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Il était une fois le travail
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Il était une fois le travail
Depuis que l’on ne se serre plus les mains, mais qu’on se donne des coups de poing ou de coude civilisés, ou encore depuis qu’on remet le namasté au goût du jour, depuis que l’on ne prend plus l’avion pour chasser le spleen et voir des ailleurs lointains ou embrasser ses enfants, l’on se rend compte que le Covid-19, son impact et ses variants chamboulent quasiment tous les codes et repères du vivre-ensemble. Le débat sur le voile n’a plus sa raison d’être. Nous circulons tous masqués.
En attendant des lendemains moins masqués, un nouveau mode du travail et de nouveaux modèles économiques «postpandémie» peinent à se mettre en place car personne ne peut vraiment prédire l’issue ou l’ampleur de la crise sanitaire. Mais certains entrevoient déjà des lueurs, pas forcément d’espoir, au bout du tunnel. À l’instar de cet article de Vox, cette semaine, qui parle de la nature évolutive du travail comme si cela relevait d’un passé révolu : “Once upon a time, there were good jobs. These jobs paid people enough money to live on, even enough to support a family. They provided health insurance so people could go to a doctor if they got sick. They even came with pensions so that once you’d worked for a certain number of years, you could actually stop working. You could rest…”
Le pessimisme réaliste est ambiant. La donne a certes changé, et avec le télétravail qui devient pérenne et les pertes d’emploi dans certains secteurs, dont ceux de l’hôtel- lerie, des usines de la zone franche et de la presse, les entreprises et leurs ressources humaines doivent se réinventer en fonc- tion de la mutation de leur environnement stratégique – et le gros des salariés doivent s’adapter s’ils veulent maîtriser leur carrière et éviter de devenir obsolètes.
Si, par exemple, on entend souvent les mêmes parler du secteur touristique, de son poids dans l’économie, de la stratégie marketing de Maurice pour une reprise rapide, il ne faut pas pour autant ignorer d’autres perspectives, celles des petites gens, entre autres.
L’optimisme de ceux qui parlent contraste avec ceux qui ne communiquent pas, car trop pris dans l’engrenage de la dette pour discourir. Ceux qui souffrent en silence ne peuvent pas avoir accès aux fonds de la MIC. Ils ne sont pas “systémiques”, étant en dehors du système. Avec plus de 70 milliards d’endettement et une profitabilité qui dépend d’un taux d’occupation de 75 %, nombre d’hôtels n’auront d’autre choix que de licencier si les touristes ne reviennent pas, en masse, comme avant. Même avec 650 000 touristes, ils sont nombreux les hôtels qui n’arriveront pas à break even. Bien des schémas traditionnels de l’industrie touristique seront balayés et le tourisme, dans une large mesure, sera appelé à se réinventer. Sa résilience et sa capacité à muter doivent être aussi grandes que celles du petit virus invisible…
***
Ramesh vient de garer son taxi à une dizaine de mètres du marché dans un village du Sud. Il ouvre le coffre de sa voiture pour montrer quelques pains ‘maison’ au fond d’une tente et deux conteneurs en plastique, l’un bleu et l’autre fuchsia. «Mo ena vinday poison ek achar légim.» Je veux bien goûter à son pain achard contre Rs 30. Il ne jette plus un regard pour voir s’il y a des policiers. «Aster tou dimounn trase aster. Pena pu gagn per ni onte…»
Sa fille est rentrée de France il y a quelque temps. Elle a dû interrompre ses études. Elle voulait devenir sociologue. Depuis la fermeture de l’hôtel où il était basé, Ramesh ne peut plus subvenir à ses besoins en euros. Il est devenu marchand de pains. Cela lui permet de payer l’emprunt pour sa voiture (qui est sans jeu de mots son gagne-pain) et partant, nourrir sa famille. Sa fille a abandonné la socio- logie et met la main à la pâte en aidant sa mère à faire achard et vindaye…
Petit à petit, nombre d’entre nous devrons nous réajuster comme Ramesh, pas forcément en vendant des pains fourrés, mais en acceptant de faire autre chose que ce qu’on a pris l’habitude de faire. D’ailleurs parmi les commentaires sur mon papier d’hier dans l’express-samedi (Du surtourisme à un monde sans touristes), cette remarque pertinente d’un lecteur : «Il fallait bien dire que l’ouverture des frontières et la tant attendue reprise risquent d’être des désillusions bien réelles si les conditions ne sont pas réunies…»
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