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Ne pas faire fi des défis
Personne ne sait ce que se sont dit Navin Ramgoolam et Pravind Jugnauth l’autre soir, au haut-commissariat de l’Inde, et si les deux ne causent pas, on ne saura tout simplement pas. De toute manière, si les deux causent, on aura probablement deux versions différentes de cette même conversation, car l’humain est ainsi fait : chacun y retiendra ce qui lui convient, surtout ex post facto ; ayant rationalisé à l’essentiel qui lui sera opportun ou favorable. D’autant que ce sont, ne l’oublions pas, deux politiciens mouillés jusqu’à l’os par leur passé fortement imbibé de coups bas, d’invectives, de règlements de compte, de haine sincère. Qu’ils puissent encore avoir 15 minutes de conversation civilisée est tout à leur honneur ! On a même le droit d’espérer qu’ils collaborent, plutôt que de s’entredéchirer, sur quelques questions vitales pour l’avancement du pays, en ces temps de crise réelle, mais la seule manière crédible d’avoir un gouvernement d’unité nationale est de purger nos partis nationaux de leurs leaders et de leurs dossiers mutuellement accumulés.
Crédible, vous croyez ?
Et pourtant, Dieu sait s’il y a des problèmes à résoudre dans ce pays, surtout et avant tout sur le plan de l’économie !
Les premières indications relevées à partir des réservations faites pour les hôtels sont qu’il n’y aura pas 325 000 touristes avant décembre et qu’il y en aura même bien moins. A fortiori, il n’y aura donc pas 650 000 touristes avant juin 2022. La croissance de 9 % étonnerait donc plus que jamais. D’autant que si nous sommes inquiets des nouveaux cas de coronavirus chez nous, nos marchés pourvoyeurs sont, quant à eux, encore plus malades que nous. Vaccins ou pas !
Selon la classification du New York Times (*), la Grande-Bretagne affiche 45 nouveaux cas détectés par 100 000 habitants, ayant pourtant déjà vacciné 61 % de sa population avec deux doses (76 % à hier), ce qui en fait le 15e pays le plus infecté sur les 14 derniers jours. La France, avec 53 % de sa population doublement vaccinée, est 18e mondial avec 36 nouveaux cas/100 000 habitants. L’Afrique du Sud, vaccinée a seulement 7,2 % est à 21 cas/100 000 habitants et nous ne savons pas s’ils testent là-bas avec la même fréquence qu’en Europe. Nous faisons, heureusement, un contraste positif avec la plupart des destinations qui sont nos concurrentes directes, ce qui pourrait inciter des touristes particulièrement désespérés à venir goûter notre chatini d’ourit, à faire le saut… Ainsi, si Maurice, vaccinée à 46 % dans cette compilation, le New York Times annonce 14 cas/100 000 habitants, les Seychelles vaccinés à 70 % a toujours 69 cas/ 100 000 habitants, alors que les chiffres respectifs pour les Maldives sont de 56 % et 22 cas/100 000.
Il est vrai que nous n’accueillerons que les vaccinés dont le test PCR est négatif 5 jours avant, mais il y aura forcément des infiltrations non souhaitées, puisque les vaccinés restent quand même des vecteurs potentiels. Globalement, il est probable que la prédisposition à voyager sera, malheureusement, bien inférieure à 50 % du niveau des touristes de 2019. Mais heureusement, répétons-le, que la flambée relative de cas détectés localement surgit AVANT l’ouverture aux touristes le 1er octobre prochain ! Ça va aider à relativiser ! Et ça évitera une trop grande hystérie qui inciterait à se recroqueviller derrière un aéroport-bouclier !
