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COP26 : Maurice à contre-courant ?
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COP26 : Maurice à contre-courant ?
Tandis que nos députés et ministres vont bientôt voir leur salaire augmenter grâce au PRB, comment ne pas s’offusquer de leur faible productivité ? Pour la session parlementaire du 23 mars – 3 août 2021, et après trois mois de vacances – alors même que la population anxieuse est en quête de transparence, notamment sur le nombre de cas positifs, la dangerosité du variant Delta et la nébuleuse troisième dose – un tiers des questions (soit 194 sur 593) demeurent sans réponse. Cette irresponsabilité est contraire aux Standing Orders (si chers aux super démocrates Obeegadoo et Ganoo), qui requièrent que des réponses écrites soient déposées dans les plus brefs délais si les réponses n’ont pu être fournies verbalement… faute de temps ! En tête du classement de ceux qui ne font pas leur homework, pour lequel ils sont grassement payés, figure le Leader of the House et Premier ministre luimême, avec pas moins de 83 questions qui restent en souffrance. Loin derrière, suivent Renganaden Padayachy (29 questions sans réponse), Maneesh Gobin (13), Kailesh Jagutpal (11), Bobby Hurreeram (10), Alan Ganoo (10)…
L’opposition, malgré l’apparence d’une «entente», avance encore en rangs dispersés depuis la brouille sur le poste de Premier ministre. Il y a trop de leaders qui tirent chacun dans une direction pour faire mouche. Si le MSM se félicite que l’ancien rouge-mauve-bleu Salim Abbas Mamode et la mauve Gayatree Dayal viennent croquer dans l’orange, il semble ménager quelque peu le Parti travailliste, histoire, sûrement, de semer encore plus la zizanie dans le camp adverse. Et ce, alors que la question qui fâche revient sur le tapis : Arvin Boolell devrait-il récupérer sa place dans l’hémicycle et son poste de leader de l’opposition face à un Xavier Duval fragilisé, avec un député-transfuge en moins ? Si XLD n’arrive pas à convaincre son ami Navin Ramgoolam qu’il faut tourner la page sur le récent passé et coordonner la stratégie parlementaire de l’opposition, le gouvernement, fort de la dictature du nombre, ne fera qu’une bouchée d’elle. D’autant que la majorité va se réfugier derrière le Speaker-bully qui, malgré ses dérapages, condamnés à Maurice et à l’étranger, reste solidement en poste. Avec Navin Beekarry à l’ICAC, Sooroojdev Phokeer au Parlement, et ses hommes de loi et agents politiques postés sans gêne aucune à l’Electoral Supervisory Commission – lesquels légistes vont souvent défendre le PM devant la Cour – peut-on raisonnablement arguer que ce Premier ministre laisse travailler les institutions «en toute indépendance» ?
Hier, sur un ton victorieux et défiant, le Premier ministre, au sortir du BP du MSM au Sun Trust, s’est longuement appesanti sur la sortie de Maurice de la liste grise du GAFI. Pravind Jugnauth a raison de jubiler (car c’est bel et bien une victoire pour Maurice !) et de congratuler son équipe gouvernementale, mais il a tort de faire l’impasse sur les causes profondes qui nous ont poussés, en premier lieu, sur les listes grise et noire. Il n’a pas raison non plus de vouloir systématiquement régler des comptes avec ses «détracteurs comme l’express», alors que le président du GAFI, Marcus Pleyer, salue lui-même le rôle de la presse et les récents Pandora Papers : “I must raise how they underscore the need for action – this is very important.” Même si les rapports de la classe politique et de la presse sont malsains en général, le Premier ministre doit s’échapper du piège de la pensée unique. Peut-être que Prakash Maunthrooa pourrait l’aider là où les autres mandarins ont lamentablement échoué, en lui expliquant que «les journaux ne créent pas les suffocants scandales qui font que l’opinion se bouche le nez».
En clamant qu’il représente le «bien» et que ceux qui n’applaudissent pas tout ce qu’il dit ou fait sont le «mal» incarné, Pravind Jugnauth, récupérant le symbolisme de la lumière versus l’ombre, propre à Divali, veut entraîner ses adversaires sur le terrain ethnique, politique. Mais il ne réussira pas, car ce jeu est aujourd’hui galvaudé. Ainsi il pense pouvoir ranger les fonctionnaires de son côté et contre ceux qui questionnent les fonds disponibles pour financer les milliards requis, mais il oublie que des syndicats de fonctionnaires ont brûlé le rapport eux-mêmes, que le rapport du PRB ne fait pas l’unanimité.
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Effet de serre ? Pourquoi cette urgence pour l’Offshore Petroleum Bill, présenté ce soir. Que cache cet empressement alors que le Premier ministre va s’envoler à la fin de ce mois au sommet de la COP26 à Glasgow, où précisément l’accent sera mis sur moins de pétrole ? Si le gouvernement avait bien lu les dernières recommandations du 6e rapport du GIEC, le groupe d’experts intergouvernemental, qui étudie depuis plus de trente ans les changements climatiques, il aurait compris que l’Offshore Petroleum Bill nous fait aller contre le courant du bon sens et de la science. Les études sont désormais flagrantes : le changement climatique est dû à l’influence humaine, au choix de nos politiques. Cyclones, inondations, rehaussement du niveau de la mer, entre autres changements, vont se multiplier si des mesures concrètes contre le réchauffement ne sont pas prises. Parmi figurent en priorité les actions de réduction des gaz à effet de serre. Et alors que le gouvernement britannique, qui est l’hôte de la COP26, annonce que, dans le cadre de sa stratégie pour parvenir à la neutralité carbone en 2050, il interdira la vente de voitures neuves à essence ou diesel à partir de 2030, à Maurice, on se lance, dans l’urgence, dans la prospection de pétrole… avec l’objectif de devenir un “major player in the extraction of oil in the world”. Ici aussi, Pravind Jugnauth doit avoir sa logique que nous n’arrivons, hélas, pas à suivre. Surtout avant même d’écouter les débats qui auront lieu lors de la COP 26 !
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