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Goutte à goutte v. Big Data
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Goutte à goutte v. Big Data
Encore 21 jours avant que les frontières ne s’ouvrent complètement. Cette perspective aurait dû nous réjouir, vu l’état d’asphyxie de notre économie insulaire. Au contraire, elle fait frémir ; elle augmente la peur et le doute distillés au sein du public par rapport à la tendance haussière du Covid-19 et de ses variants méconnus.
Nous avons recoupé et rassemblé les chiffres que le ministère de la Santé communique, depuis plusieurs semaines déjà, de manière éparse et économe – nous sommes désormais loin du show télévisé de chaque soir (avec le trio Jagutpal-Joomaye-Gaud, encadré du désormais célèbre Dr Vasantrao Gujadhur), où chaque décès annoncé était vécu comme un drame national. On peut comprendre (même si on n’approuve pas) la volonté manifeste des autorités d’orienter l’opinion en donnant l’impression que la situation sanitaire est sous contrôle, que la vaccination est un succès, que les protocoles sont bien huilés; bref que nous sommes, à défaut d’être Covid-free, une «relatively Covid-safe destination».
Sauf que ce n’est pas le cas – et les chiffres quand ils sont mis en contexte racontent une autre réalité. Jusqu’ici, personne au gouvernement n’a pu réfuter le classement de RoyLab Stats ou les chiffres de Worldometer – qui démontrent que Maurice est dans le peloton de tête des pays en ce qui concerne la Covid-19 Case Growth. Avec une croissance de contamination de 4,64 % par rapport aux Covid Data disponibles de par le monde, nous nous retrouvons en première position devant le Bénin (3,64 %) et le Vietnam (3,05 %). Ce classement international a provoqué une bien mauvaise surprise ici comme ailleurs. Car l’information relative au taux de positivité (qui mesure le pourcentage de cas positifs par rapport au nombre de tests) n’est pas publiée. Nous ne savons pas non plus le nombre de vaccinés qui ont été testés positifs, ni le nombre de tests PCR qui ont été effectués.
Malgré une communication en mode goutte à goutte, le tableau s’assombrit de jour en jour, même si on préfère regarder ailleurs. Vous vous rendez compte : nous avons enregistré pas moins de 21 décès en 7 jours, dont trois mercredi dernier. La flambée de cas au quotidien a de quoi interpeller. Le 10 juillet 2021, nous étions à 1 493 cas actifs et deux mois plus tard, nous sommes à 11 818 cas. Pourquoi une telle hausse et quelles en sont les causes ? Subissons-nous une troisième vague qui ne dit pas son nom pour des raisons de marketing touristique ? Personne ne peut le dire dans les rangs du pouvoir. Alors les réponses restent floues pour l’heure, surtout par rapport aux variants Delta et C. 1. 2. qui sont apparemment contenus en quarantaine à Maurice et qui ne sont pas encore dans la communauté. En attendant, nous apprenons encore à maîtriser le séquençage, et on dépend en grande partie de l’Afrique du Sud pour surveiller les variants.
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À l’ère du Big Data, l’info goutte à goutte à la sauce du trio Jagutpal-Joomaye et Gaud, au lieu de nous protéger, joue davantage contre nous. En tentant de peindre Maurice en rose, au lieu de jouer la carte de la transparence et de nous montrer les graphiques de la contamination, nous allons braquer les projecteurs sur nous pour de mauvaises raisons.
Les agences de presse internationale, qui ont une vision globale du monde, ne comprennent pas comment nos cimetières sont remplis, et pourquoi l’ancien Premier ministre a dû subir une évacuation sanitaire vers l’Inde ? «Avez-vous une pénurie de lits ou d’équipements à Maurice ? Est-ce vrai que le leader de l’opposition a dû remuer ciel et terre pour pouvoir trouver un respirateur pour l’un de ses amis», nous demande-t-on de plus en plus. Ces questions deviendront encore plus pressantes à mesure que le compte à rebours pour ouvrir les frontières tourne. Le sablier capture le temps, mais pas les esprits…
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