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Les millions et les milliards… ….du climat et du PRB

17 octobre 2021, 09:08

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Les millions et les milliards… ….du climat et du PRB

Un communiqué en date du 11 octobre 2021 publié par le ministère de l’Environnement indique que notre pays vient de compléter, en amont du rendez-vous de Glasgow, une actualisation de son Nationally Determined Contribution (NDC), avec l’aide de l’UNDP et de l’AFD. Il aura fallu 75 réunions pour compléter ce travail en septembre et celui-ci est désormais disponible sur https://environment.govmu.org

Ce NDC affiche des ambitions plus fortes pour la réduction des gaz à effet de serre de 40 % jusqu’en 2030, une élimination totale de l’usage du charbon et une expansion de la part d’énergie renouvelable de 40 % à 60 %, à la même échéance. Sacrés défis, convenons-en, comme nous n’en sommes qu’à 22 % de renouvelable à ce stade et qu’il ne reste que 8 ans et demi devant nous, l’objectif de 60 % de renouvelable ayant déjà été rendu public au paragraphe 96 du dernier discours du Budget ! 

Ce document est sûrement requis pour soutenir les demandes de financement auprès de la ‘communauté internationale’ à Glasgow ? En effet, les programmes identifiés s’ajoutent à 6,5 milliards de dollars qui seront financés à hauteur de 35 % localement (gouvernement et secteur privé, on ne sait dans quelle proportion pour le moment) et à hauteur de 65 % par des sources internationales (on ne sait pas encore à quelles conditions, bien évidemment). Ce communiqué, dans une tentative évidente de se mettre au niveau des citoyens mauriciens, en traduisant ces besoins en roupies, s’emmêle malheureusement les pinceaux, les millions et les milliards et traduit 6,5 milliards de dollars en équivalent de… Rs 279 314 100. 279 millions de roupies ! Si seulement ! Il s’agira malheureusement de milliards et il faudra trouver 97,6 de ceux-là localement… Plus encore si la roupie glisse. 

Le NDC nous rappelle que des 7 000 ktCO2eqv que nous produisons, 62 % émanent de notre production d’énergie, suivis des 22 % produits par le transport et des 9 % venant des déchets. Parmi les décisions prises jusqu’ici, citons la multiplication par dix (à 40 MW) de la capacité de stockage des batteries requises pour lisser les productions intermittentes d’énergie (solaires et éoliennes) ; la construction de 10 sousstations GIS pour mieux gérer l’énergie renouvelable ; une ferme solaire de 10MW à Tamarind Falls (il pleut moins là-bas ?) ; un RFP pour une centrale éolienne de 40MW ; la fin du monopole de la production d’énergie électrique par le CEB ; le financement de diverses initiatives privées de production d’électricité ; la réduction, de 70 %, des détritus canalisés vers les landfills en faisant du biogaz – du waste-to-energy – ; la plantation ‘massive’ de forêts et de mangroves ; la fin des subsides et des incitations à l’importation des bus diesels ; une action forte contre les HFC ; un soutien accéléré aux voitures électriques ; et la rémunération de la biomasse au taux de Rs 3,50 le KWh (encore que le budget parle de bagasse, mais pas d’Arundo Donax – communément appelé fatak). 

Sacré programme ! 

On ne peut que souhaiter pleine réussite à ce genre de projet, y compris mondialement, en espérant que les peuples du monde bannissent, en passant, leur course aux armements pour tenter de financer les NDC ? Ça économiserait 2 trillion de dollars par an et l’économie verte résorberait au moins une bonne partie de ceux qui travaillent dans l’industrie des armements ? On a le droit de rêver ! D’autant que tous les efforts de l’humanité pour réduire les émissions de gaz à effet de serre n’empêcheront pas, selon toute vraisemblance, la planète de se réchauffer par au moins 1,5 °C, sinon 2 °C ou plus, même si tous les NDC du globe se concrétisent, ce qui est déjà improbable ! 

Pourquoi ? Mais c’est bien simple : comme nous le rappelle le Dr Keith de Harvard ⁽¹⁾, le réchauffement de la planète est proportionnel, non pas aux émissions annuelles (que nous espérons réduire avec les NDC), mais aux émissions déjà accumulées sur la période industrielle… et auxquelles on en rajoute toujours, Covid-19 ou pas (+4,8 % en 2021)! 

