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Liste grise: zot mem meté, zot mem tiré !

23 octobre 2021, 17:45

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Liste grise: zot mem meté, zot mem tiré !

…ek zot mem tap la mé !! Certes, il y a de quoi s’auto-congratuler. La sortie de Maurice de la liste grise du Groupe d’action financière s’avère une bonne nouvelle — probablement la meilleure nouvelle de 2021 —pour le pays en général et l’économie en particulier. Ce développement positif, qui a de nombreux pères et mères, est sans aucun doute le travail combiné de plusieurs : autorités locales et internationales, opérateurs, lanceurs d’alerte, journalistes et opposition. Une seule note ne produit pas une musique. Chacun a joué sa partition et la symphonie a résonné. Et le gendarme mondial de la lutte contre le blanchiment d’argent n’a eu d’autre choix que de reconnaître les efforts de Maurice (et du Bostwana).

Cependant, gardons-nous de tomber dans l’euphorie. Pourquoi sommes-nous rentrés sur cette liste infâme en février 2020 pour commencer ?

Même si la sanction du GAFI ou celle de l’Union européenne peut nous paraître injuste, il ne faut pas qu’on minimise les leçons à tirer de notre passage sur la liste grise de février 2020 à ce jour. Au lieu de crier victoire, nos institutions, comme l’ICAC et la FSC, devraient surtout faire leur introspection afin d’optimiser leurs capacités d’enquête, tout en oeuvrant pour améliorer continuellement la coopération entre agences locales et internationales. La formule d’un Core Group, sous le tandem Dev Manraj-Harvesh Seegolam, se focalisant sur le blanchiment des capitaux et la lutte contre le financement du terrorisme devrait se pérenniser et s’ouvrir au privé et à la société civile. Le travail n’est pas fini. La veille doit être permanente. L’opposition, par la voix d’Arvin Boolell, a raison de rappeler les épisodes Sobrinho, Bastos, Shetty et Agliotti. De telles VIP ne doivent plus avoir droit au tapis rouge !

Sur le plan de la communication, reste à souhaiter que le gouvernement a, enfin, compris que l’information publique, davantage que la communication institutionnelle, demeure un élément-clé pour remonter la pente et, partant, changer la mauvaise perception dont nous faisions l’objet. Au lieu de toujours tirer sur le messager, il y a surtout lieu de se focaliser sur le message essentiel.

Certes, les «leaks» ne démontrent pas des pratiques illégales, mais ils jettent un éclairage sur le modus operandi traditionnel – et légal – de certaines Management Companies mauriciennes, dont les agissements peuvent entacher tout un secteur. Rama Sithanen, qui conseille le gouvernement du Rwanda sur les services financiers, a, sans doute, raison d’insister qu’il y a quatre aspects à considérer sur la réputation de notre offshore : 1) «What we think we are?» (Government, EDB); 2) «What they think we are?» (Perceptions des pays concurrents et de la presse internationale); 3) «What we really are?» (Are there some rotten fruits in the basket? Should we do some ‘soul searching’?); 4) «What they want us to become?» (FATF, Directives de l’Union européenne, OCDE).

Entre les réalités plurielles et les perceptions, tout n’est ni tout à fait blanc ou tout noir dans le monde, il y a beaucoup de zones grises. Jouer à l’autruche ou se prévaloir d’une logique strictement insulaire (comme on l’avait fait avant) n’est plus possible dans un monde interconnecté, où la transparence et les lanceurs d’alerte vont occuper de plus en plus l’espace public. On l’a souvent dit ici même : le monde post-Lockdown n’est pas un jardin d’enfants. Le manque d’efficacité et d’indépendance de nos institutions va impacter négativement notre image au lieu de protéger notre secteur offshore qui emploie directement 15 000 personnes (et probablement le double, indirectement). Peupler nos institutions de petits copains et copines ne va pas aider notre cause commune, n’est-ce pas Navin Beekarry ?

Terminons sur une note cynique. Le monde n’est pas juste et ne le sera sans doute jamais.Maurice, petit pays qui a nargué les États-Unis et la Grande-Bretagne autour de la question chagossienne à l’ONU, a-t-il aussi payé le prix fort alors qu’on n’a fait que reproduire ce que les pays riches pratiquent pendant des années à travers des territoires associés – par exemple les Barbades, les îles Cayman, l’Isle of Man, Hong Kong, Monaco, le Liechtenstein (utile à la France), parfois même des États à l’intérieur d’un pays (Delaware ou Dakota du Sud, pour les USA) ? Tant mieux si cela a augmenté notre résilience, mais restons vigilants quand même…

Personne ne nous fera de cadeaux !