De toute manière, nous n’avons plus le choix ! On ne peut plus reculer ! Jusqu’à tout récemment, on pouvait encore, à très grand frais, choisir de barricader le pays derrière un aéroport fermé, comme la Nouvelle-Zélande (qui peut se permettre de fermer le pays à l’apparition d’un seul cas !) ou Singapour (qui, vacciné à 73 %, fait 60 000 tests par jour, détectant seulement 29 cas endogènes le 19 août). Étendre le Wage Assistance Scheme (WAS) au-delà du 30 septembre relèverait de l’irresponsabilité, vu l’état des finances nationales. Il faudra donc apprendre à vivre avec le Covid, en demeurant très vigilant, en se faisant vacciner par devoir civique, en portant le masque, en évitant les foules et en espérant (priant ?) pour que le cash-flow généré par l’industrie touristique à partir du 1er octobre soit au moins supérieur à celui, combiné, du WAS et de la reconversion en hôtel de quarantaine. Sinon…
Une nouvelle pour inquiéter : un des pays les plus vaccinés au monde, Israël, rapporte une baisse importante d’immunité, environ 8 mois après le dernier vaccin, surtout chez les vieux et les immuno-compromis. Des 514 cas hospitalisés au 15 août, par exemple, 59 % étaient vaccinés, au Pfizer principalement, et 87 % avaient 60 ans +. Ainsi la logique du «booster shot». Une nouvelle pour rassurer : deux études cette semaine, une américaine, une britannique, tout en confirmant le fait que le variant Delta infecte les individus plus facilement que d’autres variants, que l’on soit vacciné à l’AstraZeneca ou au Pfizer, souligne que ces vaccins maintiennent par contre leur efficacité contre le développement grave de la maladie, de l’hospitalisation et de la mort. On n’a, d’évidence, pas fini d’en voir et d’en apprendre avec ce virus…
L’autre menace des prochains mois, ce sera au niveau des prix et de l’inflation. Selon les chiffres d’Index Mundi (**), le prix de nombreuses commodités sur le marché mondial a baissé sur le dernier mois. On y trouve, par exemple, le maïs (-4,4 %), le riz (-5,5 %), le blé (-14,2 %), le saumon (-11,9 %), l’huile de palme (-12 %), l’huile de soja (-8,6 %), l’huile de tournesol (-17,9 %). Début de tendance ou tassement temporaire ?
Mais, aussi bienvenu que sont ces indicateurs, ce n’est qu’une partie de la vérité et ces mêmes commodités ont accumulé, sur les 12 derniers mois, des augmentations de 97,2 % pour le maïs, de 40,7 % pour le blé, de 4.4 % pour le saumon, de 55 % pour l’huile de palme, de 88 % pour l’huile de soja qu’il faut rajouter aux 11,4 % pour la viande de bœuf, les 51,6 % du poulet, les 150 % du porc, les 58 % de l’huile d’olive. Par contre, le riz et l’huile de tournesol baissaient de 10,4 % et de 6,6 % sur 12 mois . De plus, sur le plan non alimentaire, et sur les 12 derniers mois, le diesel a augmenté de 89 %, le coton de 40 %, le bois scié de 12 %, l’aluminium de 56 %, le superphosphate de 129 %, l’urée de 95 %, le minerai de fer de 108 %. À donner le tournis ! Et ce, en dollars, plutôt qu’en roupies chancelantes et avant d’ajouter le fret… Comment le gouvernement compte s’y prendre avec de tels chiffres qui vont doper l’inflation et qui ne sont clairement pas de sa faute, nous verrons bien au cours des semaines à venir ! Cependant, le gouvernement aura quand même à s’expliquer pour sa part de responsabilité dans l’érosion de la roupie et, en partie du moins, dans l’aggravation des taux de fret…
Les autres défis à relever n’ont pas disparus, même s’ils auront un impact étalé dans le temps. On sait qu’Air Mauritius était sérieusement affectée financièrement avant la pandémie, par exemple. Elle saigne toujours abondamment depuis, malgré des économies annoncées de Rs 1,75 milliard par an. Les frontières vont s’ouvrir le 1er octobre, mais personne ne connaît, à l’exception de quelques bribes d’informations exfiltrées dans la presse, la stratégie mise en place pour MK, ce que cela va coûter, ce que cela va rapporter… Cependant, les chiffres seront énormes et le prochain watershed meeting est pour… janvier 2022.
De plus, le gouvernement voit, pour le moment, la CSG comme un financement de son budget pour 7,8 milliards par an, puisque dans son système de «pay as you go» il n’y a… rien à payer jusqu’en 2023, moment à partir duquel le trésor (?) public déboursera Rs 4 500 au 65 ans + au coût budgétaire additionnel d’environ Rs 6 milliards par an (atteignant Rs 37,5 milliards pour l’enveloppe totale de pension universelle) ! La situation devrait s’aggraver au-delà de 2023 avec une population qui refusera évidemment de rajeunir…
Ça en fait des défis pour le pays ! Et comment, croyez-vous, que l’on va trouver des solutions ? En jouant l’opacité et en achetant par contre un réseau d’information pour faire de la bonne comm., vous pensez ?
(*) https://www.nytimes.com/news-event/coronavirus
(**) https://www.indexmundi.com/commodities/
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