Si nous éliminons les émissions jusqu’en 2050, c-à-d., que l’on atteint alors le net-zéro, les températures moyennes cesseront de progresser, mais la planète sera alors bien plus chaude et ne refroidira qu’au bout de milliers d’années de lente dissipation des gaz à effets de serre. Les tempêtes, les inondations, les feux de brousse, les vagues de chaleur, la fonte des glaces et la montée des eaux vont continuer entre-temps, SAUF si l’on s’occupe sérieusement, en même temps, soit d’enlever du carbone de l’atmosphère, soit encore de faire de la géo-ingénierie solaire, c-à-d., d’ensemencer les nuages et l’atmosphère pour empêcher que la planète ne capture et ne retienne autant de chaleur qu’actuellement. La technologie pour capturer le carbone atmosphérique et le stocker sous terre existe, mais une opération du genre sur un kilomètre carré ne peut enlever qu’un million de tonnes de carbone atmosphérique par an. Enlever les quelques centaines de milliards de tonnes pouvant réduire la température par un degré, requiert tellement d’énergie, de ciment, de fer de construction pour ces unités de capture, que c’est l’équivalent de ce qui est englouti par l’activité minière mondiale actuelle ! On peut aussi enlever du carbone de l’atmosphère biologiquement en plantant des arbres, mais il faudrait que ce soit à une échelle équivalente à l’agriculture ou la forêt planétaire actuelles, ce qui fait dire au Dr Keith que cela n’est possible qu’au prix d’énormes ruptures aux écosystèmes actuels et/ou avec un effet massif sur les populations qui en dépendent et qui augmentent encore ! De plus, enlever du carbone, industriellement ou biologiquement, a très peu de résultat au départ et demande cumulativement du temps pour impacter alors que la géo-ingénierie, une initiative qui n’est pas sans risques, même si peu de recherche a été jusqu’ici effectuée, a un impact presque immédiat…⁽²⁾ 

Moins de 2 millions de tonnes de soufre par an, injectées dans la stratosphère par environ une centaine d’avions à haute altitude réfléchiraient assez d’énergie solaire pour produire un degré en moins. La procédure peut paraître un peu désespérée, mais 2 millions de tonnes de soufre retombant sur terre après deux ans, c’est à peu près 1/20e de la pollution au soufre produite actuellement par les hydrocarbures. Nous avons malheureusement tellement foiré les écosystèmes avec notre démographie galopante, notre fixation sur la croissance et la pollution qui va avec, qu’il n’y a plus que le choix «de la moins mauvaise solution» ! À ce titre, le Dr Keith souligne aussi que la couche d’ozone protectrice pourrait être touchée, ce qui demandera de la surveillance, mais que les mortalités découlant de la pollution de l’atmosphère seront compensées par moins de mortalités dues aux vagues de chaleur, par un facteur de 10 à 100. Notons l’imprécision, en l’absence de recherches plus approfondies… 

Et c’est là où l’on confronte l’humanité dans toute sa stupide complexité ! On est contre le vaccin anti-Covid, mais on ingurgite libéralement des pilules ou de l’alcool qui ont leurs risques aussi. La géo-ingénierie, prometteuse, n’a pas de budget et ne vaut même plus une mention dans le rapport de l’IPCC. Vous voulez savoir pourquoi ? Parce que l’on craint que l’existence de cette technologie ne soit exploitée par les lobbys pour ne rien changer à nos pratiques actuelles ! Pourquoi, en effet, réduire les émissions ou éliminer les hydrocarbures, si un peu de soufre peut faire l’affaire, diraient-ils ? De plus, refroidir la planète serait plus à l’avantage des régions chaudes et pauvres… une année qui est plus chaude par un degré, réduisant le taux de croissance de l’Inde par 17 %, par exemple, alors qu’il l’augmenterait par 22 % pour la Suède ⁽³⁾. 

Notre pays a ajouté le PRB (Rs 6,5 milliards au départ, puis Rs 4,3 milliards annuellement) «sans emprunter» nous assure le PM, au financement d’Air Mauritius (Rs 12 milliards), de Safe City (Rs 18 milliards), au paiement de la compensation à Betamax (Rs 5,7 milliards), à Côte-d’Or (Rs 5 milliards), aux Rs 12 milliards pour les logements sociaux, aux Rs 11,7 milliards de drains et aux Rs 37,5 milliards que nous coûteront la pension de vieillesse et la CSG pour les plus de 65 ans, à partir de 2023. Le message, c’est quoi ? Que tout est normal ? Que les milliards c’est comme les millions ? Que l’endettement national qui passe à 100 % du PIB (de 60,7% en 2014) ne doit pas nous troubler ? 

Ni comme le réchauffement de la planète d’ailleurs. Car c’est aujourd’hui que l’on vit et que l’on mange. Pas quand Greta Thunberg aura notre âge… ! Sapiens, vraiment ?

 

(1) https://www.belfercenter.org/publication/whats-least-bad-way-cool-planet
(2) https://www.nationalacademies.org/news/2021/03/new-report-says-u-s-should-cautiously-pursue-solar-geoengineering-research-to-better-understand-options-for-responding-to-climate-change-risks
(3) Nature, 21 Octobre 2015: Global non-linear effect of temperature on economic production. Burke, Hsiang & Miguel