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Lettre ouverte à la ministre de l’éducation - HSC: Faudra-t-il punir les lauréats ?
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Lettre ouverte à la ministre de l’éducation - HSC: Faudra-t-il punir les lauréats ?
D’abord, je tiens à souligner que cette lettre est celle d’un parent. Elle n’engage aucunement l’institution où je suis professeur, l’association de parents d’élèves où je siège au sein de l’exécutif ou toute autre instance. Il s’agit d’une humble requête à agir afin de ne pas punir les lauréats du Higher School Certificate (HSC). Les résultats du HSC et la liste des lauréats seront connus le 17 septembre, si Dieu le veut. Cela signifie que les lauréats ne pourront en dépendre pour accéder à une prestigieuse université en Grande-Bretagne en 2021, comme cela a été souvent la récompense traditionnelle. Les portes d’autres universités de renom en Europe, ou ailleurs, leur seront aussi closes. Il leur faudra attendre une année pour voir les fruits de leurs efforts.
Mais s’ils ont les moyens financiers pour rechercher une place dans une université étrangère, ils pourront y accéder en 2021 même. La possibilité demeure que le gouvernement les rembourse plus tard puisqu’ils seront ultérieurement déclarés boursiers, après leur départ du pays dans certains cas. Ils seront ainsi comme ceux dont les résultats seront envoyés confidentiellement au plus tard le 27 août aux institutions tertiaires concernées.
Chaque année, la cuvée des lauréats démontre qu’il y a de nombreux enfants issus de familles pauvres, sinon de milieux ni riches, ni pauvres, mais qui sont incapables financièrement de payer des études supérieures à leurs enfants dans les meilleures universités du monde. Par exemple, les frais d’études à Cambridge et Oxford ont toujours été plus élevés. À Londres, il faut aussi compter sur un coût plus cher de la vie si quelqu’un est admis dans une institution réputée. Ses parents devront être riches ou devront s’endetter s’il ne veut pas perdre la place offerte. Sinon le lauréat devra attendre l’année suivante avec le risque de perdre sa place confirmée car de telles universités ne réserveront pas automatiquement leur place pour la prochaine promotion.
Que se passera-t-il si le gouvernement refuse de rembourser les frais d’études d’un étudiant proclamé lauréat après son admission dans une université de son choix ? Combien de parents pourront se permettre de soutenir leur enfant dans ses études, surtout avec la dépréciation de la roupie ? N’allons-nous pas vers un scénario où seuls les riches auront accès aux plus grandes universités, mais pas les plus brillants de nos enfants, qui ont depuis toujours pu dépendre des bourses de l’État, surtout lorsqu’ils sont de familles à revenu faible ou moyen ? Une solution radicale, selon certains, serait d’abolir le système des lauréats. D’abord, cela signifie pour beaucoup, pas tous, l’impossibilité d’étudier dans les meilleures universités du monde si leurs parents ne sont pas très aisés. Ceux qui pensent que la plupart des lauréats ne reviennent pas pour servir le pays, et ne méritent donc pas que le pays finance leurs études, ont une vision étriquée du monde.
Nos lauréats font honneur au pays, contrairement à certains que nous connaissons. Ils sont au service de l’humanité dans un village global. Tôt ou tard, nombreux reviennent et contribuent d’une manière ou une autre, ne serait-ce qu’en maintenant les liens avec la mère-patrie et leurs parents. Avec l’ère post-Covid, ce sont les dividendes que nous devons rechercher à récupérer en créant localement les conditions pour qu’ils puissent consolider notre reprise. Les lauréats ne sont que les fruits les plus en vue d’un arbre qui rapporte. En visibilité, ce sont les plus beaux, mais ils cachent des centaines d’autres fruits, parfois plus juteux, qui dans le même rapport feront l’avenir du pays. Il ne s’agit pas d’une élite dans le sens d’une bourgeoisie de privilégiés, mais bien des fruits de notre système éducatif. Comme il n’y aucun arbre fruitier sans racines, tronc, branches, feuilles et même épines parfois, il nous faut valoriser l’apport de tout ce qui est rapporté. Si les fruits sont parfois amers, il ne faut surtout pas blâmer l’arbre. Les lauréats font des jaloux aussi, mais personne ne jette une pierre sur un arbre qui ne rapporte pas.
