur quelle période ? Pourquoi faire de la pub à CNN avec un chiffre que l’on n’ose même pas présenter localement ?

En attendant, le Rwanda a aligné l’aide de l’Union européenne pour éventuellement produire des vaccins (1). N’en avons-nous pas besoin ?

(1)https://eeas.europa.eu/delegations/ djibouti/101050/team-europe-and-rwanda-partner-roadvaccine-manufacturing_en