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Le phénomène Grégoire, c’est quoi ?

30 octobre 2021, 15:02

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Que le père Jocelyn Grégoire ait roulé pour la famille Jugnauth aux élections générales de 2019, aidant le MSM et ses alliés croupions à enlever des sièges dans les villes, cela reste incontestable.

Que le père Grégoire ait dépassé tous les chatwas traditionnels dans son expression de pass-diber à Pravind Kumar Jugnauth, Premier ministre et leader du MSM, cela a été amplement prouvé lors d’une cérémonie qui s’est déroulée à Rose-Belle le jeudi 21 octobre.

Sans doute influencé par ses séjours américains et compte tenu de la pratique de la standing ovation très populaire chez l’Oncle Sam, le père Grégoire a invité ses partisans à applaudir chaudement le Premier ministre lors de la cérémonie. Contrairement aux traditions concernant les prêtres catholiques, le père Grégoire a pris la parole à cette cérémonie pour vanter les louanges du leader du MSM.

Ce comportement de l’ecclésiastique a surpris tout le monde à l’exception des die-hards du MSM bien exposés au «travail-châssis» auquel se livra le prêtre aux dernières élections. Grégoire scandalisa franchement l’Église qui dût sortir un communiqué.

En fait, le père Grégoire représente un phénomène unique dans les traditions «socio-culturelles» du pays. De toujours, les hommes d’Église se sont gardés de rouler pour les hommes politiques supposément au pouvoir. Au contraire, les traditions d’avant l’indépendance ont été maintenues. Par contre, de façon très subtile et correcte, des prêtres, dont le père Henri Souchon, n’ont pas manqué de s’élever contre les manquements et les dérives du système. Ainsi, au début des années 1970, les pères Philippe Fanchette et Reynolds Michel devaient introduire de nouveaux concepts qui remettaient en question l’ordre établi. Ces deux prêtres ont marqué de façon très positive la perception des Mauriciens de toutes les confessions sur les méfaits du néocolonialisme et la mainmise sociale et culturelle de la classe économique dominante.

Le père Grégoire, par contre, part d’une stratégie totalement différente. Il se retrouve dans la même situation que des dirigeants socioculturels traditionnels qui aiment se frotter aux politiciens au pouvoir, tout en se livrant à un lobbying systématique en faveur de leurs protégés. Ainsi, dans la shopping list de telle organisation, on pourrait bien y retrouver la présidence de la République, la présidence de la Public Service Commission, deux ambassadeurs, quatre Senior Chief Executives, un Deputy Commissioner of Police, deux surintendants d’hôpital. Après les discours officiels, au moment du thé, le Premier ministre expliquera que certaines de ces nominations ont été déjà faites mais «atan, mo pe al mision enn zafer nasionzini sa, kuma mo retourne, mo get leres». Et tout le monde rentre chez lui très content de l’évolution du lobbying.

Le père Grégoire se retrouverait-il dans la même situation ? Au lieu de combattre le système qui voit que c’est toujours le même groupe qui s’installe à l’Hôtel du gouvernement, élections après élections, il entend, lui, composer avec ces puissants. Et tirer avantage pour ses partisans en dirigeant vers eux une partie des largesses de l’État. Pourquoi ces infortunés du système ne tirent-ils pas eux aussi avantage des facilités offertes par le gouvernement ? Ce raisonnement s’appuie aussi sur le fait qu’il ne serait électoralement pas prudent pour un Premier ministre de ne s’appuyer que sur noubann pour conserver le pouvoir. Il a besoin de 5 sous que pourrait lui procurer quelqu’un comme Grégoire pour composer sa roupie électorale. Les 5 sous de Grégoire ont été d’ailleurs déterminants dans deux circonscriptions de Port-Louis et dans d’autres des Plaines-Wilhems aux élections de 2019.

On ne sait encore s’il existe une force à Maurice qui pourrait brimer le père Grégoire et le condamner à l’exil aux USA pour bien des années encore mais, avec sa stratégie payante, il pourrait bien aider à maintenir Pravind Jugnauth au pouvoir jusqu’en 2034. À condition évidemment que les différentes forces de l’opposition ne parviennent pas à s’entendre sur une formule d’unité autour du slogan bour-li-deor.