Une autre solution serait de multiplier les possibilités alléchantes à Maurice même, afin que les jeunes ne songent plus à étudier à l’extérieur. Notre pays dit «paradisiaque» est un «hub» idéal pour les études universitaires d’étudiants étrangers si nous retrouvons notre statut de Co- vid-safe, sinon si nous contrôlons la pandémie. Il faudra consolider nos institutions tertiaires publiques mais aussi s’ouvrir à l’installation d’an- tennes d’universités de haut-calibre chez nous.
Une troisième solution ferait du Mauritius Examinations Syndicate une instance pleinement mandatée à prendre en charge intégralement les examens du secondaire à Maurice. Si pour le School Certificate (SC) cela ne poserait pas de problèmes car la correction se fait déjà localement, pour le HSC, il faudra trouver une entente avec Cambridge International Exams (CIE) ou une autre instance de ce type. Les économies seraient énormes et nous pourrions même ajuster le calendrier à nos besoins. Il est évident que nous devons tout faire pour retourner à la pratique d’examens en été, le plus tôt sera le mieux.
Même si pour une reconnaissance internationale et pour que la désignation des lauréats soient au-dessus de tout soupçon, nous voudrions garder CIE, ou son équivalent, comme référence pour le HSC, il faudrait exiger d’elle davantage d’aménagements pour le bien de nos enfants à l’avenir. À titre d’exemple, ses cursus ne sont pas adaptés au contexte mauricien. Par conséquent, des sujets comme l’arabe ou l’agriculture sont en voie d’extinction, si leurs programmes ne sont pas revus, y compris en amont au primaire et au secondaire. Cette dernière matière est cruciale pour notre autosuffisance alimentaire et notre développement. Même le cursus du français souffre d’une incohérence flagrante car il vise à permettre à l’élève «de communiquer à l’oral…» mais n’inclut rien comme évaluation. Pour l’arabe, c’est pire car c’est une langue qui n’est pas parlée, même jamais entendue à la MBC. Et que dire du niveau de l’anglais, oral et écrit, de l’esprit critique que propose le General Paper, de la connaissance de base des philosophies que tout apprenant doit découvrir ou encore de l’apprentissage des matières techniques ? La prise en compte de la réalité locale que ce soit en sociologie, littératures, sciences ou économie laisse à désirer. Nos examens du style CIE servent peu à la consolidation de notre nation, à faire de nos enfants des citoyens modernes et à promouvoir les valeurs qui nous sont précieuses.
Le recours à CIE peut être une cause de l’absence de consultation avec des parents de tous les horizons. En vérité, la pédagogie moderne exige leur implication, y compris dans l’élaboration des programmes d’études et des cursus, de la manière la plus appropriée. Les parents mauriciens donnent beaucoup, trop même, pour l’éducation de leurs enfants. Les sacrifices de ceux à faible revenu qui suent sang et eau méritent mieux que ce que vous proposez aux lauréats. Il ne faut pas les punir, surtout s’ils sont pauvres.
Un de vos prédécesseurs voulait user des fonds du Loto pour financer les études de nos lauréats. J’avais pris position dans une lettre ouverte à son intention en date du 25 novembre 2010. Le gouvernement d’alors se ravisa. Je remercie la personne qui transmit le message au plus haut niveau avec succès, quitte à recevoir la réponse favorable avec un juron de circonstance. La dignité de nos lauréats était sauve. Je termine en citant la conclusion de ladite lettre :
«Quant à la très légitime lutte contre la pauvreté, pour l’égalité des chances et pour la justice sociale, elle doit se livrer sur d’autres fronts qui sont porteurs de résultats directs et visibles. Traitons tous les lauréats avec le même respect. Et s’ils sont plus nombreux, tant mieux !»
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